Enquête sur la couverture vaccinale des enfants québécois en 2006

L'immunisation est reconnue comme une des mesures les plus efficaces pour prévenir la mortalité, la morbidité et les complications des maladies infectieuses chez les enfants. Toutefois, les succès dans ce domaine ne sont jamais acquis et il faut sans cesse exercer une vigilance à cet égard sans quoi les risques de résurgence de ces maladies évitables sont bien réels. C'est pourquoi il est essentiel de monitorer la couverture vaccinale de manière continue. La couverture vaccinale indique la proportion de la population visée ayant reçu les doses requises d'un vaccin contre une maladie évitable. Elle est un indicateur important de la santé des populations et reflète bien le degré de susceptibilité à l'égard des maladies évitables par la vaccination. À l'échelle de la province, l'unique enquête de couverture vaccinale remonte à plus de 30 ans. Elle a été réalisée en 1975 auprès des enfants âgés de 3 ans.

Depuis, plusieurs enquêtes ont été réalisées régionalement. L'étude menée ici est une étude descriptive transversale réalisée auprès d'un échantillon d'enfants sélectionnés à partir du fichier des personnes assurées (FIPA) de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). Elle a été réalisée d'avril à juin 2006 auprès de deux cohortes de 600 enfants chacune. Les enfants de la cohorte 1 an étaient âgés entre 14 à 17 mois et ceux de deux ans entre 24 à 27 mois au 1er avril. La collecte de données a été réalisée à l'aide d'un questionnaire postal auto-administré qui reproduisait les pages du carnet de vaccination. Les parents devaient le compléter et le retourner par courrier. Les parents non-répondants ont reçu une première relance postale suivie d'une relance téléphonique.

Les principaux objectifs de l'enquête étaient d'estimer la couverture vaccinale de base des enfants québécois à l'âge de 15 et 24 mois, d'estimer la couverture vaccinale contre l'influenza à l'automne-hiver 2005 des enfants des deux cohortes ainsi que celle de leurs contacts familiaux. L'étude visait également à évaluer les retards vaccinaux, l'impact de l'introduction du vaccin influenza et pneumocoque conjugué sur le respect du calendrier de vaccination et l'impact des occasions manquées de vaccination et de certains facteurs sociodémographiques sur la couverture vaccinale.

Les taux de réponse ont été de 73 % (433/590) et 71 % (411/582) respectivement dans la cohorte un et deux ans. Un total de 189 questionnaires ont fait l'objet d'une validation auprès des vaccinateurs à la suite de l'autorisation obtenue des parents. Les proportions des participants à l'enquête selon la région sont similaires à celles de l'échantillon initial pour les deux cohortes et se comparent aux données sur les naissances au Québec en termes d'âge et de scolarité de la mère et du rang de naissance. Une forte majorité des enfants de l'étude sont nés au Québec et près de la moitié sont le premier enfant dans la famille. Selon la cohorte, 57 % et 50 % des enfants ont reçu tous leurs vaccins en centres de santé et de services sociaux (CSSS).

Les résultats de couverture vaccinale montrent que 87,8 % des enfants de la cohorte un an ont reçu tous les vaccins recommandés de la première année de vie (incluant ceux de 12 mois). Ce pourcentage diminue à 75 % si on exclut les vaccins reçus après 14 mois, soit 13 % de moins. Chez les enfants de deux ans, la couverture vaccinale est de 85 % et de 80 % à 24 mois précisément. Cet écart illustre bien les retards au calendrier de vaccination. Les enfants rattrapent ce retard au cours de la première et deuxième année de vie, mais la protection n'est pas optimale pendant plusieurs mois qui peuvent s'avérer être critiques. La proportion d'enfants n'ayant reçu aucun vaccin est faible : elle est de 1,2 % dans la cohorte un an et de 2,7 % dans la cohorte deux ans.

La couverture vaccinale spécifique à chaque antigène révèle que plus de 96 % des enfants d'un an ont reçu 3 doses d'un vaccin contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite et l'Haemophilus influenza type b. Environ 95 % des enfants ont reçu un vaccin contre la rougeole, la rubéole, les oreillons (RRO) et le méningocoque conjugué. Cette cohorte était la première à être visée par le programme gratuit contre le pneumocoque et près de 90 % ont reçu au moins 3 doses dès la première année du programme. Dans la cohorte deux ans, ce sont 90 % des enfants qui ont reçu 4 doses de DCaT-P-Hib et 96 % qui en auraient reçu 3 doses. Une proportion élevée de 95 % des enfants ont reçu 1 dose de vaccin contre la rougeole, mais seulement 87 % ont reçu les 2 doses requises au calendrier. Avec une dose de vaccins de plus, 94 % des enfants d'un an seraient complètement immunisés contre 10 maladies. Chez les enfants de deux ans, une dose de plus élèverait cette proportion à 87 % et à 95 % avec 3 doses de plus pour les protéger contre 9 maladies. La plupart de ces vaccins pourraient être administrés au cours d'une même visite.

Environ le tiers des enfants des deux cohortes ont reçu 2 doses du vaccin contre l'influenza à l'automne-hiver 2005-06. Les contacts domiciliaires de ces enfants sont vaccinés dans des proportions très similaires quel que soit leur âge, < 18 ans ou ≥ 18 ans, soit environ le tiers.

Dans l'étude, l'âge au premier vaccin DCaT-P-Hib ≥ 3 mois ou ≥ 2 mois et 2 semaines est associé à une moins bonne couverture vaccinale (RC = 3,7; IC95 % : 1,6-8,5 à un an et 2,7; IC95 % : 1,4-5,3 à deux ans). Les occasions manquées ont été évaluées selon que les vaccins prévus à une même visite ont été administrés ensemble ou séparément. On constate qu'une proportion élevée de vaccins sont donnés séparément. Dans la cohorte un an, 16 % et 39 % des enfants reçoivent leurs vaccins séparément à 2 mois et 12 mois. Dans la cohorte deux ans, ce sont 25 % et 18 % des enfants qui ne reçoivent pas leurs vaccins à la même occasion, soit à la visite de 12 mois et 18 mois. L'administration simultanée de ces vaccins est associée significativement à une couverture vaccinale plus élevée, et ce dans les deux cohortes à l'étude (RC = 3,6; IC95 % : 2,0-7,0 dans la cohorte un an et RC = 2,4; IC95 % : 1,3-4,5 dans la cohorte deux ans).

À l'instar de plusieurs études, notre enquête révèle également que les facteurs socioéconomiques et démographiques tels que le rang de l'enfant dans la famille (2e et plus), la monoparentalité et l'indice de défavorisation matérielle (5e quintile) sont tous associés à une moins bonne couverture vaccinale.

Au regard de l'âge auquel les vaccins sont recommandés, les résultats montrent que respectivement 92 % et 94 % des enfants de la cohorte un an et deux ans reçoivent la première dose de DCaT-P-Hib dans le mois qui suit l'âge recommandé de 2 mois. Seulement 55 % et 69 % le reçoivent dans un délai d'une semaine. Les délais augmentent avec la série vaccinale et les retards à 2 mois s'accumulent à la 2e dose et la 3e dose. On note également une situation moins favorable dans la cohorte un an en comparaison avec celle de deux ans. Cette cohorte était visée par l'introduction du pneumocoque dans le calendrier régulier. Pour la première dose de RRO dans les cohortes de un an et de deux ans, la vaccination survient dans le treizième mois de vie dans 74 % et 60 % du temps respectivement. La raison principale évoquée par les parents des deux cohortes pour l'administration tardive du premier vaccin prévu au calendrier est le délai trop long pour obtenir un rendez-vous (49 % et 44 % respectivement).

Dans notre enquête, la probabilité d'être incomplètement vacciné est associée significativement aux retards vaccinaux et à la non-administration simultanée de tous les vaccins requis au cours d'une même visite. Il faut donc viser le respect de ces paramètres du programme de vaccination. Des études doivent être réalisées pour mieux comprendre les modes d'organisation favorisant une meilleure couverture vaccinale et le respect du calendrier. Des actions devraient être entreprises pour augmenter l'accessibilité aux services de vaccination en vue de rejoindre les clientèles plus vulnérables, réduire les fausses contre-indications, appuyer l'importance des injections multiples tant auprès des vaccinateurs qu'auprès des parents et encourager l'utilisation des calendriers accélérés lorsqu'un retard est inévitable. Un système de rappel et de relance, à des moments stratégiques, permettrait également d'améliorer la conformité au calendrier de vaccination.

Cette enquête devrait être répétée minimalement aux deux ans. En effet, tant que le registre de vaccination prévu par la Loi sur la santé publique n'est pas en place et complètement opérationnel, il faudra compter sur ce type de méthodologie d'enquête pour monitorer l'impact de nos programmes de vaccination, particulièrement l'introduction des nouveaux vaccins et l'efficacité de nos interventions.

Finalement, la formation des vaccinateurs est au coeur de la réussite des programmes d'immunisation. L'augmentation du nombre de vaccins à administrer, la complexité des calendriers d'immunisation, les réticences des infirmières, des médecins et des parents face aux injections multiples illustrent bien l'importance grandissante de mettre à jour et d'améliorer les compétences des intervenants dans ce domaine. C'est le défi à relever au cours des prochaines années si on veut que les nouveaux vaccins aient le succès attendu.

ISBN (électronique)
978-2-550-50653-9
ISBN (imprimé)
978-2-550-50652-2
Notice Santécom
Date de publication