5 novembre 2009

La promotion des avertisseurs de monoxyde de carbone au Québec : état de situation et perspectives d’intervention

Article
Auteur(s)
Claire Laliberté
M. A., M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Suzanne Gingras
Institut national de santé publique du Québec
Marion Schnebelen
Institut national de santé publique du Québec et Ministère de la Santé et des Services sociaux

Contexte

La présence de monoxyde de carbone (CO) dans l’environnement domestique est à l’origine de plusieurs cas d’intoxications et de décès chaque année au Québec (CAPQ 2006, Prévost 2006). L’incidence réelle des intoxications au CO est toutefois inconnue puisque plusieurs expositions à de faibles concentrations se manifestent par des symptômes peu spécifiques qui ne conduisent pas nécessairement à une visite médicale (Abelsohn et al. 2002).

Le ministère de la Santé et des Services sociaux, en collaboration avec les directions de santé publique, réalise de nombreuses activités de sensibilisation et d’éducation auprès du public afin de mieux faire connaître les dangers associés au CO. Ces activités portent notamment sur la promotion de l’utilisation des avertisseurs de CO comme mesure de protection, appareils dont l’efficacité pour réduire la gravité des intoxications et la mortalité a été montrée (Brisson et al. 2005).

Il existe peu de données précises sur la présence de sources potentielles d’intoxication au CO dans les habitations québécoises et sur la proportion d’entre elles qui sont pourvues d’un avertisseur. Les seules qui soient disponibles à ce jour concernent les régions de Montréal et de la Montérégie (Palmieri 2007, DSP de la Montérégie [données non publiées]).

Le présent article résume une étude (à paraître cet automne) qui vise à combler cette lacune en fournissant des données de base pour l’ensemble du Québec qui permettront de mieux cerner la situation actuelle, de la suivre au cours des prochaines années et de mesurer les résultats concrets des efforts de promotion.

Les objectifs poursuivis par l’étude sont les suivants :

  • Estimer la prévalence de sources potentielles de CO dans les résidences principales et secondaires québécoises et la proportion de ménages pourvus d’avertisseurs de CO pour le Québec;
  • Identifier les facteurs personnels et environnementaux qui renforcent, qui prédisposent ou qui facilitent l’acquisition d’un avertisseur de CO;
  • Suggérer des pistes d’intervention pour améliorer la prévalence d’utilisation des avertisseurs de CO au sein de l’habitation.

Dans le cadre de cet article, les résultats présentés couvrent les deux premiers objectifs alors que le troisième est intégré comme élément de discussion.

Méthodologie

La démarche méthodologique adoptée est fondée sur l’approche du marketing social (Lagarde et al. 2008, Kotler et Lee 2008). Cette approche a comme objectif de mieux comprendre le public visé par une intervention. Elle repose sur deux notions concomitantes, soit la hiérarchie des effets et le processus d’adoption du comportement. Ceci traduit le fait qu’un certain nombre de préalables sont nécessaires avant la prise de décision. Par exemple, il faut avoir entendu parler d’un objet (notoriété) avant de devenir familier (connaissances associées) afin que l’on puisse se faire une opinion (attitudes) et prendre une décision (intention, indécision, etc.) (Santé Canada 2008). Pour guider la segmentation en divers publics cibles en fonction du processus d’adoption du comportement visé – soit dans le cas qui nous occupe, l’utilisation d’un avertisseur de CO –, nous avons opté pour le cadre conceptuel développé par Weinstein et Sandman (1992). On peut résumer chacun des stades ainsi :

Stade 1 - méconnaissance : Le problème ou le risque n’est pas connu; les individus ne peuvent donc pas avoir d’opinion sur le sujet;

Stade 2 - réflexion : Le risque est connu, mais la décision d’adopter le comportement souhaité n’est pas véritablement envisagée;

Stade 3 - désintérêt : Ce stade regroupe les individus qui, après réflexion, ont décidé de ne pas agir; leur opinion est bien arrêtée;

Stade 4 - indécision, inaction : Dans ce cas, les individus sont dans l’indécision ou encore ils ont décidé d’agir, mais ne l’ont pas encore fait;

Stade 5 - action : L’individu a adopté le comportement;

Stade 6 - maintien : Le comportement souhaité est maintenu.

Outils de cueillette des données

Les données ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire administré en français ou en anglais lors d’un sondage téléphonique. L’enquête a été réalisée au printemps 2006 auprès de 2 938 responsables de ménages québécois divisés selon quatre strates géographiques correspondant à des latitudes spécifiques. Ces strates sont :

Strate 1 : Montréal.

Strate 2 : Estrie, Montérégie, Lanaudière, Laval, Outaouais, Laurentides (45e-47e parallèle/ouest).

Strate 3 : Capitale-Nationale, Chaudière-Appalaches, Mauricie–Centre-du-Québec (46e-48e parallèle/centre et est).

Strate 4 : Abitibi-Témiscamingue, Nord-du-Québec, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Côte-Nord, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (≥ 48e parallèle).

Le taux de réponse global est de 57,8 %.

Outre les variables sociodémographiques et résidentielles, le questionnaire visait à identifier les sources potentielles d’exposition au CO ainsi que certains comportements à risque pouvant entraîner une exposition, soit dans la vie courante ou lors de circonstances exceptionnelles (données non présentées). Les représentants des ménages ayant une source potentielle d’exposition au CO avaient à se prononcer sur leur intention de se procurer un avertisseur de CO. D’autres questions visaient à dresser le profil des répondants ayant une source potentielle de CO (connaissance des sources, des symptômes, des mesures préventives, perception du danger, degré d’inquiétude). Les préférences médiatiques pour la recherche de renseignements sur le CO ont également été mesurées. Finalement, les facteurs incitatifs et les barrières à l’acquisition d’un avertisseur ont été identifiés.

Le questionnaire a été élaboré notamment à partir d’autres questionnaires existants (Palmieri 2007, Direction de santé publique de la Montérégie [données non publiées], Runyan et al. 2005) portant sur le même sujet ainsi que sur l’abondante littérature scientifique consacrée à la prévention des incendies et l’installation de détecteurs de fumée (Mallonee 2000, Warda et al. 1999, Peek-Asa et Zwerling 2003).

Pondération et traitement statistique

Étant donné que nous sommes en présence d’un sondage effectué auprès de ménages, une pondération a été faite par expansion au nombre de ménages, selon leur taille pour chacune des quatre strates géographiques, pour ainsi être représentative des 2 978 035 ménages du territoire étudié. Le test du chi-carré a été utilisé pour les comparaisons de proportions afin de mieux cerner le profil des sous-groupes de population. Des analyses de régression logistique ont été réalisées afin d’établir les facteurs associés au passage des ménages d’un stade à l’autre tout en contrôlant pour les variables potentiellement confondantes. Le seuil de signification statistique a été fixé à 0,05 (5 %).

Résultats

Les résultats portant sur la proportion de ménages ayant des risques d’exposition potentielle sont d’abord décrits, suivis de la proportion de ménages sans avertisseur de CO. Les caractéristiques des répondants qui ont une source potentielle d’exposition sont par la suite présentées selon divers facteurs personnels et environnementaux. Puis, leur position par rapport à l’acquisition, c’est-à-dire leur stade vers l’acquisition d’un avertisseur de CO, termine la présentation des résultats.

Sources potentielles d’exposition au CO au sein des habitations

Au sein d’une habitation, les sources d’exposition au CO peuvent être multiples. Globalement, 55,3 % des habitations ont une source potentielle, soit 1 647 801 ménages (tableau 1). Parmi ces sources, l’utilisation d’un système de chauffage d’appoint (28,0 %) ou principal (26,1 %) fonctionnant à l’aide d’un combustible, y compris les foyers et les poêles à combustion, compte parmi les plus fréquentes. Si l’on considère le chauffage dans les résidences secondaires, on peut estimer qu’il représente à lui seul près de 30 % des sources potentielles d’exposition au CO. La présence d’un garage attenant à l’habitation avec ou sans pièce habitable au-dessus, l’utilisation d’un abri d’auto temporaire ou le fait d’être logé à proximité d’un garage sous-terrain constituent d’autres sources potentielles d’exposition.

Tableau 1. Sources potentielles d’exposition au CO au sein des résidences principales et secondaires

Ménages sans avertisseur de CO

L’avertisseur de CO est présent dans 34,3 % des ménages où une source potentielle d’exposition existe. Parmi ces ménages, les avertisseurs sont fonctionnels dans 31,5 % des cas. Nos observations indiquent donc que deux ménages sur trois ayant une source potentielle n’ont pas d’avertisseur de CO, ce qui représente un potentiel de 1 270 000 ménages.

La proportion de ménages sans avertisseur de CO varie selon la strate géographique. On observe que la strate 3 (Capitale-Nationale, Chaudière-Appalaches, Mauricie-Centre-du-Québec) est suivie de près par les ménages qui résident dans la strate 1 (Montréal) ou dans la strate 4 (Abitibi-Témiscamingue, Nord-du-Québec, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Côte-Nord, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine). Le fait d’être propriétaire, de résider dans une maison unifamiliale, d’être âgé de 25 ans et plus, d’avoir des enfants de 6 ans ou moins au sein de la maisonnée, d’avoir terminé des études postsecondaires ou d’avoir un revenu familial annuel de 30 000 $ ou plus semble influencer positivement l’adoption du comportement. Le fait d’avoir ou non un avertisseur de CO installé varie de façon significative selon la région de résidence, le statut de propriété, le type d’habitation et l’âge du répondant (données non montrées).

Si l’on considère le type de chauffage principal utilisé, on observe qu’environ six ménages sur dix n’ont pas d’avertisseur de CO parmi ceux qui sont chauffés au gaz naturel, à l’huile ou au bois. Les avertisseurs sont absents, en particulier au sein des résidences utilisant également comme chauffage d’appoint l’huile ou le bois. Environ six ménages sur dix ayant un garage attenant à leur résidence n’ont pas d’avertisseur de CO dans leur habitation.

Répartition des ménages avec une source domestique selon le stade d’adoption

Mentionnons d’entrée de jeu que près de 10 % des ménages qui ont une source potentielle de CO dans leur domicile disent ne pas connaître ce contaminant. Leur source d’exposition potentielle est principalement associée au chauffage à l’huile ou au bois. Ces ménages sont en quelque sorte au stade 1 du modèle d’adoption de comportement puisqu’ils ne sont pas conscients de la problématique du CO dans leur milieu de vie.

Parmi ceux qui ont une source potentielle de CO, environ un ménage sur trois n’a jamais envisagé la possibilité d’acquérir un avertisseur (stade 2) alors qu’un sur cinq, après réflexion, a conclu qu’il n’en avait pas besoin (stade 3) (tableau 2). Le stade 4, qui comprend les ménages qui sont indécis ainsi que ceux qui disent être intéressés, mais qui ne sont pas encore passés à l’action, représente un peu plus d’un ménage sur dix. Finalement, les ménages en possession d’un avertisseur de CO représentent environ le tiers des ménages ayant une source potentielle de CO. Si l’on regroupe les stades 2, 3 et 4, on peut conclure que près de deux ménages sur trois représente la population à cibler par des interventions de promotion de l’avertisseur de CO comme moyen de protection efficace.

Tableau 2. Proportion de ménages ayant une source de CO selon le stade d’adoption du comportement « se procurer un avertisseur de CO », en incluant ou non le stade 1*

Facteurs impliqués dans la prise de décision

Le fait de rendre obligatoire l’installation d’un avertisseur de CO (71,4 %), qu’il soit recommandé par le service des incendies (59,3 %) ou par la santé publique (51,4 %) d’en installer un, sont les facteurs incitatifs les plus souvent mentionnés par les représentants de ménages sans avertisseur. À peu près dans la même proportion que les recommandations de la santé publique, on note l’importance des aspects pratiques liés à l’acquisition, soit l’accessibilité du produit (53,4 %) et la facilité de son installation (52,3 %). Les autres facteurs (prix, absence de piles à changer, modèle spécifique recommandé, aide pour installation ou recommandation dans un commerce d’appareils à combustion) pourraient influencer l’acquisition, mais dans une moindre mesure (tableau 3).

Tableau 3. Facteurs potentiellement facilitants pour l’acquisition d’un détecteur de CO pour les foyers ayant une source potentielle de CO et qui n’en possèdent pas

Par ailleurs, les facteurs facilitants (identifiés au tableau 3) varient selon le stade de la prise de décision (données non montrées). Pour les indécis (stade 4), tous les facteurs sont très facilitants. En fait, ils sont ceux qui s’approchent le plus de l’adoption du comportement et chacun des facteurs pourrait les faire basculer vers l’acquisition d’un avertisseur de CO. Pour ceux qui ne sont pas intéressés par l’acquisition d’un avertisseur (stade 3), les facteurs proposés n’ont pas d’influence réelle dans le changement de stade, sauf celui qui concerne l’obligation d’installer un avertisseur de CO. Pour eux, réflexion faite, la question est en quelque sorte réglée. Les représentants des ménages n’ayant jamais envisagé une telle acquisition (stade 2) sont ambivalents. Peu engagés dans une réflexion sur le sujet, ils sont sans véritable opinion; leur position est en général située entre les deux positions décrites précédemment.

Profil des connaissances, des perceptions et des attitudes selon le stade d’adoption

Selon le stade, il existe des différences notables quant aux connaissances des signes et des symptômes associés à une intoxication au CO, à celles se rattachant aux mesures préventives et à l’attitude face au danger représenté par le gaz. Le fait d’avoir dans son entourage des ménages qui possèdent un avertisseur de CO influence aussi le comportement.

L’analyse de régression logistique a permis de préciser le ou les facteurs qui semblent le plus associés au passage d’un stade à l’autre. Rappelons que ce type d’analyse permet le contrôle des variables potentiellement confondantes. Ceci nous donne donc des indications précieuses sur les facteurs à cibler pour promouvoir l’adoption du comportement souhaité. Les résultats décrits dans ce qui suit sont ceux qui sont statistiquement significatifs (tableau 4).

Le passage du « Jamais envisagé » (stade 2) de faire l’acquisition d’un avertisseur de CO au stade de l’indécision (stade 4) est associé au fait d’avoir de bonnes connaissances préventives, que le CO représente une source d’inquiétude personnelle ou pour sa famille et de connaître davantage de familles ayant un avertisseur. Le manque de connaissances des mesures préventives est particulièrement présent chez le groupe n’ayant jamais envisagé l’acquisition d’un avertisseur (stade 2), c’est-à-dire ceux qui sont les plus éloignés de la prise de décision. Ce groupe représente environ 30 % des habitations qui ont une source potentielle d’exposition au CO. Pour ce même groupe, la croyance que le CO peut représenter une menace pour eux-mêmes ou pour leur famille est faible. On remarque également que ce groupe connaît peu de personnes qui possédent un avertisseur de CO.

Le passage du stade d’indécision (stade 4) à celui d’acquisition (stade 5) est associé principalement à deux facteurs. En effet, les ménages ayant un avertisseur de CO perçoivent davantage le CO comme dangereux et connaissent davantage de familles en ayant un. Ainsi, le groupe des indécis, soit 15 % des ménages ayant une source potentielle de CO, possède de bonnes connaissances générales sur le CO. Toutefois, parmi les facteurs influençant la prise de décision, nos analyses suggèrent qu’ils ne sont pas suffisamment conscients du danger que représente le CO. À l’instar du groupe décrit précédemment, ils sont peu entourés de personnes ayant un avertisseur de CO.

Le passage des personnes non intéressées (stade 3) à indécises (stade 4) n’est associé qu’à un seul élément modifiable, soit le fait de percevoir le CO comme une source d’inquiétude personnelle pour soi-même ou pour sa famille. Nous avons vu précédemment que ce groupe est le plus récalcitrant étant donné que son opinion est assez cristallisée.

Finalement, le groupe des responsables du ménage classé comme n’étant pas intéressé à se procurer un avertisseur de CO (stade 3) a aussi de bonnes connaissances sur le sujet. Le seul facteur qui semble le distinguer et sur lequel il pourrait être possible de l’influencer touche la croyance que le CO est une menace réelle pour lui ou pour sa famille. Ce groupe représente une proportion d’environ 20 %.

Tableau 4. Facteurs associés dans le passage d'un stade à un autre

Discussion

La discussion donne dans un premier temps un aperçu des forces et des limites de l’étude puis s’attarde sur la mise en perspectives des résultats en lien avec la littérature scientifique consultée. Ceci permet de dégager certains éléments pour construire une stratégie d’intervention sur cet important enjeu de santé publique.

Forces et limites de l’étude

Les résultats de cette étude permettent de documenter la prévalence des sources d’exposition au CO au Québec ainsi que l’adoption de la mesure de protection qu’est l’installation d’un avertisseur de CO. Ils permettent de quantifier l’ampleur du problème. Les quelques données parcellaires disponibles, soit pour la région de la Montérégie et de Montréal sont ainsi complétées par des données couvrant aussi les autres régions du Québec. Les données portant sur les connaissances et les attitudes de la population à l’égard du risque associé à l’exposition au CO représentent quant à elles une source d’information des plus utiles pour enrichir la démarche de communication. Enfin, la synthèse des données sous forme de profils de répondants ou de segments du public apporte une vision plus nuancée de la population que nous voulons atteindre par nos activités de communication.

Au plan statistique, les effectifs sont suffisants pour mettre en évidence des différences statistiques significatives.

L’enquête comporte par ailleurs certaines limites. Par exemple, l’existence de sources d’exposition n’a pas été explorée dans les résidences secondaires, sauf en ce qui a trait au chauffage. Il est donc possible que les données représentent une sous-estimation des sources.

De l’éducation à l’intervention

La communication à la population comme outil d’éducation demeure une cible de départ à ne jamais négliger, étant donné qu’un ensemble de connaissances de base sont préalables à la formation d’une opinion permettant un changement d’attitude menant à une prise de décision. Une attention particulière doit être apportée sur les contenus des messages, à qui ils s’adressent et enfin, par qui ils sont émis.

Cette étude a permis d’identifier certaines confusions ou méconnaissances quant aux sources potentielles d’exposition au sein même de sa résidence, témoignant de l’incompréhension du caractère particulier du gaz (p. ex. CO = fumée). Pour être efficace, la communication doit être soutenue par des messages réguliers et son contenu se doit d’être compréhensible par les publics cibles afin d’implanter de manière durable des connaissances adéquates.

L’observation à l’effet que les sources d’exposition et la proportion de résidences exposées sans avertisseur de CO varient fortement d’une région à l’autre met de l’avant l’importance de moduler les efforts d’éducation en tenant compte des modes de vie spécifiques aux différentes régions du Québec.

Les analyses font état d’une association d’idées chez les répondants au sondage entre les avertisseurs de CO et le service des incendies, que ce soit comme organisme en mesure de recommander son utilisation ou encore comme source d’information privilégiée. Ce dernier se démarque en effet comme un allié naturel et crédible en matière de messages de protection au sein de l’habitation. Une alliance stratégique avec les autorités agissant en protection des incendies devrait donc être soutenue.

Des analyses réalisées dans cette enquête, couplées avec ce que nous enseigne la littérature scientifique sur le CO ou, plus généralement en promotion de la santé, se dégage un constat : la sensibilisation axée sur l’augmentation des connaissances ne peut à elle seule motiver le changement de comportement. Ceci est d’ailleurs bien explicité par de nombreuses recherches contemporaines (Egger et al 1999 dans Carter et Muller 2002). Pour atteindre ces objectifs, de telles campagnes de sensibilisation doivent être soutenues par un environnement favorable qui procure des opportunités pour l’action. La mise en place de stratégies de renforcement, que ce soit par une législation ou par une réglementation, peut avoir un impact réel sur les effets de la campagne et sur son ancrage durable à plus long terme (Randolph et Viswanath 2004). Nos résultats concernant les facteurs facilitants (prix, disponibilité, modèle recommandé, réglementation) confirment la pertinence de ces stratégies.

Rappelons que l’existence d’un garage attenant à la maison (plus de 400 000 ménages) et l’utilisation d’un abri d’auto temporaire (près de 40 000 ménages) pendant la saison froide représentent un potentiel d’exposition au CO lorsqu’un moteur est en marche. Comme mentionné à partir de la documentation scientifique, l’avertisseur de CO n’étant pas la solution dans ce type d’environnement, des alternatives doivent être proposées afin de réduire le risque d’exposition. Des solutions techniques telles que l’installation d’une ventilation mécanique dans les garages ou d’un avertisseur de CO dans les voitures déclenchant une alarme ou stoppant le moteur à l’état stationnaire ont été proposées par des intervenants de santé publique (Prévost 2006) et divers organismes gouvernementaux (Clarke et Lester 1989, CDC 1992 dans Prévost 2006). Les données de mortalité nous apprennent de plus que l’alcool est impliqué dans 41 % des décès par intoxication au CO liés à l’utilisation d’un véhicule (Prévost 2006). Des recommandations quant à l’installation d’un mécanisme d’arrêt du moteur en présence de monoxyde de carbone devraient être soutenues par les autorités de santé publique.

Conclusion

L’environnement domestique représente une source d’exposition potentielle au monoxyde de carbone pouvant entraîner des problèmes de santé importants, voire des décès. Outre la promotion de comportements responsables lors de l’utilisation d’appareils domestiques ou de leur entretien, les campagnes de sensibilisation en cours depuis de plus 20 ans au Québec incitent la population à installer un avertisseur de CO. Actuellement, la proportion de détenteurs est très faible, soit environ 30 %. Des stratégies mixtes d’intervention pour augmenter cette proportion sont suggérées par les résultats de la présente étude.

Les résultats obtenus sont toutefois encourageants et montrent qu’une bonne proportion de ménages qui est en présence d’une source de CO est sur le point de passer à l’action à condition d’accentuer auprès de ces ménages la croyance du danger réel que représente le CO. L’augmentation graduelle de la proportion de détenteurs d’avertisseur de CO pourra, à long terme, faire changer la norme sociale au regard de ce comportement, ce qui représenterait un pas décisif dans la bonne direction.

Étant donné que la promotion des avertisseurs de CO au sein de l’habitation fait partie du Programme national de santé publique, il nous apparaît justifié d’évaluer aux cours des prochaines années l’adoption de cette mesure auprès de la population.

Références

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Pour en savoir plus

Site Web du Ministère de la Santé et des Services sociaux

www.msss.gouv.qc.ca/sujets/santepub/environnement/index.php?/monoxyde _-de_-carbone

Bulletin d’information en sécurité incendie Hors Feu du Ministère de la sécurité publique, été-automne 2009

www.msp.gouv.qc.ca/incendie/incendie.asp?txtSection=publicatEttxtCatégorie=hors_feu