Jumelage des cas de mésothéliome et d'amiantose reconnus comme maladies professionnelles pulmonaires aux nouveaux cas de cancer et aux hospitalisations avec amiantose

Cette recherche s'inscrit dans le Programme de développement de la surveillance et des connaissances sur les maladies de l'amiante en lien avec le plan d'action gouvernemental d'utilisation accrue de l'amiante au Québec. Elle vise le jumelage des cas de mésothéliome de la plèvre et d'amiantose reconnus comme des maladies professionnelles pulmonaires par le Comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires (CSMPP), aussi appelé Comité spécial des présidents, entre 1975 et 2003, aux nouveaux cas de cancer inscrits au Fichier des tumeurs du Québec (FiTQ) entre 1975 et 2002 et aux nouvelles hospitalisations avec un diagnostic d'amiantose enregistrées dans le système Med-Écho entre 1988 et 2003.

Entre 1975 et 2003, 444 cas de mésothéliome de la plèvre ont été reconnus comme des maladies professionnelles pulmonaires par le CSMPP. Par ailleurs, de 1975 à 2002, 1 604 cas de ce même cancer ont été enregistrés dans le FiTQ. Parmi les 444 cas de mésothéliome reconnus par le CSMPP, 344 étaient présents dans le FiTQ avec le même diagnostic, 51 avec un autre diagnostic et 49 étaient absents. Les 344 cas représentent 21,4 % (344/1 604) des mésothéliomes déclarés au FiTQ et 77,5 % (344/444) des cas reconnus par le CSMPP. Parmi les 49 cas absents du FiTQ, 19 résidaient hors Québec ou avaient un lieu de résidence inconnu. Seize autres cas avaient été reconnus par le CSMPP en 2003, mais leur absence du FiTQ s'explique par le fait qu'au moment de la réalisation de l'étude, les données du FiTQ étaient disponibles seulement jusqu'en 2002. Parmi les 14 cas absents résiduels, 7 ont été reconnus avant 1983, laissant 7 cas de mésothéliome de la plèvre reconnus par le CSMPP non retrouvés dans le FiTQ sans raison évidente (1,6 %).

Entre 1967 et 2003, 1 863 cas d'amiantose ont été reconnus par le CSMPP et entre 1988 et 2004, 2 391 hospitalisations ont été inscrites avec ce diagnostic dans le système Med-Écho. Les 838 cas d'amiantose reconnus par le CSMPP et enregistrés dans le système Med-Écho avec le même diagnostic représentent 35,0 % (838/2 391) des cas hospitalisés avec une amiantose et 45,0 % (838/1 863) des cas reconnus par le CSMPP.

Ces résultats montrent que les cas de mésothéliome et d'amiantose inscrits respectivement dans le FiTQ et dans le système Med-Écho sont plus nombreux que les cas reconnus par le CSMPP. Cependant, les cas reconnus par le CSMPP sont les seuls pour lesquels l'exposition professionnelle à l'amiante est documentée. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le nombre moins important de cas en provenance du CSMPP, par exemple, le fait pour un travailleur de ne pas être couvert par le régime d'assurance de la CSST ou de ne pas avoir soumis de réclamation et l'ignorance de l'exposition antérieure à l'amiante. Le nombre plus élevé de cas de mésothéliome dans le FiTQ nous apparaît être un meilleur reflet de la fréquence réelle de ce cancer. En effet, le FiTQ est alimenté principalement par le système Med-Écho qui consigne toutes les hospitalisations pour soins généraux et spécialisés de courte durée à l'échelle provinciale. Or, compte tenu de l'histoire naturelle du mésothéliome, cette maladie entraîne vraisemblablement presque toujours une hospitalisation. Par ailleurs, même si le nombre plus élevé de cas d'amiantose dans le système Med-Écho apparaît également possible, nous émettons l'hypothèse que d'autres pathologies que l'amiantose soient englobées sous ce diagnostic, par exemple des anomalies pleurales.

Les données sur les cas reconnus par le CSMPP ont été obtenues dans le cadre d'un autre projet de recherche. Depuis la réalisation de cette collecte de données, le gouvernement du Québec a adopté la Loi sur la santé publique qui rend obligatoire la déclaration du mésothéliome et de l'amiantose par les médecins. Ainsi, depuis 2006, les médecins du CSMPP déclarent ces deux maladies au directeur de santé publique de leur territoire.

Plusieurs possibilités sont envisagées en vue de surveiller le mésothéliome et l'amiantose au Québec. Une première option pour la surveillance du mésothéliome est de continuer à utiliser les données du FiTQ telles quelles, puisque la majorité des cas de ce cancer est associée à une exposition antérieure à l'amiante. La deuxième option consisterait à utiliser les données issues des registres régionaux des maladies à déclaration obligatoire (MADO), après avoir développé des procédures visant à favoriser la déclaration des cas diagnostiqués par d'autres médecins que ceux du CSMPP. La surveillance de l'amiantose pourrait se faire de la même façon. Les troisième et quatrième options consistent à jumeler les mésothéliomes des registres régionaux des MADO et du FiTQ. Les principales différences entre la troisième et la quatrième option de surveillance sont : les fichiers où les cas sont enregistrés (FiTQ pour la troisième option et registres régionaux des MADO pour la quatrième option) et la proportion de cas avec de l'information sur leur origine professionnelle. En effet, pour la quatrième option, où les cas du FiTQ seraient ajoutés aux registres régionaux des MADO, une enquête pourrait être menée par les directions de santé publique afin de préciser, notamment, l'exposition à l'amiante.

Enfin, nous concluons que les sources de données pourraient être exploitées en complémentarité dans le but d'améliorer la surveillance actuelle des maladies reliées à l'amiante au Québec. La faisabilité, de même que les contraintes administratives, éthiques et légales devront être examinées en vue de l'élaboration d'un système de surveillance de ces maladies.

Auteur(-trice)s
Germain Lebel
M. A., M. Sc., conseiller scientifique, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Suzanne Gingras
Institut national de santé publique du Québec
Louise De Guire
M.D., Institut national de santé publique du Québec
ISBN (électronique)
978-2-550-57338-8
ISBN (imprimé)
978-2-550-57337-1
Notice Santécom
Date de publication