Étude sur la qualité de l'eau potable dans sept bassins versants en surplus de fumier et impacts potentiels sur la santé - Étude de la consommation d'eau dans la population adulte

L'objet de cette étude concerne la consommation d'eau des résidents des municipalités agricoles du Québec considérées en surplus de fumier par le ministère de l'Environnement du Québec. La qualité de l'eau consommée par la population de ces territoires fait par ailleurs l'objet d'une étude parallèle afin de vérifier si celle-ci n'est pas affectée par la présence d'activités intensives de production animale. Dans ces territoires, les sources d'eau potable sont principalement des puits individuels ainsi que de petits réseaux d'eau privés qui ne sont, pour la plupart, pas assujettis à la réglementation sur l'eau potable. Cette étude a pour objectif d'évaluer les habitudes de consommation des individus domiciliés dans les municipalités en surplus de fumier en comparaison des municipalités de référence, sans surplus de fumier.

Une enquête téléphonique a été réalisée du 4 avril au 14 mai 2002 chez un échantillon de personnes adultes domiciliées dans des municipalités en surplus de fumier et des municipalités de référence, circonscrites dans sept bassins versants : rivières Chaudière, Etchemin et Boyer (situées dans la région de Chaudière-Appalaches), L'Assomption et Bayonne (localisées dans la région de Lanaudière) ainsi que Yamaska et Nicolet (respectivement en Montérégie et dans le Centre-du-Québec). Parmi les résidents admissibles, 8 996 (61,8 %) ont accepté de participer à l'enquête, dont 4 513 domiciliés sur le territoire en surplus de fumier et 4 483 témoins. Un adulte par résidence était sollicité pour réaliser un entretien téléphonique portant sur la consommation personnelle d'eau au cours de la journée précédant l'entrevue. Les répondants devaient préciser le nombre de verres d'eau froide, de boissons froides et chaudes préparées avec de l'eau du domicile ainsi que le nombre total de verres d'eau et de boissons bus hors du domicile. Des questions au regard de la consommation d'eau embouteillée, de la source d'approvisionnement en eau potable, de l'utilisation d'appareils de traitement et de perceptions relatives à la qualité de l'eau du robinet ont également été posées.

Les analyses de consommation d'eau au domicile et hors du domicile ont été effectuées respectivement à partir des données de 8 415 et de 8 095 participants et pondérées selon la structure d'âge et de sexe de la population cible. Au domicile, la consommation d'eau du robinet pour le territoire en surplus de fumier, ajustée pour l'âge, le sexe et le jour de consommation, a été évaluée à 1 235 ml/j, soit 97 ml/j de plus que celle déclarée pour les témoins (1 138 ml/j, p ≤ 0,001). En excluant les valeurs nulles de consommation (personnes ne consommant pas d'eau de robinet), la moyenne s'élève à 1 464 ml/j pour le territoire en surplus de fumier et à 1 411 ml/j pour le territoire témoin, correspondant à une différence de 53 ml/j (p = 0,012). Ces différences de consommation sont attribuables principalement à la source d'alimentation en eau potable qui diffère selon les deux territoires à l'étude.

Les résultats démontrent en effet une consommation d'eau provenant des réseaux et des puits privés plus élevée que celle observée pour l'eau alimentant les réseaux publics, tant chez les témoins que sur le territoire en surplus. Les volumes estimés d'eau consommée pour chaque source d'eau sont toutefois statistiquement équivalents entre ces deux territoires. Puisque les sources privées sont plus fréquentes dans le territoire en surplus de fumier, la consommation d'eau du robinet a été ajustée pour cette variable. Il en résulte un écart plus faible et non significatif entre les deux territoires : 26 ml/j (p = 0,260) pour tous les répondants et 10 ml/j pour les consommateurs (p = 0,654). Les estimations de consommation journalière d'eau pour l'ensemble de la population sont légèrement supérieures à celles rapportées dans la littérature.

Par ailleurs, cette étude offre un bilan positif des perceptions des résidents au regard de la qualité de l'eau du robinet et du risque associé à sa consommation. En effet, plus de 80,0 % des participants qualifient l'eau de plutôt bonne à très bonne et perçoivent le risque pour la santé de peu élevé à nul. L'eau des puits privés est dans l'ensemble mieux perçue que celle distribuée par les réseaux publics et l'eau souterraine non chlorée mieux que l'eau chlorée. Par ailleurs, 43,9 % des résidents de petites municipalités (moins de 2 000 habitants) où se pratique l'épandage de fumier et desservis en eau potable par un réseau public sont d'avis que cette activité est assez ou très dommageable pour la qualité de l'eau du robinet.

Certains aspects méthodologiques ont contribué à bien évaluer la consommation d'eau réelle de la population sous étude. L'estimation de la consommation d'eau entre les deux territoires a été réalisée à partir d'un échantillon de taille considérable, pondérée par la structure d'âge et de sexe de la population sous étude et ajustée pour l'âge, le sexe et le jour de consommation lors de comparaisons entre les variables de stratification. Le nombre de participants permettait, en plus, de recueillir de l'information au regard de la consommation d'eau quant à la source d'approvisionnement au domicile, tant pour l'ensemble de l'échantillon que pour les deux territoires de résidence. De plus, un questionnaire de qualité, déjà validé et utilisé dans d'autres études, a servi à formuler les énoncés relatifs à la consommation d'eau du questionnaire téléphonique.

Cette enquête a permis d'évaluer les volumes d'eau consommés de la population des sept bassins versants à l'étude. Elle tient compte des particularités de cette population et des objectifs propres à cette étude. Ces valeurs de consommation d'eau estimées sont néanmoins proches de celles rapportées dans la littérature. Les principaux résultats de cette enquête seront utilisés pour l'analyse du risque associé à la présence de nitrates dans l'eau potable.

Auteur(-trice)s
Patrick Levallois
M. D., M. Sc. FRCPC, médecin spécialiste. Institut national de santé publique du Québec
Suzanne Gingras
Institut national de santé publique du Québec
Denise Phaneuf
M. Sc., pharmacienne, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (imprimé)
2-550-43511-7
Notice Santécom
Date de publication