Violence conjugale dans la région de la Côte-Nord : ampleur du problème, facteurs explicatifs et pistes d'intervention

En janvier 2010, l'Institut national de santé publique du Québec s'est vu confier le mandat de réaliser une étude sur la violence conjugale sur la Côte-Nord. Cette étude constitue la première phase du « Projet de campagne régionale de prévention et de sensibilisation, en matière de violence conjugale et de violence dans les relations amoureuses des jeunes »1.

La présente étude cherche à mieux connaître les facteurs sur lesquels agir en priorité pour contrer le phénomène de la violence conjugale dans la région nord-côtoise. Plus précisément, l'étude menée s'articule autour des objectifs suivants :

  • Déterminer l'ampleur de la violence conjugale dans la région;
  • Identifier les facteurs pouvant expliquer l'excès de cas de violence conjugale observé sur la Côte-Nord;
  • Identifier des pistes pour le déploiement d'activités de prévention de la violence conjugale adaptées à la réalité de la région.

Méthodologie

Pour atteindre les objectifs énumérés ci-dessus, quatre méthodes complémentaires ont été privilégiées : une analyse approfondie des statistiques officielles de violence conjugale, la recension des facteurs associés à la violence conjugale subie par les femmes, une analyse régionale de ces facteurs comparée au reste du Québec et une validation des résultats par une consultation auprès d'informateurs clés. Les résultats obtenus au terme de cette démarche ont permis de formuler des pistes d'intervention qui tiennent compte de la réalité régionale.

Résultats

Ampleur de la violence conjugale sur la Côte-Nord

Il se dégage des statistiques de la criminalité commise dans un contexte conjugal que le taux régional d'infractions est en progression depuis 2003 et que celui-ci se distingue significativement du taux pour le reste du Québec. Il ressort également que certains secteurs et territoires de la Côte-Nord enregistrent des taux plus élevés d'infractions commises dans un contexte conjugal que dans l'ensemble de la région.

Analyse régionale comparée des facteurs associés à la violence conjugale

À la lumière de la recension des écrits sur les facteurs associés à la violence conjugale subie par les femmes, la réalité de la région au regard des facteurs suivants a été analysée : caractéristiques socioéconomiques (chômage, défavorisation matérielle et sociale, niveau de scolarité), déterminants de la santé (soutien social, consommation d'alcool, perception de la santé, santé mentale) et violence (abus dans l'enfance, délinquance et criminalité violente). L'analyse démontre que la Côte-Nord occupe une place défavorable lorsque sont considérées les caractéristiques socioéconomiques, même si des variations intrarégionales importantes existent. Pour ce qui est des indicateurs en lien avec la santé et les déterminants de celle-ci, la région affiche souvent une tendance moins favorable que l'ensemble de la province. Finalement, l'examen des indicateurs plus directement en lien avec la violence traduit la présence, à différents stades de la vie, de problèmes et de comportements violents dans la région, et ce, depuis déjà quelques années.

L'information colligée auprès d'informateurs clés a permis de préciser certaines particularités de la violence conjugale dans la région. Ainsi, la tolérance à l'égard de la violence et, dans une moindre mesure, la présence de rôles sexuels stéréotypés sont les thèmes qui ont été les plus souvent abordés lors de la consultation. De plus, ces thèmes sont considérés comme étant intimement liés aux conditions économiques de la région. Les informateurs ont également évoqué des barrières à la déclaration et à la prise en charge de la violence conjugale propres aux communautés plus éloignées et aux communautés autochtones.

Pistes d'intervention

Une analyse approfondie de la violence conjugale sur la Côte-Nord a révélé que celle-ci cumulait plusieurs facteurs associés à la violence, tout en mettant en exergue une intensité variable de ces facteurs à travers le territoire. De ce fait, les actions préventives devraient cibler en priorité les secteurs pour lesquels le cumul des facteurs est le plus saillant. De même, l'isolement géographique ou social devrait être considéré dans le déploiement des interventions, notamment en s'attardant à l'accès aux services offerts aux victimes de violence conjugale ou aux conjoints violents. Il est aussi clairement ressorti que la violence conjugale vécue dans les communautés autochtones devait faire l'objet d'une attention particulière.

Au-delà de territoires ou de groupes prioritaires, le portrait de la violence conjugale sur la Côte-Nord a fait ressortir la pertinence de miser sur une prévention précoce tant auprès des enfants que des jeunes, notamment en milieu scolaire, afin de promouvoir des relations amoureuses saines. Parallèlement, des interventions plus ciblées destinées aux enfants et aux jeunes victimes et témoins de violence constituent des avenues prometteuses pour réduire les conséquences de celle-ci à l'âge adulte. Enfin, la poursuite d'activités de sensibilisation pour réduire la tolérance et le recours à la violence apparaît souhaitable.

Conclusion

La Côte-Nord enregistre un taux de violence conjugale plus élevé que le reste de la province et celui-ci est en augmentation depuis 2003. Même si l'étude n'a pas permis d'identifier hors de tout doute les causes de celle-ci, diverses hypothèses ont été soulevées, notamment une vulnérabilité au regard de certains facteurs associés à la violence. En ce sens, les actions préventives mises de l'avant devraient tenir compte de ces hypothèses et des particularités identifiées.


1Celui-ci a été priorisé par la Commission femmes de la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord. Il est financé par le Fonds visant l'atteinte de l'égalité et l'amélioration des conditions de vie des Nord-Côtières, Fonds égalité 2010-2011.

ISBN (électronique)
978-2-550-61676-4
ISBN (imprimé)
978-2-550-61675-7
Notice Santécom
Date de publication