Avis scientifique sur la rétention des clientèles des Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance

Dans le cadre des chantiers sur l'optimisation des Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance (SIPPE), l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a reçu du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) le mandat de documenter les stratégies de rétention des clientèles de type SIPPE ayant un enfant âgé de 18 mois à 5 ans.

Les travaux ont porté sur les facteurs associés à la rétention (soit le maintien de la clientèle dans un programme), à court et à moyen terme, des familles vivant en contexte de vulnérabilité à des programmes dont les composantes principales sont des visites à domicile ou des groupes de parents. Des pratiques pouvant accroître la rétention à ces types de programmes sont également proposées.

Le faible taux de rétention des familles aux programmes de prévention et de promotion est bien documenté. L'abandon des participants constitue un enjeu important, car il soulève des questions sur la pertinence d'une intervention de longue durée pour la clientèle ciblée et menace l'efficacité de cette intervention. Il est donc pertinent de se questionner sur les raisons qui motivent les familles à maintenir leur participation au programme, ainsi que sur les pratiques susceptibles de les y retenir.

La recherche documentaire s'est déroulée de mai à novembre 2009. Les sources proviennent des bases de données (Medline, PsycINFO et SocINDEX) et de la littérature grise (Google Scholar et sites Internet de programmes connus).

Pour analyser les sources examinant les facteurs associés à la rétention, 21 études empiriques, de nature quantitative (qui consistent surtout en études corrélationnelles de qualité variable) et qualitative, ont été retenues à partir des critères suivants :

  • Elles traitent de programmes similaires aux SIPPE, en ce qui concerne la clientèle visée (familles vivant en contexte de vulnérabilité) et la nature de l'intervention (visites à domicile ou groupes de parents);
  • Elles sont publiées en anglais (aucune étude en français n'a été recensée);
  • Elles décrivent la méthodologie utilisée avec suffisamment de clarté pour juger de sa qualité.

Étant donné le nombre restreint d'études empiriques, 15 sources supplémentaires ont servi à étoffer les implications pour la pratique en lien avec la rétention des familles aux programmes. Il s'agit d'écrits théoriques, de revues de littérature ou d'études empiriques qui ne répondent pas aux critères ci-dessus.

L'analyse des écrits s'inspire de deux modèles théoriques, basés sur l'approche écologique, qui tiennent compte des facteurs pouvant influencer la rétention des familles vivant en contexte de vulnérabilité dans des programmes de type SIPPE (Korfmacher et collab., 2008; McCurdy, K. et Daro, D., 2001). Ces facteurs sont classés selon quatre catégories, soit ceux liés aux familles, aux intervenants, au programme et à la communauté.

Les sources sont donc analysées en fonction des deux objectifs suivants :

  • Établir quels facteurs sont liés à la rétention des participants (mesurée en termes de durée de la participation et du nombre de rencontres effectuées) et à la qualité de leur participation;
  • Proposer des implications pour l'intervention en vue de favoriser la rétention.

Considérant le petit nombre d'études disponibles sur chaque facteur, la qualité variable de celles-ci et la complexité des interactions possibles entre ces facteurs, l'analyse des résultats ne permet pas d'établir avec une grande précision les facteurs associés à la rétention des familles aux programmes de visites à domicile. Certains constats se dégagent (ex. : la participation semble être fonction des besoins perçus par les parents et de leur perception de leur relation avec l'intervenant), mais il n'en découle pas toujours des pistes d'intervention concrètes.

Par conséquent, les implications proposées pour la pratique sont de nature théorique :

Facteurs liés aux familles

  • Identifier régulièrement les préoccupations des familles et adapter les visites (ex. : nombre, horaire) en fonction de leurs besoins, tout en respectant les objectifs du programme et en tenant compte du fait que la durée et l'intensité d'une intervention sont liées à son efficacité.
  • Entretenir le lien de confiance entre les familles et l'intervenant.
  • Impliquer les personnes significatives (membres de la famille, amis, voisins, etc.) dans l'intervention pour favoriser leur appui au programme.

Facteurs liés aux intervenants

  • Favoriser le recrutement d'intervenants ayant des qualités professionnelles et humaines capables d'établir une relation de confiance avec les familles.
  • Jumeler l'intervenant et les parents en fonction de certaines caractéristiques (ex. : l'ethnie), lorsque cela est possible.
  • Former les intervenants sur les différences culturelles relatives aux pratiques parentales et à l'éducation de l'enfant.

Facteurs liés au programme

  • Offrir de la supervision et de la formation continue aux intervenants.
  • Mettre en évidence que les objectifs du programme visent à répondre aux besoins des parents et à ceux des enfants.

Facteurs liés à la communauté

  • Consolider les liens entre le programme et les autres services de la communauté.

Très peu d'études se sont penchées sur la rétention des familles vivant en contexte de vulnérabilité à des programmes de groupes de parents. Par conséquent, les preuves empiriques et les écrits théoriques sont insuffisants pour proposer des pratiques susceptibles d'accroître la rétention à ce type d'intervention.

En somme, la recherche sur la rétention des familles vivant en contexte de vulnérabilité à des programmes de type SIPPE est insuffisante et mérite d'être poursuivie. Les implications pour l'intervention issues de notre analyse concordent avec les meilleures pratiques reconnues.

Des recommandations sont formulées pour agir sur la participation et sur la rétention des familles aux SIPPE :

  • Agir simultanément sur les facteurs liés aux familles, aux intervenants, au programme et à la communauté pouvant favoriser la rétention des participants;
  • Évaluer avec les familles l'ensemble de leurs besoins afin de leur offrir une intervention adaptée, tout en respectant les objectifs du programme et en tenant compte du fait que la durée et l'intensité d'une intervention sont liées à son efficacité;
  • Évaluer la qualité de la participation, pas seulement la durée et l'intensité de celle-ci;
  • Entreprendre une démarche de consultation à toutes les étapes de développement d'un programme (conception, recrutement, inscription, déroulement) en impliquant tous les partenaires provenant de divers secteurs d'activité (notamment les familles, les intervenants et les gestionnaires des programmes, les représentants d'organismes communautaires offrant des services connexes), afin d'identifier les obstacles à la participation et d'agir de façon proactive sur la rétention des participants;
  • Explorer la possibilité d'offrir aux familles d'autres modalités d'intervention pendant la période de 18 mois à 5 ans (ex. : à partir de 18 mois, privilégier les groupes de parents ou s'assurer de l'intégration et du maintien de l'enfant aux services de garde, plutôt que miser uniquement sur les visites à domicile), étant donné la difficulté de maintenir les familles dans des programmes intensifs de visites à domicile pendant une longue période.
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-59665-3
ISBN (imprimé)
978-2-550-59664-6
Notice Santécom
Date de publication