17 janvier 2013

Contamination au pentachlorophénol dans l’eau potable de puits privés au Vermont causée par des poteaux de service en bois traités

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Céline Campagna
chercheure d’établissement, Institut national de santé publique du Québec

Céline Campagna, PhD, Conseillère scientifique pour le groupe scientifique sur l’eau, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, INSPQ

Le texte qui suit présente un résumé de l’étude menée par Karlsson et coll. publiée récemment dans la revue American Journal of Public Health.

Qu’est-ce que le pentachlorophénol (PCP) :

Le PCP est un pesticide organochloré notamment utilisé pour la préservation et la protection des pièces de bois afin d'en ralentir la dégradation biologique. Le PCP est homologué et utilisé aux États-Unis et au Canada depuis longtemps pour le traitement des poteaux de bois destinés aux services publics (ex. : lignes électriques ou téléphoniques).

Lors d’une exposition, le PCP est absorbé rapidement par ingestion, par inhalation ou par la peau. Il ne s’accumule pas dans le corps et sa demi-vie d’élimination (principalement par l’urine) est d’environ 33 heures. Les principaux effets à la santé associés au PCP sont : irritation de la peau, des yeux et du système respiratoire, toxicité hépatique ou rénale, perturbation de la phosphorylation oxydative, et l’hyperthermie pouvant mener à la mort. La US EPA a classé le PCP en 2010 comme étant « probablement cancérogène pour les humains » (likely to be carcinogenic to humans) par toutes les voies d’exposition.

Aux États-Unis, la norme (maximum contaminant level) est de 1,0 µg/L pour le PCP dans l’eau potable. Le seuil d’odeur médian de cette substance dans l’eau se situe autour de 30 µg/L (odeur de type aromatique).

Méthodes

Les auteurs de l’étude rapportent deux cas (indépendants) de contamination :

1) Juin 2009 : Une résidente appelle le Département de santé du Vermont (DSV) à propos d’une odeur dans l’eau de son puits privé. Sur la base de la description de l’odeur, de l’historique de changement récent de poteaux de services en amont de la source d’eau et des connaissances du DSV sur le PCP, le DSV a avisé la résidente de ne pas ingérer l’eau, de ne pas avoir de contact cutané avec l’eau et d’éviter d’inhaler les vapeurs émanant de l’eau. La source d’eau était peu profonde et il était probable que le poteau fût en contact avec la nappe phréatique.

2) Juillet 2009 : Le DSV reçoit un appel similaire d’une autre localisation. Trois poteaux de service avaient récemment été changés en amont de la source d’eau. Sur la base des mêmes critères que le cas 1, le DSV a avisé le résident de ne pas ingérer l’eau, de ne pas avoir de contact cutané avec l’eau et d’éviter d’inhaler les vapeurs émanant de l’eau.

Résultats et discussion

Cas 1. Des échantillons d’eau ont été effectués au robinet de la résidence (juin 2009). La concentration en PCP était de 2,06 mg/L (2 060 µg/L) et un échantillonnage subséquent a révélé une concentration de 1,15 mg/L. Le Département de conservation de l’environnement et la compagnie de services publics ont coordonné (et payé) le nettoyage en juillet 2009 (remplacement du poteau par un poteau en cèdre non traité et forage d’un nouveau puits non contaminé à 705 pieds de profondeur).

Cas 2. L’échantillonnage de l’eau potable a été effectué au domicile. La concentration en PCP était de 0,007 mg/L (7 µg/L) et un échantillonnage subséquent a révélé une concentration de 0,002 mg/L (2 µg/L). En août, la compagnie de services publics a remplacé le poteau par un poteau de cèdre non traité et payé pour l’installation d’un filtre au charbon activé au point d’entrée du domicile. Le PCP n’était pas détecté après la filtration. En octobre 2009, la source ne contenait plus de PCP détectable.

Selon les auteurs, l’installation de poteaux de service en bois traité près de sources d’eau peu profondes peut augmenter le risque de contamination de l’eau potable. Les auteurs expliquent aussi que l’installation de poteaux traités au PCP n’est pas considérée comme une application de pesticides et n’est pas régulée par le gouvernement, plutôt, elle est sujette à une exemption au règlement. En janvier 2012, le Vermont a proposé une règlementation sur la localisation des poteaux de service près des sources d’eau ainsi que sur les traitements de réapplication.

Les auteurs recommandent notamment :

  • Considérer une contamination au PCP lorsque la présence d’une odeur aromatique est associée à l’installation d’un poteau de service à proximité
  • Prévoir des directives pour restreindre l’installation de poteaux de service traités près de puits d’eau
  • Utiliser des alternatives plus sécuritaires aux poteaux de service traités au PCP

Classification du PCP par le Canada et l’OMS :

Santé Canada (1987) classe le PCP dans le « Groupe VA (données insuffisantes pour l'évaluation) »;

Le Centre de recherche sur le cancer de l’OMS (IARC; 2010) a classé l’exposition combinée aux chlorophénols et leurs sels de sodium comme « possiblement cancérogène pour l’humain (groupe 2B) ».

Normes et valeur guide au Québec et au Canada

Au Québec, la norme (2012) pour le PCP dans l’eau potable est de 42 µg/L tandis que la recommandation canadienne (1987) est de 60 µg/L. La différence entre ces deux concentrations s’explique par l’utilisation d’une consommation d’eau de 2,0 L/jour dans les calculs de normes au Québec, comparativement à 1,5 L/jour au Canada. Ces deux concentrations reposent sur les effets non cancérogènes du PCP, tandis que la norme américaine repose sur le risque cancérogène (1 cas d’excès de cancer par 100 000 personnes; 10-5).

Depuis 2001, lors du suivi effectué dans le cadre du Règlement sur la qualité de l’eau au Québec, seulement 37 échantillons avaient une concentration au-delà de la limite de détection. De ces 37, seulement 4 échantillons dépassaient la valeur de 1,0 µg/L.

Référence

Lee Karlsson, Lori Cragin, Gail Center, Cary Giguere, Jeff Comstock, Linda Boccuzzo, Austin Sumner. 2013. Pentachlorophenol Contamination of Private Drinking Water From Treated Utility Poles. American Journal of Public Health; 103(2):276-277. ajph.aphapublications.org/doi/abs/10.2105/AJPH.2012.300910