12 novembre 2020

Évaluation d’une intervention visant à améliorer la qualité de l’air intérieur d‘un complexe résidentiel

Article
Auteur(s)
Patrick Poulin
Ph. D., conseiller scientifique spécialisé, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, Institut national de santé publique du Québec
Jean-Marc Leclerc
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Joanne Aubé-Maurice
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin-conseil, Direction de santé publique du Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent

Résumé

Une intervention de mise à niveau du système de ventilation mécanique centralisé a été réalisée au cours de l’automne 2016 dans un complexe résidentiel de 60 logements situé à Rimouski, dans lequel divers problèmes d’ordre conceptuel, mécanique et comportemental influençaient négativement le taux de ventilation, la qualité de l’air intérieur, le confort et la santé des occupants. La démarche reposait d’une part sur des correctifs techniques applicables notamment au système de ventilation mécanique et, d’autre part, sur une approche basée sur la communication entre gestionnaires, employés et occupants, afin de mieux caractériser les perceptions et comportements entourant la problématique vécue. Par la suite, soit au printemps 2017, une évaluation de cette intervention a été conjointement menée par la Direction de santé publique du Bas-Saint-Laurent et l’INSPQ. Les constats positifs articulés à la suite de cette intervention témoignent de la pertinence de promouvoir les enjeux relatifs à la ventilation et au maintien d’une bonne qualité de l’air intérieur auprès des propriétaires et des gestionnaires des bâtiments résidentiels publics et privés de la province.

Introduction

Les liens entre la qualité de l’air intérieur (QAI) et la santé des occupants ne sont plus à démontrer. Nombre d’études confirment que l’exposition à un air intérieur de mauvaise qualité peut engendrer des inconforts, causer ou exacerber divers symptômes, voire contribuer au développement de certaines maladies chroniques. Les femmes enceintes, les enfants, mais également les personnes atteintes de problèmes de santé chroniques et respiratoires, ainsi que les personnes âgées, sont particulièrement vulnérables aux milieux intérieurs dont l’air est de mauvaise qualité. De plus, la façon dont les bâtiments et leurs équipements sont conçus, construits et entretenus influe sur une large gamme de paramètres et de conditions environnementales et, de ce fait, sur la qualité des milieux et le bien-être des occupants.

Le complexe résidentiel La Roseraie, composé de 60 logements (subventionnés ou non) et situé à Rimouski, constitue un exemple éloquent d’un bâtiment qui, aux prises avec des problèmes de ventilation mécanique et de QAI depuis sa mise en service en 2008, a fait l’objet de plaintes répétées de la part des occupants en regard d’inconforts ressentis. En effet, divers problèmes de conception et d’installation du système de ventilation centralisé ont été soulevés par la firme-conseil qui a procédé à l’évaluation de la performance du système en 2016. Selon les informations recueillies alors, une majorité d’occupants éprouvait des inconforts thermiques et olfactifs, ainsi qu’une sensation générale de sécheresse avant la mise en œuvre des travaux correctifs.

Afin de remédier à cette situation, les gestionnaires du complexe résidentiel ont mené une intervention visant à améliorer le confort et la santé des occupants, majoritairement des personnes âgées. Celle-ci a été articulée en deux principaux volets : un volet technique appliqué au système de ventilation et un volet communicationnel à l’intention des occupants. Alors que le volet technique visait notamment à corriger le débit d’air frais trop important entrant dans les logements, le second volet a été développé par les gestionnaires de projet (soit 3 personnes relevant de l’équipe de gestion du complexe résidentiel) pour faciliter l’adhésion des occupants à la démarche et favoriser l’abandon des comportements nuisant au bon fonctionnement du système de ventilation. Ce second volet, de nature plus participative, impliquait des entretiens individuels et de groupe avec les occupants et le personnel, ainsi qu’une séance d’information. Ces éléments sont rapportés de façon détaillée dans la section suivante.

Méthodologie

Au printemps 2017, la Direction de santé publique (DSPublique) du Bas-Saint-Laurent a interpellé l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) afin de solliciter sa collaboration à une évaluation portant sur le processus de mise en œuvre d’une intervention combinée (c’est-à-dire tenant compte des facteurs techniques et humains) pour améliorer la ventilation. L’évaluation comprenait également les retombées quant aux effets qui en ont découlé sur le confort et la santé des occupants.

Les objectifs spécifiques de cette évaluation étaient de :

  • préciser le contexte et la problématique rencontrée concernant la QAI et le confort des occupants avant l’intervention;
  • caractériser l’intervention réalisée pour résoudre la problématique rencontrée;
  • décrire les résultats observés à la suite de l’intervention.

À terme, l’évaluation visait à soutenir d’autres propriétaires et gestionnaires d’habitations dans les travaux à mener lorsqu’ils sont confrontés à une mauvaise QAI dans leurs complexes résidentiels.

Pour faciliter l’élaboration des outils de collecte de données (questionnaire et grilles d’entrevue) et pour s’assurer que les thèmes et éléments couverts répondaient à l’ensemble des objectifs décrits précédemment, un modèle logique a été développé. Le recrutement des informateurs clés (gestionnaires de projet, membres du personnel de l’Office d’habitation Rimouski-Neigette [OHRN] et occupants du bâtiment La Roseraie) a été effectué selon une série de critères préétablis. Ceux-ci devaient également remplir un formulaire de consentement pour participer à l’étude.

Les données utiles à l’étude ont été colligées en faisant appel à 4 méthodes de collecte de données :

  1. Des entretiens informels de nature qualitative auprès des gestionnaires de projet;
  2. Un groupe de discussion de nature qualitative avec un échantillon du personnel de l’OHRN;
  3. Des entrevues semi-dirigées de nature qualitative avec les gestionnaires de projet et un échantillon d’occupants de La Roseraie;
  4. Des entrevues de nature quantitative par questionnaire avec un échantillon des occupants de La Roseraie.

La taille de l’échantillon de gestionnaires et de membres du personnel visée pour l’entrevue de groupe était évaluée à environ 10 personnes, tout comme celle des occupants prenant part aux entrevues qualitatives individuelles, avec pour objectif d’atteindre un niveau satisfaisant de saturation des données. De plus, il était prévu de soumettre un questionnaire de nature quantitative à un minimum de 30 occupants, et ce, afin d’obtenir la puissance statistique adéquate pour la réalisation d’analyses statistiques subséquentes.

Tous les outils de collecte de données développés ont été prétestés auprès des publics cibles concernés afin de s’assurer qu’ils soient complets, pertinents et bien compris des participants.

Les données qualitatives (soit toutes les informations factuelles et pertinentes associées à l’intervention réalisée), rapportées par les gestionnaires de projet lors d’échanges informels (première méthode de collecte de données), ont été colligées de façon chronologique et validées par ceux-ci. La séance de discussion en groupe (deuxième méthode) et les entrevues individuelles semi-dirigées (troisième méthode) ont été enregistrées puis retranscrites sous la forme de résumés thématiques. Une analyse qualitative de ces résumés thématiques a ensuite été réalisée à l’aide du logiciel N-VIVO 10. Les données quantitatives (soit toutes les informations colligées par le biais du questionnaire; quatrième méthode) ont pour leur part été réunies sur un support numérique pour chacune des deux phases (soit avant et après l’intervention) afin de brosser un portrait descriptif des différentes variables mesurées avec le questionnaire. Pour ce faire, des distributions de fréquences et des proportions ont été calculées; ces analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du logiciel SAS.

Résultats

Profil des participants

La figure 1 illustre les types de participants rencontrés selon la méthode de collecte de données utilisée. Au total, 43 personnes ont participé à la collecte de données.

Figure 1 - Types de participants rencontrés selon la méthode de collecte de données

Figure 1 - Types de participants rencontrés selon la méthode de collecte de données

* À noter que seulement 2 gestionnaires ont participé aux échanges informels, alors que 3 ont participé aux entrevues semi-dirigées.

Tout d’abord, 2 gestionnaires de projet ont pris part à plusieurs échanges informels avant la collecte de données, jusqu’à l’obtention d’un tableau précis et complet de la situation. Par la suite, 8 membres du personnel, présélectionnés sur la base de la diversité de leurs rôles et de leur compréhension de l’intervention, ont participé au groupe de discussion, soit 1 employé du service à la clientèle, 4 employés des services techniques et 3 employés du service communautaire.

Il faut noter que la majorité des membres du personnel ayant pris part au groupe de discussion travaille à l’OHRN depuis plus de 5 ans. En ce qui concerne les 3 gestionnaires de projet, ils ont ensuite pris part à des entrevues individuelles semi-dirigées. Du côté des occupants, 10 d’entre eux (3 hommes et 7 femmesI) ont accepté de participer, sur une base volontaire, à une entrevue semi-dirigée après avoir répondu au questionnaire. Il est à noter que cette opportunité était offerte à tous les occupants rencontrés. Ainsi, au total, 21 personnes ont participé à la collecte de données qualitatives. Celle-ci a pris fin lorsqu’un niveau satisfaisant de saturation des données a été atteint.

Parmi les 53 occupants admissibles à l’étude approchés par l’animatrice de milieu pour participer au questionnaire (quantitatif), 13 ont refusé d’emblée et 8 n’ont pas été retenus pour diverses autres raisons (absents lors des travaux ou non intéressés par l’étude). Ce questionnaire a donc été rempli par 32 occupants, ce qui se traduit par un taux de réponse de 60 %. Les caractéristiques de ces répondants se déclinent en une dizaine de variables présentées au tableau 1. Il est à noter que dans un certain nombre de cas, les 2 locataires d’un même logement (couple, amis ou membre d’une même famille) se sont prêtés à l’exercice à tour de rôle en absence de leur colocataire.


I Pour la synthèse des résultats, le masculin a été utilisé afin d’assurer la confidentialité des occupants interviewés.

Tableau 1 - Caractéristiques personnelles des répondants et souvenance de l’intervention

Variable Fréquence (Ntotal = 32)* Proportion (%)
Caractéristiques personnelles
Genre Femmes 22 68,8
Hommes 10 31,3
Date de naissance 1930-1939 4 12,5
1940-1949 15 46,9
1950-1959 6 18,8
1960-1969 6 18,8
1970-1979 1 3,1
Niveau de scolarité complété Primaire 13 40,6
Secondaire 6 18,8
Collégial 10 31,3
Universitaire 3 9,4
Durée d'occupation 1 à 5 ans 8 25,0
6 à 10 ans 24 75,0
Possède un animal domestique Oui 5 16,7
Non 25 83,3
Fumeur Oui 6 18,8
Non 26 81,3
Ex-fumeur parmi les non-fumeurs Oui 12 46,2
Non 14 53,9
Souvenance de l'intervention
Souvenance des travaux correctifs Oui 30 93,8
Non 2 6,3
Participation à la séance d'information Oui 13 43,3
Non 17 56,7

* Lorsque le total des réponses diffère de l’effectif total (n = 32), cela s’explique par l’absence de réponse de certains.

Description de la situation avant l’intervention

Cette section relate des faits observés entre l’ouverture de La Roseraie, en 2008, et le début de l’intervention menée sur le système de ventilation, à l’automne 2016.

Caractéristiques du bâtiment et du système de ventilation

D’après les entretiens informels menés auprès des gestionnaires de projet, La Roseraie a été érigée en 2008 selon les exigences du programme Novoclimat 1.0. Le bâtiment était équipé d’un système centralisé de ventilation à récupération de chaleur comprenant 2 appareils monoblocs installés sur la toiture du bâtiment et munis d’éléments de chauffage à serpentin électrique localisés en aval des appareils.

Les gestionnaires interrogés ont rapporté que divers problèmes de conception et d’installation avaient été relevés par la firme-conseil qui a procédé à une évaluation de la performance du système au printemps 2016. Notamment, il a été constaté que :

  • Les 2 appareils de ventilation mécanique fonctionnaient en continu et à haute vitesse. Ceux-ci produisaient des débits d’air trop élevés (c.-à-d. jusqu’à 30 % plus élevés que les exigences du Code national du bâtiment [CNB]). Les moteurs étaient surdimensionnés, ce qui causait de fréquentes ruptures des courroies d’entraînement;
  • L’air vicié était expulsé à proximité de la prise d’air frais;
  • Le système n’était pas équilibré, créant ainsi des écarts de pression entre certaines sections du bâtiment ainsi que des infiltrations d’air froid par les conduites de sécheuse et les hottes de cuisine;
  • La régulation des appareils était rudimentaire et seules les sondes de monitorage de la température d’alimentation étaient fonctionnelles; celles destinées au suivi de la température, de l’humidité relative et de la concentration de CO2 de l’air intérieur étaient inactives ou inexistantes;
  • Le serpentin de chauffage fonctionnait constamment à la puissance maximale. Celui-ci surchauffait et devenait régulièrement hors fonction. Cette situation nuisait grandement au confort thermique des occupants, qui ne pouvaient pas toujours obtenir un apport d’air neuf préchauffé à 20 °C;
  • Les diffuseurs d’air frais étaient surdimensionnés et de conception inappropriée, entraînant de ce fait un effet de coulage d’air froid dans les logements;
  • Le système ne possédait pas d’humidificateur et le taux d’humidité relative moyen en hiver était d’environ 14 %.

En complément, les gestionnaires de projet ont expliqué que les grilles d’apport d’air frais étaient situées dans les chambres à coucher et le salon de chacun des logements ainsi que dans les corridors adjacents. Initialement, les modèles de diffuseurs installés dans les logements pouvaient être fermés manuellement par les occupants. Les grilles d’évacuation des salles de bain étaient raccordées au système de ventilation central alors que les hottes de cuisine étaient indépendantes et munies d’une sortie extérieure.

Perceptions des causes de la problématique par les occupants, le personnel et les gestionnaires

Selon les entrevues semi-dirigées, des occupants ont éprouvé des inconforts associés à leurs conditions de logement, et ce, dès l’ouverture du complexe résidentiel en 2008, sans toutefois faire le rapprochement avec la ventilation. D’après des membres du personnel interrogés, les occupants croyaient initialement que le bâtiment était mal isolé avant qu'ils ne prennent progressivement conscience que d’autres locataires vivaient des inconforts similaires dans leurs propres logements.

En entrevue, certains occupants ont mentionné avoir discuté de cette problématique avec le personnel de l’OHRN, alors que d’autres n’ont jamais amorcé de tels échanges. Toutefois, la majorité s’accordait sur le fait que, pendant plusieurs années, la situation ne s’était pas améliorée. Selon certains membres du personnel interviewés, les occupants ont perdu progressivement confiance envers le système de ventilation. Un employé ajoute que cette perte de confiance s’est plus particulièrement accentuée après une panne des serpentins électriques, pièces utilisées pour chauffer l’air frais distribué dans les logements. Les occupants ont alors commencé à obstruer les grilles d’apport d’air frais.

Les membres du personnel et les gestionnaires ont donc d’abord pris connaissance de cette situation par le biais des occupants, qui les informaient de leurs inconforts, puis en constatant de fréquents bris des différentes composantes clés du système de ventilation. Selon les employés interviewés, plusieurs années se sont écoulées avant que l’OHRN trouve les causes précises de ces inconforts, c’est-à-dire la mauvaise conception du système de ventilation qui occasionnait notamment une ventilation excessive de certains espaces intérieurs du bâtiment. Entre-temps, le personnel de l’OHRN a tenté d’agir sans toutefois parvenir à effectuer les travaux qui auraient permis d’améliorer le confort et la santé des occupants.

Impacts perçus sur le confort et la santé des occupants

À la lumière des données quantitatives et qualitatives recueillies, la mauvaise conception du système de ventilation du complexe résidentiel a eu des impacts sur le confort et la santé de plusieurs participants. En effet, des occupants ont éprouvé dans leur logement :

  • une sensation de sécheresse ou d’assèchement (ex. : des yeux, de la peau, du nez ou de la gorge);
  • des inconforts thermiques (ex. : courants d’air froid en provenance des grilles de ventilation);
  • des inconforts olfactifs en provenance ou non de leur logement (ex. : odeurs de feux de bois, de cigarette, de nourriture, etc.);
  • des inconforts auditifs dus au bruit de fonctionnement du système de ventilation;
  • une accumulation rapide de poussières blanches dans leur logement.

En entrevue, des locataires ont rapporté que plusieurs facteurs influençaient la perception de ces inconforts, tels que la sensibilité individuelle, la santé globale de l’occupant, l’attribution d’une cause aux inconforts, etc. En effet, comme indiqué dans le tableau 2, la fréquence des inconforts ressentis variait considérablement entre les répondants. Néanmoins, une proportion importante éprouvait des inconforts thermiques, une sensation d’assèchement ou des inconforts olfactifs en provenance du milieu environnant.

Selon les occupants interviewés, ces inconforts pourraient être à la source de certains problèmes physiologiques chez les occupants, tels que des saignements de nez. En effet, des employés ont expliqué qu’avant les travaux effectués sur le système de ventilation, les occupants étaient plus souvent malades. Cet élément est corroboré par les données quantitatives recueillies. Plusieurs répondants ont rapporté éprouver de façon récurrente une variété de problèmes de santé et de symptômes avant l’intervention (voir tableau 3). Les plus fréquemment nommés incluaient notamment les irritations du nez, les éternuements, le nez qui coule ou qui est bouché, l’insomnie, les irritations des yeux ou les yeux larmoyants.

Tableau 2 - Inconforts et perception de l’état de santé général rapportés par les occupants par l’entremise du questionnaire

Variables Période pré-intervention Période post-intervention
Fréquence
(Ntotal = 32)*
Proportion
(%)
Fréquence
(Ntotal = 32)*
Proportion
(%)
Confort/inconfort
Niveau de confort à la suite de l’intervention Meilleur N.D. N.D. 17 53,1
Identique N.D. N.D. 14 43,8
Moindre N.D. N.D. 1 3,1
Inconforts thermiques (froid)** Oui 16 51,6 6 18,8
Non 15 48,4 26 81,3
Sensation d'assèchement** Oui 18 58,1 13 41,9
Non 13 41,9 18 58,1
Inconforts auditifs dus au bruit du système de ventilation Oui 4 12,9 2 6,3
Non 27 87,1 30 93,8
Inconforts olfactifs dus aux odeurs provenant du logement Oui 5 15,6 2 6,3
Non 27 84,4 30 93,8
Inconforts olfactifs dus aux odeurs ne provenant pas du logement** Oui 19 59,4 12 38,7
Non 13 40,6 19 61,3
Perception de l'état de santé général
État de santé général pré-intervention Très bon 6 19,4 N.D. N.D.
Bon 15 48,4 N.D. N.D.
Passable 10 32,3 N.D. N.D.
État de santé général post-intervention Meilleur N.D. N.D. 4 12,5
Identique N.D. N.D. 25 78,1
Moindre N.D. N.D. 3 9,4

* Lorsque le total des réponses diffère de l’effectif total (n = 32), cela s’explique par l’absence de réponse de certains participants.
** Valeur-p < 0,05 : différence significative observée entre la période pré et post-intervention, selon le test de McNemar.
N.D. : Non disponible.

Tableau 3 - Problèmes de santé et symptômes rapportés par les occupants par l’entremise du questionnaire au regard des périodes pré- et post-intervention

Variables Période pré-intervention Période post-intervention : diminution des problèmes observés
Fréquence
(Ntotal = 32)*
Proportion
(%)
Fréquence* Proportion
(%)
Au moins un problème ou symptôme ci-dessous Oui 30 93,8 8 26,7
Non 2 6,3 22 73,3
Problèmes de santé auto-déclarés
Grippe/rhume Oui 6 18,8 2 33,3
Non 26 81,3 4 66,7
Laryngite/pharyngite Oui 2 6,3 1 50,0
Non 30 93,8 1 50,0
Bronchite aiguë ou pneumonie Oui 6 18,8 2 33,3
Non 26 81,3 4 66,7
Difficultés ou sifflements respiratoires Oui 5 15,6 2 40,0
Non 27 84,4 3 60,0
Crise d'asthme Oui 3 9,4 0 0,0
Non 29 90,6 3 100,0
Symptômes auto rapportés
Allergies nasales Oui 8 25,0 2 25,0
Non 24 75,0 6 75,0
Éternuement, nez qui coule ou nez bouché Oui 15 46,9 2 13,3
Non 17 53,1 13 86,7
Eczéma ou allergie cutanée Oui 11 34,4 0 0,0
Non 21 65,6 11 100,0
Insomnie Oui 14 45,2 2 14,3
Non 17 54,8 12 85,7
Maux de tête Oui 11 34,4 2 18,2
Non 21 65,6 9 81,8
Irritation des yeux ou yeux larmoyants Oui 12 37,5 1 8,3
Non 20 62,5 11 91,7
Irritation du nez Oui 16 50,0 7 46,7
Non 16 50,0 8 53,3
Irritation de la gorge Oui 9 28,1 2 22,2
Non 23 71,9 7 77,8

* Pour la période pré-intervention, certains participants s’étant parfois abstenus de répondre, le nombre total de réponses peut différer de l’effectif total (n = 32). Pour la période post-intervention, puisque seuls les participants aux prises avec le problème ou le symptôme à l’étude ont été interrogés, le nombre de réponses varie.

Actions entreprises par les occupants pour atténuer leurs inconforts

D’après les résultats des entretiens qualitatifs, certains occupants ont obstrué les grilles d’apport d’air frais de leur appartement dans le but d’atténuer les inconforts thermiques, olfactifs ou auditifs occasionnés par le système de ventilation du bâtiment. De fait, selon les données quantitatives, 44 % des répondants ont tenté d’obstruer les grilles d’air (n = 14). Une association significative a d’ailleurs été observée entre le fait d'entraver les grilles de ventilation et la perception d’inconforts thermiques avant l’intervention. En effet, 10 des 16 personnes ayant éprouvé ce type d’inconfort ont bouché leurs grilles (63 %), alors que 4 des 15 n’ayant pas éprouvé ces problèmes l’ont fait (27 %) (valeur-p du khi-deux = 0,0451). En dépit de cette tendance, seulement 6 répondants rapportent avoir communiqué leur insatisfaction au gestionnaire de l’OHRN (19 %) et 5 d’entre eux ont entrepris d’obstruer les grilles et de communiquer leur insatisfaction. Par ailleurs, il est intéressant de souligner que les coûts de chauffage constituaient quant à eux une préoccupation pour le quart des participants de l’étude, soit 8 personnes (25 %), une information corroborée par les entrevues semi-dirigées. À cet effet, 7 de ces 8 personnes ont bouché leurs grilles (88 %), alors que 7 des 24 personnes qui n’en étaient pas préoccupées l’ont aussi fait (29 %). Comme indiqué par la valeur-p du test du khi-deux effectué (p = 0,0040), il existe donc une association significative entre le fait d’avoir obstrué les grilles de ventilation et l’inquiétude au regard des coûts de chauffage.

En entrevue, des occupants ont aussi mentionné avoir utilisé un humidificateur dans leur logement afin de réduire la sensation d’assèchement ressentie. D’autres actions, moins fréquentes toutefois, ont également été nommées par les occupants, telles que déplacer les meubles afin qu’ils ne se trouvent pas sous une grille de ventilation, s’habiller plus chaudement ou discuter informellement de la problématique avec un membre du personnel de l’OHRN. Concernant ce dernier point, quelques répondants ont mentionné, en entrevue, avoir interpellé des professionnels de l’OHRN et d’autres occupants dans les corridors au sujet des « courants d’air » perçus dans leur logement. Il est d’ailleurs ressorti des groupes de discussion avec les membres du personnel que les occupants n’avaient pas tellement le réflexe de transmettre leurs inconforts et insatisfactions par des modes de communications formels aux gestionnaires concernés, préférant s’abstenir ou en discuter avec le personnel (aisément accessible) du complexe résidentiel.

Description de la situation pendant l’intervention

Comme mentionné précédemment, l’intervention menée pour pallier les inconforts des occupants était caractérisée par deux volets : un volet technique appliqué au système de ventilation et un volet communicationnel à l’intention des occupants.

Travaux techniques appliqués au système de ventilation

En 2016, une analyse plus exhaustive de la problématique a été effectuée par le directeur aux services techniques et un consultant en ventilation. Ces derniers étaient ainsi parvenus à trouver des solutions techniques permettant d’améliorer le confort et la santé des occupants. Les modifications à apporter au système devaient à la fois contribuer à réduire les inconforts vécus par les occupants et être financièrement soutenables pour l’OHRN.

D’après les entretiens informels avec les gestionnaires de projet, les éléments clés de ces travaux techniques comprenaient :

  • la diminution des débits d’air neuf et le rééquilibrage des systèmes de ventilation;
  • l’ajustement du profil de diffusion de l’air frais dans les logements (modification des diffuseursII);
  • l’activation et l’ajout des sondes pour une lecture en temps réel de la température, de l’humidité relative et des concentrations de CO2 de l’air intérieur;
  • l’activation de sondes pour tenir compte du taux d’humidité extérieur dans la programmation du système;
  • l’installation d’une interface de contrôle de la ventilation à débit variable (haut, moyen, bas) en fonction des horaires prédéfinis et de la lecture des sondes;
  • la modulation de la puissance de chauffe du serpentin en fonction de la programmation de débit du système;
  • l’installation d’un déviateur à l’évent d’air vicié du premier appareil de ventilation.

II Grille apposée sur le registre du système de ventilation qui permet une répartition latérale uniforme du flux d’air frais propulsé dans un espace intérieur donné.

Travaux communicationnels menés auprès des occupants

Selon certains employés interviewés, les occupants ont d’abord été informés des modifications techniques à apporter dans leur logement par l’entremise d’une lettre. Cette lettre avisait notamment les occupants que des professionnels de l’OHRN les visiteraient pour rééquilibrer les débits d’air et installer des diffuseurs dans leurs logements. D’après ceux-ci, lors des premières visites, les occupants étaient réticents à collaborer, surtout pour dégager les grilles de ventilation qu’ils avaient eux-mêmes obstruées.

Après quelques visites, les gestionnaires et le personnel concernés ont choisi d’interrompre leurs travaux afin de revoir leur approche auprès des occupants. Une démarche plus participative a alors été préconisée, impliquant notamment une séance d’information et d’échanges avec les locataires. Selon certains membres du personnel, cette séance a permis de répondre aux questions des occupants, de vulgariser le fonctionnement du système de ventilation et quelques principes de base associés à la ventilation (ex. : l’effet de cascade, la ventilation équilibrée, l’effet du vent, etc.). Cet exercice de transfert de connaissances a permis de déconstruire certains préjugés défavorables envers le système de ventilation en place et d’articuler un contrat verbal gestionnaire-locataire. Celui-ci visait à garantir une performance accrue du système en échange de l’abandon de comportements nuisibles au bon fonctionnement du système de ventilation par les occupants. Par contre, des employés ont précisé qu’au moment où la séance devait avoir lieu, aucun occupant ne s’est présenté. Ils ont dû interpeller au porte-à-porte chacun des occupants pour les y inviter. Quelques locataires ont décliné l’offre par manque d’intérêt, mais une trentaine d’entre eux ont finalement assisté à la rencontre.

Description de la situation après l’intervention

Cette section met en relief les principales retombées de l’intervention réalisée à La Roseraie afin d’améliorer le confort et la santé des occupants. Elle correspond à la période faisant suite aux travaux techniques et communicationnels effectués, c’est-à-dire après l’hiver 2017.

Appréciation de l’intervention réalisée

Malgré tout, l’intervention a été appréciée puisque 75 % des occupants (n = 24) ayant répondu au questionnaire se sont dits satisfaits ou très satisfaits des travaux correctifs réalisés. De façon similaire (et considérant que 57 % des occupants n’avaient pas participé à la rencontre d’information), 66 % des participants (n = 21) ont rapporté être satisfaits ou très satisfaits de l’information reçue (voir tableau 4). En tout, ce sont 17 participants (53 %) qui se sont montrés à la fois satisfaits ou très satisfaits des travaux et de l’information reçue. Il est intéressant de souligner que, parmi les 24 répondants satisfaits et très satisfaits des travaux, 16 d’entre eux (67 %) ont également observé une amélioration de leur confort général à la suite de l’intervention.

Tableau 4 - Appréciation de l’intervention par les participants

Variables Fréquence (Ntotal = 32) Proportion (%)
Appréciation de l'intervention

Niveau de satisfaction concernant les

travaux correctifs réalisés

Très satisfait 14 43,8
Satisfait 10 31,3
Peu satisfait 2 6,3
Pas satisfait 1 3,1
Ne sait pas 5 15,6

Niveau de satisfaction concernant les informations

reçues en lien avec le système de ventilation

Très satisfait 11 34,4
Satisfait 10 31,3
Peu satisfait 1 3,1
Ne sait pas 10 31,3

En entrevue, des employés expliquaient qu’une nouvelle interface de contrôle permettait désormais de suivre, en temps réel, le fonctionnement du système de ventilation et de rétroagir sur celui-ci au besoin. Ils considéraient ainsi être en mesure de prévenir une importante proportion des plaintes des occupants en détectant tous bris ou dysfonction du système dès qu’ils en manifesteraient la survenue. Certains membres du personnel ont mentionné ne pas avoir reçu de nouvelles plaintes et ne pas avoir été abordés de nouveau par des occupants à ce sujet depuis la réalisation des travaux. Un constat similaire a été exprimé par certains occupants lors des entrevues. Ces derniers ont rapporté aussi qu’ils en discutaient moins entre eux.

Évolution des perceptions, des connaissances et des comportements

Des employés ont expliqué qu’avant l’intervention, ils ne détenaient pas assez de connaissances pour bien comprendre le fonctionnement du système de ventilation. Ils n’étaient donc pas en mesure d’argumenter auprès des ingénieurs et des entrepreneurs ayant développé les plans et les devis, de participer à la mise en place du système de ventilation à La Roseraie et de reconnaître les problèmes inhérents à ce dernier. Selon eux, ce facteur a d’emblée retardé la prise en charge de la problématique. Par contre, les employés interrogés ont rapporté que, depuis l’intervention, l’OHRN avait modifié certaines de ses pratiques. D’une part, les gestionnaires concernés veillent dorénavant à ce que des membres du personnel détiennent des connaissances de base sur le système de ventilation afin d’en garantir le bon fonctionnement. D’autre part, l’OHRN s'assure d'engager des consultants experts et met en place une équipe de conception constituée de professionnels compétents lors des phases préparatoires de travaux de construction ou de rénovation de bâtiments d’habitations. Ainsi, ces professionnels peuvent soutenir les ingénieurs impliqués et valider leur travail à chacune des étapes du projet.

Les connaissances des occupants en lien avec les systèmes de ventilation du complexe résidentiel ont également évolué. Lors de l'entrevue, la majorité d’entre eux a rapporté mieux comprendre les raisons pour lesquelles ils ne devaient pas bloquer les grilles d’apport d’air frais. Néanmoins, une minorité persistait à croire qu’ils payaient plus cher de chauffage ou qu’ils recevaient l’air vicié en provenance des autres logements de l’immeuble. En ce sens, des répondants au questionnaire ont expliqué qu’encore aujourd’hui, un faible nombre de résidents préfère conserver leur grille de ventilation obstruée. En dépit des inconvénients associés à une telle pratique, des employés ont spécifié que les débits d’air des autres logements ont été ajustés en conséquence, dans le respect des choix de tous les occupants.

De plus, il est intéressant de souligner que plusieurs occupants ont mentionné, tant lors du questionnaire que des entrevues semi-dirigées, avoir diminué leur recours à un humidificateur en saison froide en raison du possible redressement des taux d’humidité à la suite de l’intervention. Des changements ont également été constatés au regard des perceptions de certains employés et gestionnaires envers les occupants. En entrevue, certains ont expliqué qu’avant les travaux, les locataires n’étaient pas toujours crus lorsque ceux-ci faisaient état de certains problèmes dans leur logement.

Pour certains membres du personnel, l’intervention effectuée à La Roseraie a permis de réaliser l’importance d’impliquer les occupants afin de mieux cerner la nature des problèmes rencontrés et de favoriser leur collaboration lors des modifications à apporter au système de ventilation. L’un d’entre eux ajoute qu’avant même qu’une problématique ne soit perçue, une sensibilisation des occupants en lien avec différents enjeux entourant la qualité de l’air intérieur devrait être effectuée. Selon lui, une telle sensibilisation permettrait d’établir un climat de confiance et de prévenir les comportements de résistance qui pourraient être perpétrés par les occupants si des améliorations devaient être effectuées sur le système de ventilation. À l’opposé, l’intervention ne semble pas avoir eu d’impact sur la manière dont les occupants perçoivent le personnel et les gestionnaires de l’OHRN. Des locataires ont mentionné qu’ils ne pouvaient pas en vouloir à l’OHRN, qui a fait ce qu’il pouvait pour prendre en charge la situation, et ce, dans les limites de ses mandats et de ses compétences.

Amélioration du confort et de la qualité de vie des occupants

Comme précisé au tableau 2, la majorité des occupants a ressenti une diminution des inconforts dans le logement en lien avec la ventilation (dont certaines sont statistiquement significatives). Il est intéressant de noter que, parmi l’ensemble des occupants ayant répondu au questionnaire, un seul considérait que son confort général s’était détérioré à la suite de l’intervention (3 %), 14 n’ont vu aucun changement (44 %), et 17 ont noté une amélioration (53 %).

Sur les 16 répondants qui ont dit éprouver des inconforts thermiques avant les travaux (52 %), seulement 6 éprouvaient toujours un tel inconfort après leur réalisation (19 %). Il importe de souligner que la diminution notée est statistiquement significative (valeur-p = 0,0016), et que ces 6 participants ressentaient déjà cet inconfort avant les travaux.

La proportion de participants éprouvant des sensations d’assèchement de l’air intérieur a aussi significativement diminué, passant de 58 % à 42 %, soit une réduction de 16 % (valeur-p = 0,0253). Parmi les 13 participants qui ont continué à ressentir ce type d’inconfort après les travaux, 5 le vivaient déjà sur une base quotidienne. Il faut rappeler que l’utilisation d’humidificateurs par les occupants a considérablement diminué en raison du redressement des taux d’humidité. Certains ménages de 2 personnes n’éprouvaient désormais plus d’inconvénients associés à l’assèchement de l’air intérieur. D’autres ont fait valoir que la consommation d’eau de leur humidificateur (contrôlé par un humidistat) avait diminué de moitié. Des occupants rapportant générer davantage d’humidité dans leur logement ont même remarqué par temps froids des signes de condensation sur les fenêtres. Cependant, certaines personnes seules (générant, selon eux, moins d’humidité dans leur logement) ont rapporté encore certains inconforts durant les périodes de grands froids.

Les répondants incommodés par le bruit du système de ventilation ont diminué de 13 % à 6 % (n = 2), et cet inconfort résiduel n’était ressenti que durant la nuit. En ce qui concerne les inconforts olfactifs, une proportion similaire de participants a mentionné ressentir encore des inconforts dus aux odeurs provenant de leur logement (diminution de 16 % à 6 %; n = 2), alors que celle aux prises avec des problèmes d’odeurs en provenance du milieu environnant a significativement diminué de 21 % (p = 0,0143). Parmi les 12 participants aux prises avec des problèmes d’odeurs provenant du milieu extérieur à la suite des travaux, 10 ont rapporté être incommodés par des odeurs de tabac ou de cannabis (83 %), 5 par des odeurs de fumée de poêle à bois (42 %), 4 par des effluves de cuisine (33 %) et 1 par des odeurs de parfum (8 %). Des 6 participants qui étaient quotidiennement affectés par les odeurs provenant de l’extérieur de leur logement avant les travaux, 4 vivaient toujours avec cette réalité après la réalisation des travaux.

D’ailleurs, en entrevue, des occupants ont mentionné que certains aspects pourraient encore être améliorés, notamment en ce qui a trait à la présence de poussières et d’odeurs. À l’instar des informations colligées via le questionnaire, d’autres occupants ont précisé en entrevue qu’ils éprouvaient toujours des problèmes d’humidité dans leur logement depuis la réalisation des travaux, dont des fenêtres embuées par temps froid.

En ce qui a trait à l’état de santé général des occupants, 78 % des répondants ont jugé que leur état n’avait pas évolué (n = 25), 13 % ont observé une amélioration (n = 4), alors que 9 % ont perçu une détérioration de leur santé (n = 3) (voir tableau 2).

De modestes améliorations ont également été observées au regard des problèmes de santé et des symptômes récurrents potentiellement en lien avec l’habitation (voir tableau 3). Notamment, il est intéressant de souligner que 8 des 30 participants interrogés ayant déclaré la présence d’au moins un symptôme ou d’une maladie avant les travaux (27 %) ont rapporté que l’un ou l’autre de ces problèmes et symptômes avait diminué ou disparu après l’intervention. De plus, 2 participants ont remarqué une baisse de la fréquence de rhumes ou de grippes. Parmi les 2 participants qui étaient aux prises avec des infections de type laryngite/pharyngite, 1 a déclaré une diminution ou une disparition de cette affection. Pour 2 des 6 répondants affectés par des bronchites aiguës ou des pneumonies, une diminution de la fréquence de ces problèmes a été observée. De plus, certains répondants aux prises avec des symptômes ont constaté une réduction de l’intensité ou de la fréquence de ceux-ci après l’intervention. La diminution la plus marquée concerne l’irritation du nez, touchant désormais 7 participants sur les 16 incommodés par ce problème initialement.

Discussion

Les résultats obtenus par cette évaluation confirment que la performance inadéquate du système de ventilation en place a constitué une préoccupation pour l’ensemble des participants interrogés. Les gestionnaires de projet concernés reconnaissent que celui-ci fournissait un débit d’air frais entrant trop important, ce qui a engendré des déséquilibres de pression ainsi que des problèmes d’assèchement et de contamination croisée. Préoccupés par cette situation, ceux-ci ont décidé d’apporter des modifications sur le système de ventilation centralisé afin d’améliorer le confort et la santé des occupants, tout en impliquant ces derniers dans le processus entrepris.

L’évaluation a mis en lumière que certains des effets néfastes sur le confort ou l’état de santé, engendrés par le système de ventilation en place, étaient ressentis par les occupants de La Roseraie avant l’application des mesures correctives (inconforts liés à la température, à l’assèchement de l’air et aux odeurs; symptômes d’irritation du nez). À la suite de l’intervention, ces effets se sont atténués ou résorbés chez plusieurs d’entre eux. Selon la littérature, l’irritation du nez peut être associée à l’assèchement de l’air intérieur ou à la présence en concentration relativement élevée de contaminants, tels des composés organiques volatils et des particules fines (1). D’autres facteurs ont pu agir sur la fréquence, la diversité et la gravité des symptômes irritatifs ressentis par les répondants (âge, perceptions, sensibilité individuelle (2), localisation du logement, exposition au soleil et aux vents dominants, etc.), mais les symptômes déclarés semblent avoir été largement influencés par les conditions de logement présentes avant l’intervention.

Les inconforts thermiques ont amené certains occupants à adopter des comportements visant à atténuer ce problème, soit en obstruant la grille d’apport d’air frais. Une association significative a d’ailleurs été remarquée entre le fait d’obstruer les grilles de ventilation et la perception d’inconforts thermiques avant l’intervention. Des comportements similaires ont été observés par Hwang et Chen (3) et Yang et al(4) auprès des personnes âgées en Chine et en Corée du Sud, respectivement. En marge du désir d’atténuer les inconforts ressentis, l’obstruction des grilles de ventilation peut aussi avoir été motivée par la crainte de voir la facture de chauffage augmenter, compte tenu des apports d’air « froid » excédentaires dans le logement, comme exprimé par plusieurs répondants au questionnaire et lors des entrevues semi-dirigées. Les auteurs ont d’ailleurs fait ressortir un lien significatif entre le fait d’avoir bouché les grilles et la préoccupation des coûts de chauffage. Cette préoccupation pour l’économie d’énergie a également été relevée par Price et al(5) dans une étude portant sur les habitudes de ventilation des occupants de résidences unifamiliales en Californie.

À la lumière de l’évaluation menée, plusieurs leçons peuvent être retenues en lien avec la problématique vécue à La Roseraie et l’approche combinée préconisée pour résoudre cette problématique. À cet égard, les principaux facteurs clés ayant contribué au succès de l’intervention sont sans aucun doute l’ouverture et la sensibilité des gestionnaires de projet et la démarche participative qu’ils ont adoptée.

Conclusion

Cette étude évaluative démontre qu’une intervention combinée visant l’amélioration de la QAI par des modifications techniques et la prise en compte de facteurs humains peut générer des bénéfices significatifs sur le confort des occupants. Les résultats assemblés par le biais de cette étude sont cohérents avec les recommandations articulées par d’autres auteurs qui préconisent des systèmes de ventilation des immeubles résidentiels conçus et intégrés au bâtiment dès leur phase de conception, tout en considérant les besoins spécifiques des clientèles cibles. Alors que la phase d’implantation de tels systèmes devrait faire l’objet d’un suivi étroit, les enjeux associés à l’entretien, au contrôle et au suivi des performances de ces derniers ne sont pas non plus à négliger pour garantir le maintien de la QAI.

L’implication des occupants pour l’identification d’éventuels problèmes ou dysfonctions du système de ventilation ayant des impacts sur leur bien-être (par le biais d’un registre de plaintes) ainsi que pour l’adoption de comportements favorisant le bon fonctionnement du système de ventilation (par le biais d’activités de sensibilisation) doit également être préconisée au moment où ceux-ci emménagent. L’organisation de rencontres entre gestionnaires, membres du personnel et occupants constitue un autre exemple d’activité de communication pouvant être mis en place pour favoriser les interactions entre eux. L’absence de telles stratégies peut inhiber l’expression des inconforts vécus par les occupants, particulièrement s’ils estiment que leurs symptômes sont potentiellement attribuables à de multiples causes et s’ils perçoivent un certain privilège associé à l’accès à un logement neuf subventionné. De tels mécanismes de communication peuvent également contribuer à limiter les gestes individuels contre-productifs visant l’amélioration perçue du confort au sein du logement. En effet, la méconnaissance de ce type de système, combiné à des perceptions erronées en lien avec le maintien de la QAI, peut mener certains individus à poser des gestes qui auront des effets contraires à ceux recherchés. Il faut rappeler que, dans la présente étude, très peu d’occupants ont communiqué de manière formelle leur insatisfaction aux gestionnaires du bâtiment, alors que près de la moitié des personnes interrogées ont tenté d’obstruer les grilles de ventilation, ayant perdu confiance envers le système de ventilation.

Les propriétaires, les membres du conseil d’administration et les gestionnaires de bâtiments qui s’interrogent sur la pertinence de se lancer dans une telle démarche doivent se rappeler qu’il n’est pas aisé de déterminer la nature ainsi que la source des problèmes de QAI, associés ou non aux systèmes de ventilation centralisés de grands bâtiments résidentiels. Alors que les lacunes concernant la compréhension du système de ventilation et de ses composantes peuvent être comblées en impliquant un expert de la question, le personnel et les occupants peuvent jouer un rôle de sentinelle non négligeable. Les résultats très encourageants de la présente évaluation devraient inciter les instances de santé publique et de l’habitation concernées à se concerter pour promouvoir l’adoption d’une approche combinée pour favoriser le maintien d’une ventilation adéquate et d’une bonne QAI auprès des gestionnaires de bâtiments résidentiels publics et privés. La présente évaluation plaide aussi en faveur du recours à une approche de gestion participative, tenant compte du vécu et du ressenti des publics cibles.

Références

  1. Lajoie P, Leclerc J-M et Schnebelen M. La ventilation des bâtiments d’habitation : impacts sur la santé respiratoire des occupants [En ligne]. Québec : Institut national de santé publique du Québec; 2006. Disponible : https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/490-VentilationBatimentsHabitation.pdf.
  2. Mandin C, Boerstra A, Le Ponner E, Roda C, Fossati S, Carrer P, Bluyssen P. Perception of indoor air quality, comfort, and health in new and retrofitted offices, and their relations with building characteristics. Analysis of the French data from the OFFICAIR project, Part 1. Environnement, Risques & Santé. 2017;16(6):553‑64.
  3. Hwang RL, Chen CP. Field study on behaviors and adaptation of elderly people and their thermal comfort requirements in residential environments. Indoor Air. 2010;20(3):235‑245.
  4. Yang J, Nam I, Sohn JR. The influence of seasonal characteristics in elderly thermal comfort in Korea. Energy and Buildings. 2016;128:583‑91.
  5. Price PP, Sherman M, Lee RH, Piazza T. Study of ventilation practices, and household characteristics in new California homes. California Energy Commission, PIER Program; 2007.