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Surveillance biologique de l’exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques d’origine industrielle à Baie-Comeau

En 2002, l’aluminerie de Baie-Comeau découvrait qu’à certains endroits les concentrations de benzo(a)pyrène B(a)P, un hydrocarbure aromatique polycyclique (HAP), dans les sols résidentiels d’une partie du quartier Saint- Georges dépassaient les critères fixés par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

Suite à ce constat, une campagne d’échantillonnage a été effectuée. Celle-ci a permis d’identifier que les sols de 135 terrains de certaines rues du quartier Saint-Georges étaient contaminés en HAP. Malgré le fait que ces terrains aient été réhabilités afin de les remettre dans leur état initial et que les résidants de la zone ciblée de ce quartier aient reçu l’assurance de la Direction de la santé publique de la Côte-Nord que leur santé n’était pas menacée, ceux-ci demeuraient tout de même inquiets de la situation en regard de leur santé.

Étant donné le potentiel cancérogène de plusieurs substances de la famille des HAP et le fait que les alumineries qui utilisent la technologie Söderberg émettent des concentrations atmosphériques de HAP non négligeables, il devenait donc important d’évaluer l’exposition à ces substances auprès de la population générale du quartier Saint-Georges résidant à proximité de l’aluminerie.

Un programme de surveillance biologique de l’exposition aux HAP d’origine industrielle auprès des citoyens du quartier Saint-Georges résidant à proximité de l’aluminerie a donc été mis en place. L’intérêt d’une telle étude était d’évaluer, à partir de mesures urinaires répétées d’indicateurs biologiques, si les rejets atmosphériques de HAP émis par l’aluminerie de Baie- Comeau et le fait de demeurer à proximité de l’aluminerie contribuaient à augmenter significativement les doses absorbées de HAP par rapport à un groupe témoin, tout en tenant compte de facteurs de confusion potentiels.

Exposition aux HAP dans les alumineries - Risques et stratégies de prévention

Rio Tinto Alcan (RTA), premier producteur mondial d’aluminium avec 4,179 M tonnes en 2007 est issu de la fusion récente de ALCAN / Pechiney/Alusuisse et Rio Tinto (Comalco) et est présent dans 29 pays avec 26 600 employés, RTA exploite 6 mines de bauxite, 10 usines d’alumine et 24 usines d’électrolyse. La présence des HAP dans ces usines est liée principalement à la production de l’aluminium par les procédés Söderberg d’électrolyse à gougeons horizontaux (HSS) et verticaux (VSS). Ces procédés désuets aussi présents en France et au Royaume-Uni avant 1996 et qui existent encore dans 3 usines au Canada ont été les principales causes des émissions de HAP et de l’exposition élevée d’un grand nombre d’employés aux vapeurs et particules de HAP. La production des électrodes de carbone requises pour les usines plus modernes (Précuites) expose à un degré moindre aux HAP un certain nombre d’employés. Par ailleurs, l’entretien et la reconstruction des cuves qui ont terminé leur vie utile (brasquage) exposent aussi les employés qui y sont affectés.

L’IBE 1-hydroxypyrène de l’ACGIH offre-t-il une protection adéquate?

Les composés aromatiques polycycliques (CAP) posent un défi de taille aux professionnels de la santé au travail. À l’exception du plus simple des membres de cette famille, le naphtalène qui comporte deux cycles aromatiques, les CAP ont de très faibles pressions de vapeur (6.0 x 10-9 Torr à 20 °C pour le chrysène), mais ils sont bien absorbés à travers la peau. De plus, à l’exception du naphtalène, ils possèdent une très faible toxicité aiguë, tellement d’ailleurs que certains brais de goudron de houille sont utilisés comme ingrédients de préparations dermatologiques. En raison de ces propriétés, les travailleurs tolèrent le contact cutané et le seul échantillonnage de l’air peut sous-estimer l’exposition réelle.

Dans le but d’aider les professionnels de la santé au travail, le comité sur les indices biologiques d’exposition (IBE) de l’ACGIH a proposé un IBE pour l’exposition aux CAP s’appuyant sur l’utilisation du 1 hydroxypyrène (1HP) (ACGIH, 2007). Toutefois le comité fut incapable de recommander une concentration de 1HP qui soit, ou bien équivalente à une exposition à la concentration TLV pour des mélanges de CAP comme les brais de goudrons de houille provenant des fours à coke, ou bien reliée à des effets sur la santé. Le comité a plutôt recouru à des données populationnelles pour proposer une valeur guide de 1HP urinaire de 1 μg/l qui signale une exposition d’origine professionnelle avec une certaine certitude statistique. Les données indiquent avec une très forte probabilité que des concentrations au-delà de 1 μg/l ne peuvent être dues à l’exposition environnementale ou alimentaire, mais plutôt à une exposition professionnelle s’il est par ailleurs démontré qu’il y a des CAP dans le milieu de travail. Des distributions semblables apparaissent dans le troisième rapport du CDC sur l’exposition aux substances de l’environnement (Centers for Disease Control, 2005). On y observe en effet chez 1 100 hommes non-fumeurs une moyenne géométrique de 0,085 μg/l (intervalle de confiance à 95 % : 0,071 – 0,105 μg/l) en 2000 et de 0,055 (0,046-0,064) μg/l en 2002. La probabilité d’observer une concentration supérieure à 1 μg/l chez des sujets qui n’ont pas d’exposition professionnelle est donc inférieure à 5 %, à l’exception des sujets qui subissent des traitements dermatologiques à base de goudron pharmaceutique. La question importante qu’il convient de se poser toutefois est de savoir si cette valeur guide offre une protection adéquate aux travailleurs exposés de manière chronique dans leurs milieux de travail. Ceci est l’objet de cet article.

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques, de la recherche à la prévention

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) comptent parmi les substances les plus étudiées dans la littérature scientifique. Une recherche avec « polycyclic aromatic hydrocarbon » dans la base de données Pubmed donne environ 12 000 références entre les années 1960 et 2008. Le benzo(a)pyrène (BaP) lui-même génère plus de 10 000 notices bibliographiques. Dans la base TOXNET, les nombres correspondants sont de près de 20 000 et de plus de 26 000. Tout n’a-t-il donc pas déjà été dit ou écrit sur ces polluants ubiquistes? Il semble bien que non. Ce n’est d’ailleurs qu’à la fin de 2005 que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a revu la classification du BaP de 2A à 1 notamment sur la base d’informations récentes sur les mécanismes d’action (International Agency for Research on Cancer, 2008).

Les outils d’analyse chimique permettent maintenant de mesurer des concentrations d'HAP de moins de 1 ng/m3 dans l’air et des concentrations de leurs métabolites urinaires inférieures au ng/L (Simon et al., 2000; Wauters et al., 2008). Les techniques d’étude in vivo et in vitro des mécanismes d’action ont fait des bonds prodigieux notamment avec le développement de la biologie moléculaire, des approches de génomique, de protéomique et de métabonomique. Ces avancées sont en train de redéfinir nos paradigmes toxicologiques (Committee on Toxicity Testing and Assessment of Environmental Agents - National Research Council, 2007).Les approches épidémiologiques se sont raffinées notamment avec la contribution des méta-analyses (Weed, 2002).

Pollution de l’air intérieur par les hydrocarbures aromatiques polycycliques

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont des composés possédant au moins deux noyaux benzéniques. Ils proviennent principalement de la combustion incomplète de matières organiques et peuvent être d’origine naturelle (incendies de forêts, éruptions volcaniques, décomposition de matières organiques) ou anthropique (chauffage industriel et résidentiel au gaz, au charbon, au pétrole, production d’aluminium, production de pâtes et papiers, incinération, etc.). Ubiquitaires, ils se retrouvent dans l’air, dans les sols et sédiments, ainsi que dans l’eau, les aliments et certains produits de consommation (cosmétiques, bougies, encens). Chez les non-fumeurs non exposés professionnellement aux HAP, la source principale d’exposition est l’alimentation (viande fumée ou grillée, légumes feuillus, graines) (Manahan, 2005; Yu, 2005; Ramesh et al., 2004).

En plus d’émettre des HAP et des HAP halogénés, la combustion du bois à des fins de chauffage résidentiel serait la troisième source d’émission de particules fines au Canada et une source importante de composés organiques volatils dans la région de Montréal (RMQA, 1998; US.EPA, 1993). Au Canada, 400 000 maisons (6 %) seraient chauffées uniquement au bois et plus de 900 000 (14 %) le seraient au moins en partie (NRC, 1994). Selon un sondage téléphonique effectué à Montréal en 1999, 12,5 % des ménages de la région de Montréal-centre brûlent du bois (Labrèche et al., 2000). Les émissions des systèmes de combustion au bois pourraient donc avoir des impacts sur la santé respiratoire des populations exposées, particulièrement en milieu urbain où s’ajoutent d’autres types de polluants.

Évaluation de l’impact sanitaire environnemental de sources ponctuelles d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) à Sydney en Nouvelle-Écosse

De 1901 à 1988, les émissions d’aérosols et de gaz et les rejets solides et liquides de la cokerie et de l’aciérie de Sydney ont sévèrement pollué l’air, l’eau (ruisseaux et havre portuaire), les sédiments du havre, et les sols de la ville et des alentours de cette petite ville côtière (environ 30 000 habitants en 1960) de la Nouvelle-Écosse, une province canadienne dans l’Atlantique. Jusqu’en 1988, année où l’aciérie adopta les fours à arc et où la cokerie ferma ses portes, les travailleurs étaient fortement exposés aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (autour de 10 000 ng/m3 de BaP d’après une revue d’autres cokeries)( Armstrong et al. 2004).

Les résidents de Sydney étaient aussi surexposés aux HAPs et autres polluants. En 1985, une étude de mortalité réalisée par Santé et Bien-être social Canada a mis en évidence des excès manifestes de mortalité par cancers, de maladies cardiovasculaires et respiratoires dans la population de 35 à 69 ans de Sydney et du comté du Cap-Breton (Mao et al. 1985).

Effets génotoxiques d’une exposition combinée aux HAP et au rayonnement UV

Les organes cibles des effets cancérigènes des hydrocarbures polycycliques aromatiques et en particulier du benzo[a]pyrène (BaP) comprennent la vessie, les poumons, mais aussi la peau. Dans ce dernier cas, un effet synergique avec le rayonnement solaire est à considérer pour les zones cutanées exposées. En effet, le BaP et ses métabolites sont des molécules qui absorbent efficacement le rayonnement ultraviolet, en particulier les UVA, et peuvent jouer le rôle de photosensibilisateurs. Des travaux ont déjà montré une action synergique entre BaP et rayonnement ultraviolet pour l’induction de mutations au niveau cellulaire ainsi que de tumeurs dans la peau chez la souris (Wang et al., 2005; Yoon et al., 2003).

Méthodes d’évaluation de l’exposition aux hydrocarbures polycycliques (HAP) et étude des mélanges

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques sont une famille de composés dont le potentiel cancérogène est reconnu depuis de nombreuses années. Ainsi de nombreux HAP particulaires, avec comme chef de file le benzo(a)pyrène (BaP), sont classés parmi les substances cancérogènes par l’Union européenne ou le Centre International de Recherche sur le Cancer (Straif et al., 2005). Alors que des preuves définitives et robustes, notamment pour les cancers du poumon et de la vessie, ont été publiées pour certains secteurs industriels (cokerie, aluminium, fonderies de fer et d’acier, bitumes) (Bosetti et al., 2007), très peu de maladies professionnelles pour ces types de cancer sont déclarées chaque année en France. Cette importante sous-déclaration est due au manque de spécificité, aux nombreux facteurs étiologiques (tabac), à la survenue tardive de ces types de cancer, à la méconnaissance des pathologies professionnelles par les médecins, mais surtout au manque de connaissances des expositions professionnelles.

Afin de prévenir la survenue de pathologies cancéreuses dans les 20 à 40 prochaines années, il est nécessaire d’évaluer les risques sanitaires des populations exposées actuellement, de définir des groupes de sujets à risques et de mettre en place au sein de ces groupes des mesures de prévention adaptées (substitution si possible, diminution des niveaux d’exposition). Cette évaluation des risques sanitaires (ERS) repose pour une large part sur l’estimation des expositions individuelles, ce qui souligne toute l’importance de la traçabilité de l’exposition rappelée récemment en France par plusieurs réglementations (ERS et CMR, Cancérogènes, Mutagènes et Reprotoxiques en 2001), plans (Santé-Environnement 2004 et 2008, Santé-Travail 2005) et organismes nationaux (AFSSET, IGAS 2008).

Les substances chimiques des gazons synthétiques extérieurs: un risque pour la santé des utilisateurs?

Depuis quelques années, de nouveaux terrains de sport dont la surface est constituée d’un gazon synthétique ont fait leur apparition au Québec. Ces gazons synthétiques offrent de nombreux avantages pour la pratique des sports d’équipe extérieurs comparativement au gazon naturel. Étant plus résistants, ils permettent un plus grand nombre d’heures d’utilisation sur un revêtement de bonne qualité. Ils sont peu touchés par les conditions climatiques alors que les gazons naturels surutilisés présentent de grandes surfaces de terrain dénudées (dures et poussiéreuses durant les périodes sèches ou boueuses lors des périodes humides) qui sont alors moins sécuritaires pour les joueurs. Ces terrains synthétiques constituent donc un atout pour favoriser la pratique régulière d’activités physiques chez les jeunes.

Cependant, des citoyens et des organismes de différents pays ont questionné l’innocuité de certains matériaux utilisés dans la fabrication de ces surfaces. Pour répondre à ce questionnement, plusieurs études scientifiques ont été réalisées par de nombreuses organisations - des universités, des instituts de santé publique, des fédérations sportives, des entreprises qui fabriquent ces gazons synthétiques - afin d’évaluer les impacts potentiels des matériaux sur la santé des joueurs et sur l’environnement.

Prévalence et coûts de santé de l’allergie au pollen de l’herbe à poux

Il est de notoriété publique que l’allergie au pollen de l’herbe à poux (Ambrosia artemisiifolia) représente une problématique de santé affectant un nombre important de Québécois dans presque toutes les régions de la province. Il s’avère donc utile pour l’administration publique de disposer d’estimations globales du coût de cette allergie tant pour les personnes atteintes que pour la société. Une telle information peut notamment servir de levier pour l’action des acteurs du milieu autour d’une problématique impliquant une intervention multisectorielle.

Au Québec, un seul portrait des coûts de santé relativement à l’allergie au pollen de l’herbe à poux avait été réalisé auparavant. Celui-ci avait été produit pour l’année 1992 par la Direction de santé publique de Montréal qui estimait alors ces coûts à environ 50 millions de dollars pour le Québec. Toutefois, en raison de la méthodologie utilisée qui ne considérait que certains aspects seulement, plusieurs frais n’avaient pas été évalués, soit ceux associés à l’utilisation de médicaments en vente libre, au traitement par un médecin omnipraticien, etc. De plus, l’étude avait été conduite avant la mise en marché de médicaments en vente libre plus efficaces, mais aussi plus onéreux.

La morbidité imputable à la rhinite allergique, toutes causes confondues, est bien documentée dans l’Enquête sociale et de santé 19982, de même que la prévalence du rhume des foins (pollinose). Il s’agit des plus récentes données en la matière. Toutefois, on ne peut extraire la prévalence de la rhinite allergique spécifiquement attribuable au pollen de l’herbe à poux. Des études de prévalence ont également été réalisées dans quelques régions du Québec. Cependant, bien qu’ils constituent une bonne indication de l’ampleur de la problématique sur le territoire étudié, les résultats obtenus ne peuvent être appliqués à l’ensemble des régions concernées par la problématique de l’herbe à poux. Il s’avérait donc difficile d’extrapoler, à partir des informations disponibles, les coûts de santé de la rhinite allergique liée spécifiquement au pollen de l’herbe à poux, pas plus d’ailleurs qu’aux pollinoses, toutes origines confondues.