Réseau sentinelle de surveillance de l’infection gonococcique, de l’antibiorésistance et des échecs thérapeutiques au Québec

Le 11 janvier dernier, deux professionnelles de l’INSPQ, Karine Blouin, responsable du projet, et Fannie Defay, coordonnatrice du projet, ont présenté le Réseau sentinelle de surveillance de l’infection gonococcique, de l’antibiorésistance et des échecs au traitement au Québec dans le cadre d’un webinaire. Le projet et les résultats de l’année 2016 ont également été présentés sur un poster aux Journées annuelles de santé publique en décembre dernier. Nous revenons sur les grandes lignes de leur présentation pour comprendre la pertinence et l’impact de ce projet sur la surveillance et la prise en charge de la gonorrhée au Québec.

Épidémiologie et contexte québécois de l’infection gonococcique

Depuis 2011, on remarque une hausse importante des cas déclarés de gonorrhée au Québec, surtout chez les hommes. Selon les données du Portrait des ITSS au Québec, année 2016 et projections 2017, environ 80 % des cas déclarés sont des hommes et on observe une augmentation majeure des cas aux sites extragénitaux (anus-rectum et pharynx). Cette hausse s’expliquerait entre autres par les nouvelles recommandations de prélever les sites extragénitaux lors du dépistage de la gonorrhée.

Neisseria gonorrhoeae : une superbactérie!

On rapporte que la bactérie N. gonorrhoeae a une grande capacité à modifier son ADN et à acquérir de nouvelles résistances aux antibiotiques. Dans les dernières décennies, on observe des apparitions successives de résistance à la pénicilline, aux tétracyclines, aux fluoroquinolones, etc. Lorsqu’un traitement est abandonné en raison d’une résistance importante, il est peu probable de revenir à ce traitement dans le futur et le nombre d’options disponibles pour le traitement de cette bactérie devient de moins en moins grand.

Dans les dernières années, nous remarquons l’émergence d’une nouvelle résistance aux céphalosporines de 3e génération. Au Québec, 3 souches non sensibles à la céfixime ont été identifiées par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) en 2015-2016 et une première souche non sensible à la céfixime et à la ceftriaxone a été identifiée en 2017. De plus, en 2016, près de 20 % des souches de N. gonorrhoeae analysées au Québec étaient résistantes à l’azithromycine.

Programme de surveillance provincial de la résistance de N. gonorrhoeae aux antibiotiques

Ce programme du LSPQ, en place depuis 1998, permet l’analyse de sensibilité aux antibiotiques de toutes les souches de N. gonorrhoeae identifiées au Québec. Les rapports annuels de ce programme permettent de suivre l’évolution des résistances aux antibiotiques de N. gonorrhoeae au Québec pour éventuellement guider le choix des recommandations de traitement de cette infection.

Toutefois, le programme s’appuie sur les cultures effectuées par les cliniciens et la proportion de cultures faites sur l’ensemble des tests de détection est passée de 32 % en 2011 à 11 % en 2016. Cette diminution s’explique entre autres par l’utilisation du TAAN, mais compromet la capacité de surveiller la sensibilité de la N. gonorrhoeae aux antibiotiques.

De plus, ce programme ne permet pas de connaître les caractéristiques des cas selon le profil de sensibilité, ce qui empêche d’adapter les recommandations thérapeutiques ciblées. Enfin, ce programme n’est pas en mesure de documenter les échecs thérapeutiques de l’infection.

Réseau sentinelle de surveillance de l’infection gonococcique, de l’antibiorésistance et des échecs thérapeutiques au Québec

Ce réseau, lancé en 2016, vise trois objectifs :

  1. contribuer à assurer la réalisation d’un nombre suffisant de cultures de N. gonorrhoeae pour maintenir la capacité de surveillance de la résistance aux antibiotiques,
  2. examiner les associations entre les caractéristiques épidémiologiques et cliniques des cas et a) le profil de sensibilité aux antibiotiques, b) les cultures, les tests de contrôles et les traitements prescrits, et
  3. détecter et caractériser les échecs au traitement, établir la corrélation entre le profil de sensibilité et la réponse clinique aux traitements.

Jusqu'à présent le réseau a recueilli des informations provenant de différents milieux cliniques, de trois régions du Québec, qui ont un nombre important de cas annuellement. Ceci permet une représentativité des cas de N. gonorrhoeae par rapport au sexe, à l’orientation sexuelle et à la couverture géographique.

Sur les 590 épisodes de N. gonorrhoeae enregistrés dans le réseau sentinelle en 2016, près de 87 % sont chez des hommes, et l’âge moyen des cas est de 33 ans. Près de 90 % des hommes rapportaient des relations sexuelles avec d’autres hommes alors que près de 90 % des femmes avaient exclusivement des partenaires masculins.

Dans environ 2/3 des cas, une culture avait été effectuée soit lors de la détection ou lors d’une visite de suivi. Un peu plus de 80 % des traitements prescrits correspondaient aux traitements recommandés en première intention. Cinq échecs thérapeutiques ont été identifiés dans le réseau, dont trois au site pharyngé.

Toutes les souches examinées dans le réseau sentinelle étaient sensibles à la céfixime et à la ceftriaxone, 21 % étaient résistantes à l’azithromycine et 52 % à la ciprofloxacine.

Le réseau sentinelle poursuit ses travaux et est présentement en recrutement de nouveaux milieux cliniques pour améliorer sa couverture géographique.

Nous vous invitons à visionner le webinaire de la conférence midi : http://inspq-cv.adobeconnect.com/pze98tbot2x4/

Vous trouverez également en pièce jointe l’affiche du projet présenté aux 21e  Journées annuelles de santé publique.

Rédigé par
Geneviève Boily – Espace ITSS
Date de publication
26 janvier 2018