Position des organismes

Il n’existe à l’heure actuelle aucune valeur guide d’exposition aux moisissures à l’intérieur des bâtiments non industriels (11,12,16) (voir Encadré 1 pour le contexte particulier en milieu de travail et la protection de la santé respiratoire des travailleurs). En effet, à la lumière des connaissances scientifiques actuelles, il n’est pas possible de quantifier la relation entre l’exposition aux moisissures dans l’air et les effets sur la santé humaine. En présence de problèmes persistants d’humidité excessive et de contamination fongique, qu’ils soient visibles ou dissimulés derrière les matériaux, les organismes de santé et d’hygiène reconnus recommandent que des mesures correctives soient entreprises, et ce, peu importe les espèces de moisissures en cause (4,11–13,16,17).

Les raisons de l’absence de valeur guide d’exposition s’expliquent notamment par (4,7,11,12,17–19) :

  • la variabilité de la susceptibilité des individus dans la réponse à l’exposition aux moisissures et à leurs composants;
  • les divers effets potentiels sur la santé (irritatifs, allergiques, infectieux, toxiques) et leur gravité, qui peuvent différer selon l’espèce de moisissure;
  • la diversité fongique potentiellement retrouvée dans les bâtiments et l’identification précise des espèces responsables d’effets sur la santé;
  • la production de métabolites secondaires (ex. : mycotoxines, composés organiques volatils d’origine microbienne [COVm]) ainsi que la présence de composants de la paroi cellulaire des moisissures (β[1-3] – D-glucane, ergostérols, etc.), dont certains pourraient avoir des effets sur la santé;
  • le manque de standardisation dans les méthodes d’échantillonnage pour mesurer les concentrations dans l’air. 

Il faut noter que certaines limites quantitatives des concentrations de moisissures dans l’air intérieur ont déjà été publiées par le passé. Ces valeurs sont désormais jugées caduques puisqu’elles ne reflètent pas les connaissances scientifiques actuelles (4).

À titre d’exemple, l’ACGIH a déjà publié des concentrations limites de moisissures jugées « normales ». Cependant, ces limites ont été retirées et leur utilisation est maintenant jugée inappropriée, comme mentionné dans le guide publié en 2001 par l’IRSST (19) ainsi que dans le rapport de l’audit international tenu à Montréal en 2013 regroupant des experts dans le domaine (18).

Dans un document intitulé Guide technique pour l’évaluation de la qualité de l’air dans les immeubles à bureau, publié en 1995, Santé Canada proposait des limites quantitatives de spores dans l’air (UFC/m3), considérées comme des quantités typiques retrouvées dans des échantillons recueillis dans des immeubles de bureaux. Ces limites sont souvent interprétées à tort comme étant des lignes directrices pouvant être extrapolées à tous les types de bâtiments. Selon Santé Canada, ce document est désormais obsolète et les valeurs indiquées « ne représentent pas un niveau sécuritaire de moisissure, ne s’appliquent pas aux maisons, et ne constituent en aucun cas une ligne directrice ou une recommandation de Santé Canada. » (20).

La ligne directrice[1] en vigueur de Santé Canada concernant la présence de moisissures dans les bâtiments est la suivante :

Santé Canada considère que la croissance de moisissures dans les bâtiments d’habitation peut poser des risques pour la santé. Les risques pour la santé dépendent de l’exposition et, pour les symptômes reliés à l’asthme, de la sensibilisation allergique. Toutefois, le grand nombre d’espèces fongiques présentes dans les bâtiments et la grande variabilité interindividuelle de la réponse à l’exposition aux moisissures empêchent la détermination de valeurs guides d’exposition. Par conséquent, Santé Canada recommande :

  • de contrôler l’humidité dans les résidences et d’y réparer rapidement toute fuite ou infiltration d’eau afin de prévenir la croissance des moisissures;
  • de nettoyer en profondeur toute moisissure croissant dans les immeubles résidentiels, qu’elle soit visible ou non.

Ces recommandations s’appliquent, quelles que soient les espèces fongiques croissant dans les bâtiments.

Par ailleurs, en l’absence de valeurs guides d’exposition, les résultats de tests sur la présence de moisissures dans l’air intérieur des immeubles ne peuvent être utilisés pour évaluer les risques pour la santé des occupants de ces immeubles.

Par ailleurs, dans les règlements sur la salubrité et les nuisances de plusieurs municipalités du Québec, la présence de contamination fongique ou de conditions favorisant la croissance de moisissures dans les habitations représente généralement un facteur d’insalubrité à proscrire (21).

Pour consulter les recommandations de Santé Canada ainsi que celles d’autres organisations de santé concernant les moisissures en milieu résidentiel :

Lignes directrices sur la qualité de l'air intérieur résidentiel : moisissures (Santé Canada, 2007).

Position statement on mold and dampness in the built environment (AIHA, 2013, p. 3-4).

Position document on limiting indoor mold and dampness in buildings (ASHRAE, 2013, p. 3).

WHO guidelines for indoor air quality : dampness and mould (OMS, 2009, p. 94). Les lignes directrices de l’OMS sont également énoncées dans le résumé exécutif en français (p. 3-4).

Damp indoor spaces and health (IOM, 2004, p. 14).

Les risques à la santé associés à la présence de moisissures en milieu intérieur (INSPQ, 2002, p. 12 et 85).

Encadré 1 : Contextes particuliers en milieu de travail

Des concentrations seuils sont parfois utilisées à titre indicatif dans un contexte de santé au travail pour la protection de la santé des travailleurs. Ces valeurs sont peu susceptibles de se retrouver dans un milieu autre qu’industriel (ex. : milieu résidentiel, milieu scolaire, édifices de bureaux), et elles ont été établies pour une population de travailleurs dont les caractéristiques physiques (ex. : état de santé, sensibilité) sont jugées différentes par rapport à d’autres groupes de population (ex. : enfants dans une garderie ou une école, patients dans un hôpital). Elles ont été proposées afin de déterminer la nécessité d’avoir recours à des équipements de protection respiratoire (ex. : port de respirateurs ou installation de systèmes d’épuration d’air) pour protéger la santé respiratoire des travailleurs (22). Conséquemment, elles ne représentent pas une valeur limite pour les microorganismes présents dans l’air et ne s’appliquent que dans certains contextes, en milieu de travail.


[1]     Basées sur les connaissances scientifiques actuelles, les lignes directrices de Santé Canada font office de recommandations afin de guider les stratégies visant à réduire les risques à la santé associés aux contaminants de l’air intérieur.