La mortalité par traumatismes non intentionnels chez les jeunes québécois de moins de 20 ans : une comparaison internationale

Pour la période 2000-2002, les traumatismes non intentionnels sont responsables de 512 décès chez les jeunes québécois âgés de moins de 20 ans. Ainsi, les traumatismes non intentionnels constituent la première cause de mortalité chez ces jeunes au cours de la période mentionnée. Toutefois, l'importance qu'occupent les traumatismes non intentionnels n'est pas identique pour chacun des groupes d'âge. Tandis que chez les enfants de moins d'un an les traumatismes non intentionnels composent moins de 2 % des décès, cette proportion atteint 43,5 % chez ceux âgés de 15 à 19 ans.

Les traumatismes routiers occupent une place prépondérante parmi les causes de décès traumatiques non intentionnels. Ils représentent près de 75 % de tous les décès par traumatismes non intentionnels survenus au Québec au cours de la période 2000-2002.

Notamment, les décès d'occupants de véhicule à moteur constituent près de 46 % de ces décès traumatiques. Les décès de piétons se retrouvent au second rang, eux qui forment près de 10 % des décès survenus au cours de ladite période. En fait, les décès reliés aux transports sont particulièrement importants, en nombres ou en proportions, et ce, plus particulièrement chez les enfants plus âgés. En effet, chez ceux âgés de 15 à 19 ans, ces décès composent près de 85 % des décès par traumatismes non intentionnels survenus au cours de la période 2000-2002. Pour l'ensemble des décès par traumatismes non intentionnels survenus au cours de la période 2000-2002 dans la population de moins de 20 ans, le Québec obtient un taux de mortalité de 9,63 par 100 000 personnes. Dans l'ensemble, c'est chez les 15 à 19 ans que la situation apparaît la plus problématique. Ceux-ci présentent en effet un taux de mortalité de 21,6 décès par 100 000 personnes. Dans l'ensemble, les garçons présentent un taux de mortalité significativement plus élevé que celui des jeunes femmes québécoises (13,04 décès par 100 000 personnes chez les garçons contre 6,03 chez les jeunes femmes).

C'est au chapitre des décès par accidents de transport que les jeunes québécois enregistrent les taux de mortalité les plus élevés. De fait, les taux de mortalité sont respectivement de 2,82 et de 4,39 décès par 100 000 personnes chez les enfants âgés de 5 à 9 ans et ceux âgés de 10 à 14 ans, alors que le taux enregistré pour ceux âgés de 15 à 19 ans atteint 18,32 décès par 100 000 personnes. Cette situation est encore plus problématique lorsque l'on examine uniquement les garçons. Ainsi, les jeunes garçons québécois présentent un taux de mortalité de 3,68 décès par 100 000 personnes chez les 5 à 9 ans et 5,77 décès par 100 000 personnes chez ceux âgés de 10 à 14 ans. Enfin, chez les garçons de 15-19 ans, le taux est de 25,23 décès par 100 000 personnes. Chez les jeunes femmes, les taux de mortalité se situent à 1,92 décès par 100 000 personnes chez les 5 à 9 ans, 2,95 chez les 10 à 14 ans et finalement 11,00 décès par 100 000 personnes chez celles âgées de 15 à 19 ans.

Cette situation est en grande partie attribuable aux mauvais résultats observés chez les piétons et les cyclistes âgés de 5 à 9 ans et 10 à 14 ans, alors que les taux de mortalité se situent aux alentours de 1 décès par 100 000 personnes, à l'instar du taux observé chez les occupants de véhicule à moteur. En outre, 65,8 % des décès survenus chez les piétons et les cyclistes impliquaient un enfant âgé de 5 à 14 ans. Pour les enfants âgés de 15 à 19 ans, se sont les décès chez les occupants de véhicule à moteur qui apparaissent problématiques (14,1 décès par 100 000 personnes), bien que le taux de mortalité chez les piétons soit similaire à ceux des deux groupes d'âge déjà mentionnés (1 décès par 100 000 personnes). Enfin, parmi les 235 québécois dont le décès a été codifié comme occupants de véhicule à moteur, 198 étaient âgés de 15 à 19 ans, c'est-à-dire plus de quatre décès sur cinq (84 %).

Mentionnons également que chez les enfants âgés de 1 à 4 ans, les noyades et submersions ont occasionné presque autant de décès que l'ensemble des accidents de transport. Ainsi, le taux de mortalité lié aux noyades et submersions chez les enfants âgés de 1 à 4 ans est de 1,7 décès par 100 000 personnes, alors que ce taux est de 2,2 décès par 100 000 personnes pour l'ensemble des accidents de transport.

Sur le territoire québécois, les taux de mortalité par traumatismes non intentionnels dans la population âgée de moins de 20 ans ne se distribuent pas de manière uniforme. Nos résultats démontrent que les régions urbaines affichent les taux de mortalité pour traumatismes non intentionnels les plus bas, certains étant significativement différents du taux observé pour l'ensemble du Québec (9,6) : Montréal-Centre (3,3) et Montérégie (9,1). Inversement, nous retrouvons les taux les plus élevés parmi les régions rurales. Les écarts les plus significatifs sont les suivants : Chaudière-Appalaches (20,5), Bas–Saint-Laurent (18,0), Mauricie et Centre-du-Québec (16,4), Côte-Nord (12,2), Abitibi-Témiscamingue (12,8) et le Saguenay– Lac-Saint-Jean (12,6).

Par ailleurs, une partie importante (48,1 %) des décès traumatiques survenus au Québec au cours de la période 2000-2002 implique des résidents de petites villes et de petits villages dont la population n'excède pas 10 000 habitants, alors que la proportion de la population québécoise âgée de 19 ans et moins vivant dans ces régions n'est que de 22,5 %. Inversement, la région métropolitaine de recensement de Montréal récolte 21,3 % de l'ensemble des décès imputables à un traumatisme non intentionnel, alors que la proportion de la population qui réside dans cette région est de 47 %. Dans la mesure où l'on compare les taux ajustés de mortalité, les différences observées apparaissent encore plus nettement. En fait, chez les individus âgés de moins de 20 ans qui habitent des communautés de moins de 10 000 individus, le taux de mortalité est de 20,8 décès par 100 000 personnes. À l'inverse, les jeunes qui habitent la région métropolitaine de recensement de Montréal présentent un taux de mortalité de 4,5 par tranche de 100 000 personnes. En somme, il apparaît clairement que le risque de décéder à la suite d'un traumatisme varie selon le milieu de résidence et que la mortalité par traumatismes non intentionnels s'accroît systématiquement au fur et à mesure que l'on s'éloigne des centres urbains plus populeux.

La mortalité par traumatismes non intentionnels dans la population québécoise varie également en fonction de la défavorisation matérielle et sociale. En utilisant l'approche écologique préconisée par Hamel et Pampalon (2002) pour analyser les disparités de mortalité, nous observons que les taux de mortalité des personnes qui appartiennent aux deux quintiles les plus défavorisés au plan matériel se situent à 12,9 décès par 100 000 personnes, tandis que pour le quintile le plus favorisé, ce taux est de 6,0 décès par tranche de 100 000 personnes. Le rapport entre le quintile le plus pauvre et le quintile le plus élevé est de 2,18. En contrepartie, la défavorisation sociale n'a pas le même effet. Ainsi, le taux de mortalité observé pour le quintile le plus défavorisé (6,4 par 100 000) est même inférieur au quintile le plus favorisé (9,9 par 100 000).

Sur l'échiquier des principaux pays industrialisés, la situation québécoise est comparable à la plupart des communautés membres de l'OCDE qui sont retenues ici. Le taux du Québec est inférieur à celui de l'Australie, de la France et des États-Unis. Toutefois, il est supérieur à celui de la Suède, des Pays-Bas et du Royaume-Uni.

Ainsi, pour la période 2000-2002, le Québec se range parmi les nations affichant les taux de mortalité les plus faibles au chapitre de la mortalité par chutes accidentelles, de même que chez les motocyclistes. Il faut souligner que ces causes sont celles où le Québec a enregistré le moins de décès au cours de la période 2000-2002. Au chapitre des décès chez les piétons âgés de 15 à 19 ans, le Québec fait également bonne figure, se classant au 5e rang des pays retenus. De même, chez les jeunes âgés de 15 à 19 ans, le Québec détient le second rang en ce qui a trait aux décès chez les motocyclistes.

Toutefois, pour certaines causes, les taux observés sur le territoire québécois sont parmi les plus élevés des pays industrialisés retenus dans la présente comparaison. Pour l'ensemble des décès dans les transports, le Québec obtient le 11e rang sur 15 (le dernier rang revient au pays qui obtient le plus haut taux de mortalité). Pour ce type de décès, la situation du Québec chez les jeunes âgés de 5 à 9 ans (14e rang), à l'instar de ceux âgés de 10 à 14 ans (15e rang), apparaît plutôt médiocre à la lumière des comparaisons effectuées. En effet, le Québec présente une situation défavorable pour la mortalité chez les cyclistes (14e rang) et chez les occupants de véhicule à moteur (13e rang). Plus spécifiquement, le Québec obtient une 13e position pour les décès chez les piétons âgés de 5 à 9 ans, ainsi que chez les piétons de 10 à 14 ans. Enfin, le Québec décroche le dernier rang (15e) pour ce qui est de la mortalité chez les occupants de véhicule à moteur âgés de 15 à 19 ans. La situation du Québec apparaît également comme mauvaise au sujet des décès liés aux véhicules hors route (VHR). En effet, le Québec occupe le dernier rang (15e) chez les 10-14 ans, les 15-19 ans et l'ensemble des moins de 20 ans. Cette problématique semble spécifiquement nord-américaine, puisque près de 97 % des décès liés aux VHR se sont produits soit aux États-Unis, au Canada ou au Québec. Il faut par ailleurs souligner que, lorsque l'on examine l'ensemble des traumatismes non intentionnels, la situation québécoise chez les 10 à 14 ans apparaît préoccupante en comparaison aux autres pays retenus. Pour ce groupe d'âge, le Québec obtient en effet un 14e rang.

En résumé, il faut noter que la situation québécoise est particulièrement mauvaise pour les catégories de décès associées aux transports. Par surcroît, les décès liés aux accidents de transport constituent la principale catégorie de décès chez les individus âgés de moins de 20 ans au Québec (74,4 %). Or, de nombreuses recherches ont permis de mieux comprendre les divers facteurs liés aux accidents dans les transports (OMS 2004). À l'échelle internationale, des interventions ont été mises en place dans le but de réduire l'exposition aux risques, de prévenir les collisions ou d'atténuer la gravité et les conséquences des blessures dans le cas contraire. Ces mesures ont permis de faire baisser le nombre de décès et de blessés graves sur les routes de nombreux pays, tels les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou encore la Suède avec sa stratégie «nbsp;Vision zéronbsp;» (OMS 2004).

Plusieurs facteurs peuvent expliquer et aider à comprendre les raisons pour lesquelles les jeunes subissent des traumatismes mortels. Ces facteurs peuvent être liés à l'environnement spatial ou social, mais aussi à diverses caractéristiques associées aux individus. De la naissance à l'âge de 19 ans, les taux de mortalité par traumatismes et les types de traumatismes subis trahissent les changements développementaux des individus, leur «nbsp;exposition au risquenbsp;» et leurs habiletés à gérer les risques de blessures. Ensuite, les jeunes hommes présentent un risque accru de décès par traumatismes, généré par des différences de comportements et de perception du risque. En ce qui a trait aux variations internationales observées, nous posons l'hypothèse que ces écarts seraient engendrés d'une part, par des inégalités en fonction du milieu socio-économique, la mortalité des individus provenant de milieux défavorisés étant presque invariablement plus importante, et d'autre part, par certaines caractéristiques environnementales pouvant contribuer à accroître les risques de décès, ce qui se traduit dans la réalité par des taux de mortalité plus élevés dans les milieux moins densément peuplés. Ces résultats doivent cependant être nuancés, puisque certaines variations peuvent également être imputées à une combinaison de facteurs engendrée par la définition de l'indicateur retenu, l'enregistrement des causes de décès et la classification plus ou moins précises de ces causes.

Auteur(-trice)s
Mathieu Gagné
M. Sc., Agent de recherche, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (électronique)
2-550-47955-6
ISBN (imprimé)
2-550-47954-8
Notice Santécom
Date de publication