Mesures de réduction de l'exposition aux pesticides dans les aliments

La présence de pesticides dans les aliments de consommation tels les fruits et les légumes frais ou transformés est une source de préoccupation et un sujet on ne peut plus sensible pour la population. Si l'on considère les effets potentiels de certains de ces produits sur la santé, il apparaît justifié de vouloir documenter les bilans de résidus de pesticides dans les aliments et de proposer, le cas échéant, des moyens pour en diminuer les niveaux de contamination.

En matière de bilans de résidus de pesticides dans les aliments, il existe deux principales sources de données : le programme de surveillance fédéral de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et le programme québécois du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ). Les données du premier programme ne sont plus publiées depuis 2005 alors que seules quelques données présentées dans des colloques sont disponibles pour le programme du MAPAQ. Dans ce contexte, il n'est possible de réaliser qu'un bilan sommaire des résidus de pesticides dans les aliments consommés au Canada et au Québec. À la lumière des données disponibles, les aliments contiennent des résidus de pesticides qui respectent généralement les normes édictées par Santé Canada, ce qui est plutôt rassurant. Cependant, des traces de pesticides sont régulièrement détectées dans les fruits et légumes frais et, dans certains cas, plusieurs pesticides différents sont mesurés dans la même denrée. De plus, le même pesticide se retrouve parfois dans plus d'un aliment. Bien qu'il soit difficile de connaitre l'impact sur la santé de la présence de ces produits dans certaines denrées, plusieurs études ont permis de mesurer des concentrations de pesticides dans des matrices biologiques humaines, comme l'urine et le sang, et des liens ont pu être faits entre ces mesures et la contamination alimentaire. Par ailleurs, certains pesticides qui étaient parmi les plus souvent mesurés possèdent des propriétés toxiques à long terme telles que les effets sur le développement ou la reproduction, la génotoxicité, les perturbations endocriniennes et le potentiel de cancérogénicité observés lors d'études chez les animaux de laboratoire. Si les données de résidus ne justifient pas de limiter la consommation de fruits et de légumes, qui sont reconnus pour avoir des effets bénéfiques sur la santé, la prudence s'impose toutefois et des efforts doivent continuer à être faits pour limiter la présence de ces produits dans les aliments.

Si les bilans de résidus de pesticides dans les aliments peuvent sembler relativement bons, il est toutefois difficile de tirer des conclusions fermes en raison de la faible diffusion des données. En ce sens, il est à espérer que les organismes responsables des programmes de surveillance des résidus de pesticides dans les aliments soient plus transparents à l'avenir. Une telle approche de transparence dans la diffusion de l'information est observée dans l'ensemble des pays industrialisés comparables au Canada et tous sont d'avis du bien-fondé de cette approche basée sur la confiance.

Les actions visant à limiter les résidus de pesticides interviennent au niveau de l'établissement des normes et de leur surveillance ou des pratiques agricoles. D'un point de vue normatif, le Canada se compare très bien aux autres pays industrialisés. L'évaluation des pesticides et la détermination des limites maximales de résidus (LMR) sont des processus rigoureux et ils sont faits de façon similaire en Europe, en Australie, aux États-Unis et au Canada. De plus, il y a un effort entre les pays dans le but d'harmoniser leurs normes afin de favoriser les échanges commerciaux. C'est le cas particulièrement pour le Canada et les États-Unis.

En matière de surveillance, les données recueillies au Québec comme au Canada ne permettent pas de faire un portrait global de l'exposition de la population générale, notamment en raison du nombre d'échantillons analysés et de l'absence d'une étude sur l'alimentation totale régulièrement mise à jour. Pour ce qui est du Québec, il apparaît que le programme de surveillance du MAPAQ pourrait être bonifié par une augmentation de l'échantillonnage.

En ce qui concerne les aspects agronomiques, il est important que les programmes d'enseignement fassent une place importante à l'acquisition des connaissances en lien avec la gestion sécuritaire des pesticides. Au Québec, si c'est généralement le cas dans les programmes d'enseignement professionnel et technique, force est de constater que les cours en lien avec cette thématique ne sont pas obligatoires dans les programmes universitaires d'enseignement destinés à la formation des agronomes. Une bonification des programmes de formation/information des intervenants agricoles est donc recommandée. Il est démontré dans la littérature scientifique que l'agriculture biologique et certains outils comme la gestion intégrée des ennemis des cultures ont fait leurs preuves en matière de diminution des résidus de pesticides dans les aliments. Conséquemment, la promotion de ces pratiques ne pourra qu'avoir des effets positifs sur les bilans de résidus de pesticides dans les aliments consommés au Québec. À l'instar de plusieurs pays, le Québec a développé des outils d'aide à la décision intéressants afin de favoriser le choix de pesticides à moindre risque pour répondre à des problématiques phytosanitaires particulières. Des outils comme SAgE pesticides et l'indicateur de risque des pesticides du Québec (IRPeQ) permettraient certainement de limiter la présence des pesticides plus toxiques dans les aliments, mais des efforts doivent être consacrés à l'intégration de ces outils dans les pratiques agricoles courantes. Des actions dans ce sens ont par ailleurs été proposées par le ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi que par l'Institut national de santé publique du Québec lors des travaux de repositionnement de la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture. Au Québec, les services-conseils sont au coeur des pratiques menant à une gestion encore plus rationnelle des pesticides. Comme ces professionnels assurent maintenant en partie un service d'expertise autrefois fournis par le MAPAQ, il apparaît important de soutenir ces groupes.

Même si l'ensemble du milieu agricole québécois mise beaucoup sur la sécurité alimentaire et met en place de nombreuses mesures pour maintenir de grands standards de qualité, des efforts peuvent encore être faits pour maintenir ou, mieux encore, améliorer les bilans de résidus de pesticides dans les aliments.

Auteur(-trice)s
Onil Samuel
B. Sc., expert et conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Louis St-Laurent
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Denise Phaneuf
M. Sc., pharmacienne, Institut national de santé publique du Québec
Stéphane Buteau
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Marie-Hélène Bourgault
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Denis Belleville
Institut national de santé publique du Québec
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-60387-0
ISBN (imprimé)
978-2-550-60386-3
ISSN (électronique)
1919-174X
ISSN (imprimé)
1919-1731
Notice Santécom
Date de publication