Étude sur la qualité de l'eau potable dans sept bassins versants en surplus de fumier et impacts potentiels sur la santé - Étude de la consommation d'eau chez les nourrissons

Dans le contexte des activités intensives de production animale pratiquées au Québec, la qualité de l'eau potable pourrait être affectée dans certaines municipalités agricoles. Afin d'évaluer le risque associé à la contamination de l'eau par les nitrates pour les nourrissons de moins de 3 mois, les habitudes de consommation d'eau des nourrissons des territoires sous étude ont été évaluées en se concentrant sur l'utilisation des sources souterraines d'eau potable.

Une enquête téléphonique a été réalisée du 26 février au 28 juin 2002 chez les parents de nourrissons âgés d'environ 8 semaines et domiciliés dans des municipalités en surplus de fumier, et dans des municipalités de référence (n'étant pas en surplus), circonscrites dans sept bassins versants : rivières Chaudière, Etchemin et Boyer (situées dans la région de Chaudière-Appalaches), L'Assomption et Bayonne (localisées dans la région de Lanaudière) ainsi que Yamaska et Nicolet (respectivement en Montérégie et dans le Centre-du-Québec). Parmi les parents des nourrissons admissibles, 642 (89,3 %) ont accepté de participer. De ce nombre, 393 parents (61,2 %) ont déclaré que leur nourrisson recevait un apport d'eau, dont 297 étaient domiciliés sur le territoire en surplus de fumier et 96 dans les zones de référence. La mère, le plus souvent, était invitée à participer à un entretien téléphonique qui portait sur la consommation d'eau des nouveau-nés et les habitudes alimentaires. Les répondants devaient préciser les quantités journalières consommées de lait, d'eau et de jus (par biberon), ainsi que les quantités de certains aliments consommés par les nourrissons. Des questions au regard de l'état de santé des nourrissons, de l'utilisation d'eau embouteillée pour la préparation des biberons, de la source d'approvisionnement en eau potable, de l'utilisation d'appareils de traitement d'eau ainsi que des connaissances relatives à la qualité de l'eau du robinet ont été également posées.

Les quantités d'eau bue ont été estimées selon le mode d'alimentation des nourrissons. Parmi les 393 nourrissons qui ont reçu un apport d'eau à l'âge de 8 semaines, 4,6 % étaient nourris principalement avec du lait maternel, 3,1 % recevaient principalement du lait prêt à servir, 21,6 % recevaient à la fois du lait maternel et des préparations lactées reconstituées (allaitement mixte) et 70,7 % recevaient seulement des préparations lactées reconstituées (alimentation artificielle). Cette dernière catégorie de nourrissons, qui consomment le plus d'eau, représentait 72,7 % des nourrissons consommateurs d'eau des territoires en surplus de fumier et 64,6 % pour les témoins. L'eau du robinet était utilisée par 60,1 % des mères des nouveau-nés de cette dernière catégorie, en proportion équivalente pour chaque territoire. De même, la consommation journalière d'eau du robinet, pour le groupe avec une alimentation artificielle, a été évaluée à 682 ± 241 ml soit 126 ± 44 ml/kg, et ce, en quantité équivalente pour chaque territoire de résidence (p = 0,499).

Les analyses, stratifiées pour la source d'approvisionnement en eau potable, suggèrent une utilisation de l'eau du robinet chez les populations desservies par des réseaux publics (63,6 %) plus fréquente que chez celles utilisant un puits privé (54,9 %). Toutefois, on n'obtient aucune différence significative des moyennes de consommation d'eau du robinet entre les enfants consommant l'eau de puits privés et ceux consommant l'eau des réseaux publics. Les moyennes respectives, ajustées pour le mode d'alimentation, étaient de 542 ± 21 ml et 574 ± 24 ml (p = 0,331) soit 103 ± 60 ml/kg et 104 ± 56 ml/kg (p = 0,440).

Par ailleurs, les participants percevaient généralement la qualité générale de l'eau du robinet distribuée à leur domicile comme de bonne à très bonne, mais plus souvent chez les résidents des territoires en surplus (90,2 %) que chez ceux des territoires témoins (83,7 %, p = 0,004). Cette différence était attribuable principalement à la présence de puits plus fréquente en zone de surplus de fumier et à une opinion plus favorable chez les consommateurs d'eau de puits privés (91,7 %) comparativement à ceux qui consomment l'eau des réseaux publics (83,6 %) (p = 0,002). De plus, la perception d'un risque à consommer l'eau du robinet pour la santé des nourrissons était plus fréquente chez les consommateurs d'eau de source publique (28,3 %) que de source privée (17,9 %). Par ailleurs, il apparaît que la fréquence de vérification, au cours de l'année précédant l'enquête, de la qualité de l'eau des puits utilisés pour la consommation par les nourrissons est faible. Cependant, elle est plus importante en zone d'agriculture intensive. Ainsi, au cours de la dernière année, 36,4 % des répondants qui ont un puits privé en zone en surplus de fumier ont effectué une analyse quant à la qualité de l'eau de leur puits comparativement à 21,8 % en zone témoin.

En dépit de la méthode de collecte de données utilisée (entrevue téléphonique) qui peut limiter la justesse des résultats, plusieurs aspects ont contribué à bien évaluer la consommation d'eau chez les nouveau-nés des deux territoires (en surplus ou non de fumier). La collaboration de l'Institut de la statistique du Québec a grandement facilité la sélection des participants localisés dans quatre régions administratives dans les semaines suivant l'accouchement. De plus, les taux de participation (respectivement de 75,2 % et 95,3 % pour les territoires de référence et en surplus de fumier) sont importants.

Cette enquête se veut un outil pour l'évaluation du risque de consommation d'eau du robinet par les nourrissons en zone d'agriculture intensive. Elle a permis d'évaluer les quantités d'eau consommée de source souterraine, par volume et par poids, des nouveau-nés âgés de 8 semaines des sept bassins versants à l'étude. Les valeurs estimées de consommation d'eau sont cohérentes avec celles rapportées dans la littérature tenant compte de l'âge des nourrissons, du poids, du mode d'alimentation et du type de préparation lactée utilisée, en poudre ou en concentré.

Auteur(-trice)s
Patrick Levallois
M. D., M. Sc. FRCPC, médecin spécialiste. Institut national de santé publique du Québec
Suzanne Gingras
Institut national de santé publique du Québec
Denise Phaneuf
M. Sc., pharmacienne, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (imprimé)
2-550-43512-5
Notice Santécom
Date de publication