Surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec à l’été 2018

À l’été 2018, deux vagues de chaleur ont affecté le Québec, une à la fin juin et une autre au début août. L’analyse des impacts sur les décès pendant la première vague de chaleur révèle un excès significatif de décès possiblement liés à la chaleur à Laval, à Montréal et en Outaouais. Dans l’ensemble des 9 régions touchées par la première vague de chaleur, l’excès mesuré est de 210 décès. Des hausses significatives des hospitalisations, des admissions à l’urgence et des transports ambulanciers ont été décelées dans plusieurs régions du Québec lors des vagues de chaleur. La comparaison de la surmortalité en période de chaleur extrême entre 2010 et 2018 ne révèle pas de différence statistiquement significative. 

Note : Le présent rapport constitue une mise à jour du document publié en mars 2019. Cette mise à jour permet d’améliorer la qualité des analyses par l’utilisation de données de mortalité plus complètes, soit les fichiers fermés des décès du Registre des événements démographiques (RED) du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Tel qu’il est indiqué dans la version antérieure de ce document, ce bilan avait initialement été réalisé avec des données provisoires de décès extraites le 28 janvier 2019 du Fichier hebdomadaire des décès de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), pour lesquelles des sous-estimations étaient possibles. Habituellement, l’extraction de ces données de décès au moins 4 mois après la date de fin de la période analysée permet de limiter ces sous-estimations4. Bien que ce délai ait été respecté, une analyse effectuée en 2021 a révélé des sous-estimations importantes des décès pour les périodes de vagues de chaleur de 2018, principalement dans la région sociosanitaire (RSS) de Montréal. En effet, un nombre important de dossiers de décès avaient été soumis au coroner, entrainant des délais de plusieurs mois avant l’enregistrement de ceux-ci dans les données de décès. Dans ces circonstances exceptionnelles, il apparaissait important de publier une mise à jour de ce bilan avec les meilleures données disponibles, afin que les conclusions qui en découlent soient justes. Une telle situation ne devrait pas se reproduire dans le futur, puisque les dossiers de décès envoyés au coroner seront dorénavant intégrés aux données dès que possible.

La mise à jour de ce document a également permis l’actualisation des données d’effectifs de population par RSS et l’utilisation du découpage territorial actuel des RSS de l’Estrie et de la Montérégie. Les nouvelles données viennent principalement modifier les impacts sur les décès, particulièrement pour la région de Montréal, mais également les taux d’hospitalisations, d’admissions à l’urgence et de transports ambulanciers en raison des dénominateurs de population différents.

Contexte

Dans le contexte des changements climatiques, le nombre et l’intensité des vagues de chaleur pourraient être à la hausse. Depuis 2010, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) prépare annuellement des bilans qui ont pour objectif d’estimer les effets des vagues de chaleur extrême sur la santé de la population au Québec.

La saison estivale 2018 est la plus chaude observée en 146 ans d’observations météorologiques au sud du Québec1.

Méthodologie

Vague de chaleur extrême : définition

Une vague de chaleur extrême est définie ainsi : une période d’au minimum 3 jours consécutifs pendant laquelle les moyennes mobiles sur 3 jours des températures maximales et minimales observées aux stations météorologiques de référence des régions sociosanitaires (RSS) atteignent les valeurs seuils de chaleur extrême préalablement définies (tableau 1). Ces valeurs seuils sont basées sur les résultats de l’étude de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) qui analyse les liens entre la surmortalité et la température quotidienne2.

Tableau 1 - Valeurs seuils de chaleur extrême et stations météorologiques de référence par région sociosanitaire
Région sociosanitaire Valeurs seuils de chaleur extrême Station météorologique de référence
Temp. max. (°C) Temp. min. (°C)

01 Bas-Saint-Laurent

31

16

Amqui

02 Saguenay–Lac-Saint-Jean

31

18

Bagotville

03 Capitale-Nationale

31

18

Jean-Lesage

04 Mauricie et Centre-du-Québec

31

18

Nicolet

05 Estrie

31

18

Lennoxville

06 Montréal

33

20

Pierre Elliott Trudeau

07 Outaouais

31

18

Ottawa

08 Abitibi-Témiscamingue

31

18

Val-d’Or

09 Côte-Nord

31

16

Baie-Comeau

10 Nord-du-Québec

31

16

Matagami

11 Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

31

16

Gaspé

12 Chaudière-Appalaches

31

18

Beauceville

13 Laval

33

20

Pierre Elliot Trudeau

14 Lanaudière

33

20

L’Assomption

15 Laurentides

33

20

Lachute

16 Montérégie

33

20

Saint-Hubert

17 Nunavik

31

16

Il n’y a pas de station.

18 Terres-Cries de la Baie-James

31

16

Matagami

Données utilisées

Données météorologiques

Les températures quotidiennes maximales et minimales enregistrées aux stations météorologiques de référence par RSS proviennent d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC).

Population

Les effectifs de population par RSS proviennent des projections démographiques diffusées par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)3.

Décès

Le nombre de décès quotidiens toutes causes confondues par RSS a été calculé à partir des fichiers fermés des décès du RED du MSSS pour les étés 2018 et 2010.

Hospitalisations, transports ambulanciers et admissions à l’urgence

Les données des hospitalisations sont extraites du Relevé quotidien de la situation à l’urgence et au centre hospitalier (RQSUCH). Il s’agit du nombre quotidien de patients admis dans un hôpital, toutes causes confondues, excluant ceux en attente d’hospitalisation à l’urgence et les nouveau-nés. Ces données sont disponibles aux intervenants du réseau de la santé et des services sociaux dans le système de Surveillance et de prévention des impacts sanitaires des événements météorologiques extrêmes (SUPREME). Les transports ambulanciers et les admissions à l’urgence proviennent du Système d’information de gestion des urgences (SIGDU). Les transports ambulanciers représentent le nombre de patients arrivés par ambulance ayant été inscrits à l’urgence. Les admissions à l’urgence regroupent l’ensemble des personnes admises à l’urgence, excluant les patients pour lesquels seuls des prélèvements ou des radiographies ont été effectués. Les données tiennent compte du nouveau découpage territorial de l’Estrie et de la Montérégie. Par contre, pour ces deux RSS, seules les données de 2016 et plus sont disponibles, ce qui fait en sorte que la période de comparaison n’est que de 2 ans (2016 et 2017).

Analyses statistiques

Estimation des impacts sur la santé

Afin de tenir compte de la chronologie des impacts des vagues de chaleur sur la santé, les périodes à l’étude sont définies comme les journées pendant lesquelles les valeurs seuils des vagues de chaleur extrême sont rencontrées, auxquelles sont ajoutés les 3 jours subséquents. En effet, le pic de mortalité apparaît habituellement de 1 à 3 jours après que la température maximale a été atteinte5-7.

Pour estimer les impacts des vagues de chaleur sur la santé, les taux bruts de décès, d’hospitalisations, d’admissions à l’urgence et de transports ambulanciers pendant les périodes à l’étude sont comparés aux taux bruts pendant les périodes de comparaison, de 2013 à 2017. Celles-ci correspondent aux mêmes jours de la semaine des dates les plus proches des périodes à l’étude. Les périodes de comparaison ne doivent pas comporter de vague de chaleur extrême. Pour cette raison, certaines années sont exclues des périodes de comparaison.

Les taux bruts sont établis à l’aide de l’équation 1 :

Équation 1 - Calcul des taux bruts

Les taux bruts sont calculés en divisant le nombre d’événements par (la population de la région) X le nombre de jours de la période d’analyse (vague plus trois jours). Cette fraction est ensuite multipliée par 100 000.

Lorsque plusieurs vagues sont combinées, des taux obtenus par standardisation directe tenant compte du poids de chacune des vagues en termes de population touchée et de durée sont utilisés pour comparer les périodes à l’étude aux périodes de comparaison. Les méthodes relatives aux calculs des coefficients de variation (CV) des taux bruts et ajustés, ainsi que de la valeur-p de la comparaison de deux taux bruts, sont présentées de manière détaillée dans une autre publication de l’INSPQ8.

Calcul du nombre d’événements en excès

Le nombre (nb) d’événements en excès est calculé en soustrayant du nombre d’événements observés pendant la période à l’étude le nombre d’événements attendus, qui est obtenu en se basant sur le taux observé pendant la période de comparaison. Le nombre d’événements en excès est établi à l’aide de l’équation 2 :

Équation 2 - Calcul du nombre d’événements en excès

Le nombre d’événements en excès est calculé comme : le nombre d’événements observé en 2018 auquel on soustrait le nombre attendu, établi à partir de la multiplication du : (taux pendant la période de comparaison) X (la population de 2018) X (la durée de la période d’analyse [vague plus 3 jours]).

Pour quantifier l’impact de plusieurs vagues de chaleur combinées, le nombre d’événements en excès est calculé en additionnant les excès de chacune des vagues d’intérêt, que ceux-ci soient significatifs ou non

Calcul de l’intensité d’une vague de chaleur

L’intensité d’une vague de chaleur est fonction de la durée et de la température. Une façon de comparer l’intensité des vagues de chaleur extrême consiste à cumuler, pendant la durée d’une vague de chaleur (j=1 à n), les différences entre les températures quotidiennes minimales et maximales et les valeurs seuils des températures minimales et maximales (équation 3). Cette mesure exprimée en degrés-jours cumulés constitue l’indicateur de l’intensité d’une vague de chaleur8.

Équation 3 - Calcul des degrés-jours cumulés pendant une vague de chaleur

Les degrés-jours cumulés sont : la somme pendant la durée de la vague de chaleur des différences entre les températures quotidiennes minimales et maximales et les valeurs seuils des températures minimales et maximales. Le tout est divisé par 2.

Résultats

Du 29 juin au 5 juillet 2018,une première vague de chaleur extrême a touché 9 RSS (tableau 2). Par la suite, les températures sont demeurées élevées presque partout au Québec pendant le mois de juillet, mais les valeurs seuils de chaleur extrême n’ont pas été atteintes. Une deuxième vague de chaleur a été observée du 4 au 7 août dans la région de l’Outaouais. L’intensité des deux vagues de chaleur a été plus élevée en Outaouais (première vague), à Montréal et à Laval.

Impacts sur les décès

L’analyse des taux de décès (toutes causes confondues) pendant la première vague de chaleur extrême indique un excès de mortalité statistiquement significatif (p < 0,05) dans 3 RSS du Québec, soit Laval, Montréal et Outaouais (tableau 3). Le nombre de décès pendant cette vague de chaleur était supérieur au nombre de décès attendus de 29 % pour Montréal, de 31 % pour l’Outaouais et de 48 % pour Laval, ce qui correspond respectivement à 98, 17 et 28 décès en excès pour ces régions. Aucun autre impact statistiquement significatif pour les décès n’a été observé dans les autres RSS ni pendant la deuxième vague de chaleur.

Enfin, l’analyse de l’impact global dans les 9 RSS affectées par la première vague de chaleur révèle un excès significatif (p < 0,05) de 210 décès. Ces résultats sont cohérents avec ceux d’une analyse de sensibilité considérant les données de l’ensemble du Québec qui permet d’estimer un excès de décès similaires pour la vague de chaleur, par rapport à la période de comparaison.

Impacts sur les hospitalisations

Pendant la première vague de chaleur, les taux bruts d’hospitalisations (toutes causes confondues) sont significativement (p < 0,05) plus élevés dans 3 RSS : Mauricie et Centre-du-Québec, Montréal et Lanaudière (tableau 4). De même, pendant la deuxième vague de chaleur, un impact statistiquement significatif a été observé en Outaouais.

Impacts sur les transports ambulanciers

L’analyse des données des transports ambulanciers a permis de déceler des effets statistiquement significatifs sur les taux bruts de transports ambulanciers dans toutes les régions affectées par la première vague de chaleur extrême de 2018 (tableau 5). Les excès mesurés pendant ces vagues de chaleur ont varié de 10 % à 23 %.

Impacts sur les admissions à l’urgence

Pendant la première vague de chaleur, les résultats révèlent une hausse statistiquement significative des taux bruts d’admissions à l’urgence par rapport aux valeurs attendues dans 3 RSS : Saguenay–Lac-Saint-Jean (excès de 15 %), Laval (excès de 5 %) et Lanaudière (excès de 17 %) (tableau 6). Une faible réduction (4 %) statistiquement significative des admissions à l’urgence est observée pendant la première vague de chaleur en Outaouais. Cependant, lors de la deuxième vague de chaleur un taux d’admissions à l’urgence supérieur au taux attendu a été observé en Outaouais (excès de 6 %).

Tableau 2 - Vagues de chaleur extrême en 2018, par région sociosanitaire
Région sociosanitaire Date de début de la vague Durée (jours) Moyenne des températures Degrés-jours cumulés
Max (°C) Min (°C)

02 Saguenay–Lac-Saint-Jean

3 juillet

3

32,6

18,1

2,5

04 Mauricie et Centre-du-Québec

1er juillet

5

32,1

18,9

5,2

05 Estrie

30 juin

5

31,9

19,0

4,8

06 Montréal

30 juin

6

33,7

22,1

8,5

07 Outaouais

29 juin

5

34,1

19,6

12,0

07 Outaouais

4 août

4

30,8

18,9

1,3

13 Laval

30 juin

6

33,7

22,1

8,5

14 Lanaudière

30 juin

4

33,3

20,5

1,5

15 Laurentides

30 juin

4

33,3

21,0

2,6

16 Montérégie

30 juin

4

33,4

21,3

3,4

Tableau 3  - Impacts des vagues de chaleur extrême sur les décès, été 2018
Région sociosanitaire Nombre moyen de décès par jour Taux brutsA pendant la vague (+ 3 j) Taux brutsA pendant la période de comparaison Rapport de taux bruts
Vague (+ 3 j) Période de comparaison Taux CVE Taux CV Vague/ période de comparaison Valeur-pB

02 Saguenay–Lac-Saint-Jean

8,0

6,1C

2,89

14,4

2,21

9,5

1,31

0,120

04 Mauricie et Centre-du-Québec

13,9

12,4

2,69

9,5

2,44

4,5

1,10

0,365

05 Estrie

11,1

9,4

2,33

10,5

1,98

5,8

1,17

0,181

06 Montréal

48,1

36,1

2,38

4,8

1,84

2,5

1,29

< 0,001

07 Outaouais (1re vague)

9,0

6,7

2,30

11,8

1,76

6,1

1,31

0,043

07 Outaouais (2e vague)

6,3

6,3D

1,60

15,1

1,66

8,7

0,97

0,853

13 Laval

9,7

6,4

2,25

10,7

1,52

5,9

1,48

0,001

14 Lanaudière

9,6

9,5

1,88

12,2

1,92

5,5

0,98

0,867

15 Laurentides

13,6

10,5

2,22

10,3

1,78

5,2

1,24

0,058

16 Montérégie

26,9

24,0

1,91

7,3

1,76

3,4

1,09

0,308

A - Taux brut par 100 000 personnes-jours.
B - Valeur-p de la comparaison des taux bruts pendant la vague de chaleur et les périodes de comparaison.
C - De 2015 à 2017 seulement.
D - De 2013 à 2014, et 2017.
E - Coefficient de variation

Tableau 4 - Impacts des vagues de chaleur extrême sur les hospitalisations, été 2018
Région sociosanitaire Nombre moyen d'hospitalisations par jour Taux brutsA pendant la vague (+ 3 j) Taux brutsA pendant la période de comparaison Rapport de taux bruts
Vague (+ 3 j) Période de comparaison Taux CVE Taux CV Vague/ période de comparaison Valeur-pB

02 Saguenay–Lac-Saint-Jean

78,3

76,8C

28,26

4,6

27,72

2,7

1,02

0,720

04 Mauricie et Centre-du-Québec

127,3

117,1

24,63

3,1

23,02

1,5

1,07

0,050

05 Estrie

119,5

117,4D

24,70

3,2

24,63

2,3

1,00

0,942

06 Montréal

535,1

493,0

26,51

1,4

25,20

0,7

1,05

0,001

07 Outaouais (1re vague)

58,5

56,6

14,92

4,6

14,79

2,1

1,01

0,858

07 Outaouais (2e vague)

67,9

55,0E

17,31

4,6

14,37

2,9

1,20

0,001

13 Laval

63,8

60,0

14,67

4,2

14,22

1,9

1,03

0,498

14 Lanaudière

97,7

78,0

19,21

3,8

15,77

1,9

1,22

< 0,001

15 Laurentides

108,3

100,4

17,71

3,6

17,03

1,7

1,04

0,329

16 Montérégie

224,6

224,8D

16,01

2,5

16,30

1,8

0,98

0,564

A - Taux brut par 100 000 personnes-jours.
B - Valeur-p de la comparaison des taux bruts pendant la vague de chaleur et les périodes de comparaison.
C - De 2015 à 2017 seulement.
D -  De 2016 à 2017 seulement.
E - De 2013 à 2014, et 2017.
F - Coefficient de variation.

Tableau 5 - Impacts des vagues de chaleur extrême sur les transports ambulanciers, été 2018
Région sociosanitaire Nombre moyen de transports ambulanciers par jour Taux brutsA pendant la vague (+ 3 j) Taux brutsA pendant la période de comparaison Rapport de taux bruts
Vague (+ 3 j) Période de comparaison Taux CVF Taux CV Vague/ période de comparaison Valeur-pB

02 Saguenay–Lac-Saint-Jean

70,2 56,9C 25,31 4,9 20,53 3,1 1,23 < 0,001

04 Mauricie et Centre-du-Québec

146,6 118,5 28,38 2,9 23,28 1,5 1,22 < 0,001

05 Estrie

125,6 110,5D 25,97 3,2 23,18 2,4 1,12 0,004

06 Montréal

561,6 496,5 27,82 1,4 25,38 0,7 1,10 < 0,001

07 Outaouais (1re vague)

76,0 63,6 19,39 4,1 16,61 2,0 1,17 0,001

07 Outaouais (2e vague)

67,0 64,0E 17,09 4,6 16,75 2,7 1,02 0,705

13 Laval

58,0 48,0 13,34 4,4 11,38 2,2 1,17 0,001

14 Lanaudière

102,1 83,7 20,08 3,7 16,92 1,8 1,19 < 0,001

15 Laurentides

135,0 106,5 22,07 3,3 18,06 1,6 1,22 < 0,001

16 Montérégie

301,4 254,9D 21,49 2,2 18,48 1,7 1,16 < 0,001

A - Taux brut par 100 000 personnes-jours.
B - Valeur-p de la comparaison des taux bruts pendant la vague de chaleur et les périodes de comparaison.
C - De 2015 à 2017 seulement.
D - De 2016 à 2017 seulement.
E - De 2013 à 2014, et 2017.
F - Coefficient de variation

Tableau 6 - Impacts des vagues de chaleur extrême sur les admissions à l’urgence, été 2018
Région sociosanitaire Nombre moyen d'admissions à l'urgence par jour Taux brutsA pendant la vague (+ 3 j) Taux brutsA pendant la période de comparaison Rapport de taux bruts
Vague (+ 3 j) Période de comparaison Taux CV Taux CV Vague/ période de comparaison Valeur-pB

02 Saguenay–Lac-Saint-Jean

519,2 453,3C 187,30 1,8 163,56 1,1 1,15 < 0,001

04 Mauricie et Centre-du-Québec

751,4 751,8 145,43 1,3 147,76 0,6 0,98 0,260

05 Estrie

703,3 699,8D 145,38 1,3 146,77 0,9 0,99 0,561

06 Montréal

2400,7 2331,2 118,94 0,7 119,16 0,3 1,00 0,809

07 Outaouais (juin)

456,3 464,6 116,39 1,7 121,34 0,7 0,96 0,021

07 Outaouais (août)

490,7 449,8E 125,18 1,7 117,61 1,0 1,06 0,002

13 Laval

233,9 216,0 53,81 2,2 51,16 1,0 1,05 0,035

14 Lanaudière

399,0 331,1 78,43 1,9 66,96 0,9 1,17 < 0,001

15 Laurentides

581,9 554,6 95,14 1,6 94,09 0,7 1,01 0,520

16 Montérégie

1123,0 1093,6D 80,06 1,1 79,29 0,8 1,01 0,486

A - Taux brut par 100 000 personnes-jours.
B - Valeur-p de la comparaison des taux bruts pendant la vague de chaleur et les périodes de comparaison.
C - De 2015 à 2017 seulement.
D - De 2016 à 2017 seulement.
E - De 2013 à 2014, et 2017.
F - Coefficient de variation.

Discussion

Le bilan de la saison estivale 2018 indique qu’une vague de chaleur extrême a traversé le Québec à la fin juin et au début juillet, affectant 9 RSS pendant une durée de 3 à 6 jours. Même si le reste de la saison a été exceptionnellement chaude, seule une autre vague de chaleur, de plus faible intensité, a été observée en Outaouais au début août.

La comparaison des taux bruts de décès pendant la première vague de chaleur de 2018 avec ceux des années précédentes indique une surmortalité dans 3 régions du Québec : Montréal, Laval et Outaouais (tableau 3). Malgré des approches méthodologiques très différentes, ces résultats sont cohérents avec des bilans régionaux réalisés dans les RSS de Montréal et Laval9,10. Par une approche de revue des dossiers médicaux, ceux-ci ont identifié respectivement 66 et 12 décès probablement liés à la chaleur durant la même période. Bien que ces résultats ne doivent pas être comparés directement avec ceux du présent rapport en raison des divergences méthodologiques, ils renforcent l’hypothèse d’un impact de la première vague de chaleur de 2018 sur la mortalité dans différentes régions du Québec.

En plus de la mortalité, trois indicateurs de morbidité ont été analysés, soit les hospitalisations, les transports ambulanciers et les admissions à l’urgence. Pour chacun d’eux, des excès par rapport aux valeurs attendues ont été observés dans différentes régions, surtout lors de la première vague de chaleur de 2018 (tableaux 4 à 6).

La fréquence quotidienne des trois indicateurs de morbidité (hospitalisations, transports ambulanciers et admissions à l’urgence) est plus élevée que la fréquence des décès. Ainsi, pour ces trois indicateurs, la puissance statistique est supérieure. Par conséquent, la capacité de détecter de plus petits écarts est accrue, mais la portée réelle de ceux-ci sur le système de soins et de services demeure difficile à interpréter. L’intérêt de ces trois indicateurs réside surtout dans la vigie sanitaire saisonnière compte tenu de leur plus grande sensibilité et de l’accès rapide aux données, sur une base quotidienne, par le système SUPREME. Par exemple, les transports ambulanciers semblent constituer un indicateur de vigie sanitaire très sensible aux impacts des vagues de chaleur sur la santé. La hausse des transports ambulanciers observée pendant la vague de chaleur est cohérente avec des données publiées dans la littérature scientifique11,12. L’analyse de ces indicateurs dans une perspective de vigie sanitaire en période de chaleur extrême pourrait donc mener à des interventions rapides par les intervenants de santé publique régionaux.

Comparaison avec les décès de la vague de chaleur de 2010

La version antérieure de ce document révélait une faible surmortalité liée à la chaleur à l’été 2018 au Québec (voir note en haut de page). Vu l’ampleur de la vague de chaleur de la fin juin, il apparaissait pertinent de comparer la mortalité observée lors de cet épisode avec celle de l’été 2010. Ces comparaisons étaient d’autant plus intéressantes que les deux vagues de chaleur ont des durées comparables et qu’elles se sont produites au début juillet. Bien que la version révisée de ce document permette d’atténuer la divergence entre les vagues de chaleur de 2010 et de 2018, il demeure pertinent d’en comparer la sévérité.

Premièrement, un excès de décès (n = 210) est estimé dans l’ensemble des 9 RSS affectées par la première vague de chaleur de 2018, comparativement aux 291 décès supplémentaires estimés pendant la vague de chaleur du début juillet 2010 (données non présentées). Il faut noter qu’en 2018, les valeurs seuils des températures minimales pour les RSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de la Capitale-Nationale et de l’Abitibi-Témiscamingue ont passé de 16 à 18 degrés Celsius, dans le cadre des travaux de mise à jour périodique des seuils de température effectués pour l’ensemble des RSS.

Deuxièmement, il appert que les intensités des vagues de chaleur sont, en général, plus faibles en 2018 qu’en 2010 (figure 1). Les RSS de Montréal et Laval se distinguent toutefois des autres régions, où l’on observe des vagues de chaleur d’intensité similaire. 

Les excès de mortalité pendant les vagues de chaleur extrême de juillet 2010 et de 2018 ont été analysés pour les 7 RSS touchées par les vagues de chaleur lors des 2 périodes (figure 2). Comme les régions des Laurentides et du Saguenay–Lac-Saint-Jean n’ont pas été affectées par des vagues de chaleur extrême en 2010, elles n’ont pas été incluses dans ces analyses. Bien que le nombre de décès en excès et le nombre de régions ayant connu une surmortalité significative suggèrent une tendance à la baisse entre 2010 et 2018, les impacts sur la mortalité ne diffèrent pas sur le plan statistique. Il n’est donc pas possible de conclure que la vague de chaleur de 2010 a eu des impacts plus importants sur la santé que celle de 2018 au Québec. Cette absence de différence pourrait être due à un manque de puissance statistique.

Figure 1 - Intensité des vagues de chaleur extrême de juillet 2010 et de 2018

Figure 2 - Rapport de taux des décès et intervalles de confiance à 95 % pendant les vagues de chaleur extrême de juillet 2010 et de 2018

Pour les RSS de l’Estrie (05) et de la Montérégie (16), le découpage territorial actuel est utilisé. Les données contenues dans ce graphique peuvent donc différer de la version antérieure de ce bilan, publiée en 2019, ainsi que d’autres publications présentant les données de mortalité à l’été 20104,8.

Limites de l’étude

Ces analyses sont cependant sujettes à des limites. La principale est qu’il est impossible de vérifier si les excès de mortalité et de morbidité observés sont réellement dus à la chaleur, les indicateurs sanitaires utilisés n’étant pas spécifiques à la chaleur. De plus, les valeurs seuils ont été établies afin de détecter un excès de décès, mais l’application de celles-ci pour les indicateurs de morbidité n’est pas documentée. Enfin, l’absence de diagnostic dans les données de santé empêche le calcul des excès par grands regroupements de causes de décès. Cependant, la méthode utilisée dans ce bilan pour l’identification des excès de mortalité et de morbidité pendant une vague de chaleur est utilisée ailleurs dans le monde13,14 parce qu’elle permet l’identification précoce des impacts sur la santé.

Une deuxième limite, plus spécifique aux données de mortalité, est le petit nombre de décès par jour et par région qui diminue la capacité à identifier des impacts statistiquement significatifs dans les régions moins peuplées. Ainsi, il faut remarquer que, pendant la première vague de chaleur de 2018, des excès non significatifs de décès, respectivement de 24 % et 31 %, sont estimés dans les RSS des Laurentides et du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Une faible puissance statistique pourrait également diminuer la capacité à détecter des différences dans la comparaison de la mortalité entre les étés 2010 et 2018.

Enfin, il est à noter que les hospitalisations, les admissions à l’urgence et les transports ambulanciers sont associés aux RSS selon la région de l’installation visitée et non la région de résidence. Cette limite constitue un biais de mesure, car les taux populationnels qui découlent de ces indicateurs utilisent la population résidente comme dénominateur. Puisque des individus peuvent avoir recours à des soins de santé dans une autre région que celle de résidence, il est possible que ces taux soient légèrement sous-estimés ou surestimés dans certaines régions. Par contre, cette limite ne touche pas les données de mortalité par RSS, qui sont basées sur le lieu de résidence.

Conclusion

En conclusion, une vague de chaleur extrême a affecté plusieurs régions du Québec à la fin juin et au début juillet 2018. Un excès significatif de décès (toutes causes confondues) a été observé dans les RSS de Montréal, Laval et Outaouais pendant la vague de chaleur. Par ailleurs, l’analyse provinciale permet d’estimer que 210 décès supplémentaires sont possiblement liés à la vague de chaleur de la fin juin et du début juillet 2018. Pour la morbidité, les excès significatifs les plus importants dans plusieurs RSS sont les transports ambulanciers pendant la vague de chaleur, comparativement à la période de comparaison. Cet indicateur apparaît pertinent pour les directions régionales de santé publique dans une optique de vigie sanitaire en période de chaleur extrême.

La comparaison des vagues régionales de chaleur de 2010 et de 2018 permet de constater que les impacts sur les décès sont comparables, malgré une légère tendance à la baisse en 2018 comparativement à 2010. Cette tendance n’est pas statistiquement significative.

Remerciements

Ce bilan a été réalisé grâce au soutien financier du Fonds vert, dans le cadre de l’Action 21 du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques du gouvernement du Québec.

Pour toute correspondance

Félix Lamothe
Unité Évaluation et soutien à la gestion des risques
Direction de la santé environnementale, au travail et de la toxicologie
Institut national de santé publique du Québec
190, boulevard Crémazie Est
Montréal (Québec)  H2P 1E2
Courriel : [email protected]

Références

  1. Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques [En ligne]. Québec : Gouvernement du Québec; 2019. Septembre 2018 : l’été le plus chaud en 146 ans d’observations au sud du Québec se confirme. Disponible: http://www.environnement.gouv.qc.ca/climat/Faits-saillants/2018/septembre.htm
  2. Giroux JX, Chebana F, Gosselin P, Bustinza R. Indicateurs et valeurs-seuils météorologiques pour les systèmes de veille-avertissement canicule pour le Québec : mise à jour de l’étude de 2010 et développement d’un logiciel de calcul pour les systèmes d’alerte [En ligne]. Québec, Canada : Institut national de la recherche scientifique; 2017. Disponible: http://espace.inrs.ca/7124/1/R1776.pdf
  3. Ministère de la Santé et des Services sociaux [En ligne]. Estimations et projections de population par territoire sociosanitaire. Gouvernement du Québec; 2020. Disponible : https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001617/
  4. Lebel G, Bustinza R, Dubé M. Évaluation du Fichier hebdomadaire des décès pour l’estimation des impacts des vagues de chaleur [En ligne]. Québec : Institut national de santé publique du Québec; 2015. Disponible : https://www.inspq.qc.ca/es/node/4205
  5. Ishigami A, Hajat S, Kovats RS, Bisanti L, Rognoni M, Russo A, et al. An ecological time-series study of heat-related mortality in three European cities. Env Health. 2008;7:5.
  6. Ostro BD, Roth LA, Green RS, Basu R. Estimating the mortality effect of the July 2006 California heat wave. Environ Res. 2009;109:614 9.
  7. Schifano P, Cappai G, De SM, Michelozzi P, Marino C, Bargagli AM, et al. Susceptibility to heat wave-related mortality : a follow-up study of a cohort of elderly in Rome. Env Health. 2009;8:50.
  8. Lebel G, Bustinza R, Dubé M. Analyse des impacts des vagues régionales de chaleur extrême sur la santé au Québec de 2010 à 2015 [En ligne]. Québec : Institut national de santé publique du Québec; 2017. Disponible : https://www.inspq.qc.ca/publications/2221
  9. Direction régionale de santé publique de Laval : Rapport d’enquête épidémiologique : vague de chaleur de l’été 2018 [En ligne]. Laval : Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval; 2019. Disponible : https://www.lavalensante.com/fileadmin/internet/cisss_laval/Documentation/Sante_publique/Rapports_et_memoires/2019/Rapport_vague_de_chaleur_2018_Laval_final_2019-05-29__2_.pdf
  10. Direction régionale de santé publique de Montréal : Vague de chaleur été 2018 à Montréal : enquête épidémiologique [En ligne]. Montréal : Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal; 2019. Disponible : https://santemontreal.qc.ca/fileadmin/user_upload/Uploads/tx_asssmpublications/pdf/publications/Enquete_epidemiologique_-_Vague_de_chaleur_a_l_ete_2018_a_Montreal_version15mai_EUSHV_finale.pdf
  11. Bassil KL, Cole DC, Moineddin R, Craig AM, Wendy Lou WY, Schwartz B, et al. Temporal and spatial variation of heat-related illness using 911 medical dispatch data. Environ Res. 1er juill. 2009;109(5):600 6.
  12. Kue RC, Dyer KS. The impact of heat waves on transport volumes in an urban emergency medical services system : a retrospective review. Prehospital and Disaster Medicine. Cambridge University Press. 2013;28(6):610–5.
  13. Antics A, Pascal M, Laaidi K, Wagner V, Corso M, Declercq C, et al. A simple indicator to rapidly assess the short-term impact of heat waves on mortality within the French heat warning system. Int J Biometeorol. 2013;57(1):75 81.
  14. Pascal M, Wagner V, Le Tertre A, Laaidi K, Honoré C, Bénichou F, et al. Definition of temperature thresholds : the example of the French heat wave warning system. Int J Biometeorol. 2013;57(1):21 9.
Auteur(-trice)s
Germain Lebel
M. A., M. Sc., conseiller scientifique, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Marjolaine Dubé
B. Sc., conseillère scientifique, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Ray Bustinza
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Sujet(s)
Chaleur extrême
Type de publication
Date de publication