Soins palliatifs de fin de vie au Québec : définition et mesure d'indicateurs – Partie 1 : population adulte (20 ans et plus)

Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) a confié à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) le mandat de définir et de mesurer des indicateurs qui permettent de suivre la dispensation des soins palliatifs de fin de vie au Québec chez les adultes et les enfants à partir de grands fichiers populationnels. Le MSSS a également mandaté l'INSPQ pour mener un projet pilote visant l'évaluation des soins palliatifs dispensés à domicile par les CLSC. Ce document présente les résultats de la première partie du mandat seulement, soit les résultats concernant la population adulte. Suivront le rapport concernant la population pédiatrique ainsi que celui concernant le projet pilote sur les soins palliatifs fournis par les CLSC.

Dix indicateurs sur les soins de fin de vie sont proposés dans ce document (voir la liste des indicateurs à la fin du résumé). Ces indicateurs sont robustes et interprétables. Ils peuvent être mesurés à l'échelle du Québec et pour plusieurs sous-groupes de la population. Les indicateurs proposés sont aussi reliés aux grandes orientations de la politique en soins palliatifs de fin de vie du Québec.

La présente analyse porte sur les décès susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie, survenus au Québec entre 1997 et 2001 chez les adultes (20 ans et plus). Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), les décès reliés à des maladies chroniques potentiellement fatales sont toutes susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie. Parmi l'ensemble des décès, ceux qui étaient susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie ont été identifiés sur la base de la cause de décès en utilisant une version adaptée d'un travail québécois récent. Les décès susceptibles de bénéficier de soins palliatifs ont été regroupés selon trois trajectoires de fin de vie. Une première trajectoire se caractérise par un déclin abrupt avec un moment de décès relativement prévisible et concerne essentiellement les cas de cancers; une seconde trajectoire se caractérise par un déclin progressif ponctué d'épisodes aigus avec une mort souvent soudaine et imprévue, tel que rencontré dans les décès par maladies circulatoires et respiratoires chroniques; enfin une troisième trajectoire présente un déclin graduel prolongé qui mène inexorablement vers la mort, ce que l'on retrouve chez les personnes atteintes de démence et de maladies du système nerveux. Les données proviennent du fichier des décès, du fichier des actes de la régie d'assurance maladie du Québec (RAMQ) et des données du fichier du système de maintenance et d'exploitation des données pour l'étude de la clientèle hospitalière (MedÉcho).

Au Québec, entre 1997 et 2001, 264 389 décès de toutes causes sont survenus chez les adultes âgés de 20 ans et plus. Parmi ces décès, 180 436 (69 %) ont été classés comme attribuables à une maladie chronique susceptible de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie. Bien que les personnes atteintes de cancer constituent une partie importante de la clientèle pouvant bénéficier de soins palliatifs de fin de vie (45,8 %), la majorité (54,2 %) est décédée de maladies chroniques fatales autres que le cancer (43,9 % avec une trajectoire de type II et 10,4 % avec une trajectoire de type III).

Beaucoup de personnes en fin de vie souhaitent demeurer à domicile le plus longtemps possible, si elles ont l'assurance d'obtenir des soins adéquats et de ne pas être un fardeau pour l'entourage. Au Québec, entre 1997 et 2001, seulement 8,3 % des adultes susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie sont décédés à domicile (9,7 % pour les personnes décédées de cancer). Ce pourcentage est nettement inférieur à ceux rapportés aux États-unis, et au Royaume-Uni qui sont autour de 25 %.

Chez les adultes susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie, 47,6 % sont décédés lors d'une hospitalisation en soins de courte durée (excluant les décès survenus dans des services de soins palliatifs (8,1 %)). Pour les patients atteints de cancer le pourcentage correspondant est de 49,6 %. Ce dernier pourcentage semble comparable à celui observé en Ontario.

Compte tenu du vieillissement de la population, les établissements qui dispensent des soins de longue durée sont appelés à jouer un rôle grandissant en soins palliatifs. Malheureusement, très peu de données sont maintenant disponibles sur les soins de fin de vie dispensés dans ces types d'environnements. Près de 20 % des décès susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie surviennent dans les établissements de soins de longue durée (centres d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD) et résidences privées conventionnées pour personnes âgées). De plus, un certain pourcentage difficile à estimer mais pouvant aller jusqu'à 8,1 % décède dans les lits de soins de longue durée des établissements de soins généraux ou spécialisés. Pour la population de 80 ans et plus ces pourcentages atteignent 32,0 % et 10,2 % respectivement.

Il est souhaitable que le décès survienne près de chez-soi et, par conséquent, près de son réseau de support social. Dans l'ensemble du Québec, 92,5 % des décès susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie sont survenus dans la région de résidence de la personne concernée (90,8 % pour les individus atteints de cancer). Ce pourcentage varie substantiellement d'une région à l'autre et est généralement plus faible pour les régions avoisinant Montréal et Québec. Par exemple, pour la région de Laval, 63,1 % des résidents meurent dans la région de Laval (57,7 % pour les personnes atteintes de cancer qui résident dans cette région).

Les unités spécifiquement dédiées aux soins palliatifs peuvent aider à diffuser l'approche palliative dans leur milieu et appuyer les équipes traitantes dans l'administration de soins de fin de vie de qualité. Le nombre de lits regroupés et spécifiquement dédiés aux soins palliatifs donne une mesure de la disponibilité de telles unités. En avril 2005, le Québec disposait de 23,8 lits dans des unités spécifiquement dédiées aux soins palliatifs par 500 000 habitants. Ces estimés sont inférieurs aux recommandations du Royaume-Uni (27 à 54 lits pour des soins palliatifs spécialisés / 500 000 de population) et de l'Australie (33,5 lits pour des soins palliatifs spécialisés / 500 000 de population). Le nombre de lits dans des unités spécifiquement dédiés aux soins palliatifs par 500 000 de population varie considérablement à travers le Québec. En Abitibi-Témiscamingue et au Saguenay-Lac-Saint-Jean, 55,1 et 48,7 lits de ce type / 500 000 sont rapportés. Par contre, à Laval et au Bas-Saint-Laurent, ce nombre est de 0 et 7,4 lits / 500 000 respectivement.

Les urgences sont très fréquentées en fin de vie au Québec; 43,3 % des personnes décédées de maladies susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie entre 1997 et 2001 ont eu au moins un contact avec l'urgence dans les deux dernières semaines de vie et 6 % des décès y sont survenus ou y ont été constatés (42,3 % et 3,7 % pour les décès par cancer). Les urgences sont la porte d'entrée pour 78,7 % des hospitalisations menant au décès (85,4 % pour les personnes de 80 ans et plus). Tout plan d'organisation des soins palliatifs de fin de vie doit inclure les soins dispensés dans les urgences.

Dans le dernier mois de vie, 9,5 % des personnes susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie entre 1997 et 2001 ont été hospitalisées deux fois ou plus et 28,4% ont séjourné plus de 14 jours à l'hôpital (12,0 % et 35,6 % pour les décès par cancer). Ces pourcentages élevés ainsi que le faible pourcentage de décès à domicile et le fort pourcentage d'utilisation des urgences indiquent tous le besoin d'améliorer la coordination et la continuité des soins en fin de vie.

Dans le dernier mois de vie, le recours à la ventilation mécanique, à la réanimation, à la salle d'opération, aux soins intensifs devrait être relativement faible lorsque la transition vers une approche de soins palliatifs se fait de façon appropriée. Le recours à ces actes demeure encore assez élevé en fin de vie au Québec (24,7 % pour l'ensemble des personnes pouvant bénéficier de soins palliatifs de fin de vie et 15,6 % pour les décès par cancer). La diffusion de l'approche palliative en fin de vie devrait permettre une réduction du recours à des actes interventionnistes en fin de vie. La disponibilité d'instructions claires quant aux niveaux de soins, incluant la réanimation (ou la non-réanimation), en fin de vie pourrait permettre d'assurer que l'intensité des soins de fin de vie corresponde bien aux souhaits des individus concernés.

L'obtention de soins par des intervenants avec expertise en soins palliatifs dans les établissements de soins généraux ou spécialisés mérite attention compte tenu de la forte proportion des décès qui y surviennent. Le pourcentage des personnes susceptibles de bénéficier de soins palliatifs de fin de vie ayant obtenu de tels soins a augmenté de 14,1 % à 26,5 % entre 1997 et 2001, mais cette expertise semble demeurer presque exclusivement accessible aux personnes atteintes de cancer. Pour les patients avec cancer, ce pourcentage atteint 33,9 % en 1997-2001.

La qualité des indicateurs dépend très étroitement de la qualité des données qui servent à les calculer. À cet égard, la qualité des informations fournies par les intervenants et la qualité du travail que font les archivistes à travers le Québec pour codifier les informations fournies sont cruciales. Tout effort pour assurer et rehausser la qualité des données dans les grands fichiers populationnels du Québec est une contribution pour l'amélioration des soins en permettant une meilleure évaluation de ces soins et une plus grande imputabilité.

Les comparaisons du Québec avec les autres provinces canadiennes et avec d'autres pays peuvent contribuer grandement à situer le Québec par rapport à d'autres systèmes de santé. Elles indiquent le niveau de performance que certains peuvent atteindre et donc que le Québec devrait aspirer à atteindre ou à dépasser. Ces comparaisons, cependant dépendent étroitement de l'adoption d'indicateurs comparables. Pour le moment, malgré la quantité grandissante de données sur les soins palliatifs, les différences importantes dans les indicateurs choisis ou encore dans le calcul des indicateurs constituent un obstacle majeur à ces comparaisons.

L'identification de cibles pour chacun des indicateurs retenus serait souhaitable. La disponibilité de telles cibles permettrait de mieux apprécier la performance du Québec dans le domaine des soins palliatifs en permettant la comparaison de la performance atteinte avec celle souhaitée.

ISBN (électronique)
2-550-46753-1
ISBN (imprimé)
2-550-46752-3
Notice Santécom
Date de publication