Soins palliatifs de fin de vie au Québec : définition et mesure d'indicateurs - Partie 2 : population pédiatrique (moins de 20 ans)

En 2003, la Direction de la lutte contre le cancer du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) a mandaté l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour définir et mesurer des indicateurs qui permettent de suivre la dispensation des soins palliatifs de fin de vie chez les adultes et les enfants du Québec, à partir des grands fichiers populationnels. Les résultats concernant la population adulte ont été publiés en 2006 et le présent rapport décrit les résultats du volet pédiatrique de ce mandat (population de moins de 20 ans).

Les huit indicateurs retenus sont fortement inspirés de ceux que l'on retrouve dans le rapport portant sur la population adulte et concernent principalement le dernier mois de vie. Les indicateurs ciblent les lieux de décès, l'utilisation de l'urgence, les actes interventionnistes ainsi que les séjours hospitaliers en fin de vie. Les données relatives aux causes de décès et aux caractéristiques sociodémographiques ont été tirées du Fichier des décès du Québec (FDQ). Les données concernant les soins de fin de vie ont été tirées du fichier des actes facturés à la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) ainsi que du fichier du système de maintenance et d'exploitation des données pour l'étude de la clientèle hospitalière (Med-Écho). Les indicateurs peuvent ainsi être mesurés pour l'ensemble du Québec et pour différents sous-groupes de la population. La présente analyse porte plus particulièrement sur la population d'enfants décédés de conditions chroniques complexes (CCC). Ces conditions ont été identifiées par Feudtner et al. (1). Elles sont classées selon les catégories suivantes : les tumeurs malignes, les maladies de l'appareil cardiovasculaire, du système neuromusculaire, de l'appareil respiratoire, du système digestif, de l'appareil urinaire, du système hématologique ou immunologique, du métabolisme et les autres anomalies congénitales ou génétiques non incluses dans les autres groupes. Les conditions des systèmes digestif, urinaire, hématologique ou immunologique ainsi que de l'appareil respiratoire ont été regroupées en une seule catégorie «nbsp;autres systèmesnbsp;» en raison des petits nombres d'enfants appartenant à chacune de ces catégories. Au Québec, entre 1997 et 2001 inclusivement, il y a eu 4 199 décès de toutes causes chez les enfants âgés de 0 à 19 ans. Parmi eux, 1 126 décès (26,8 %) ont été attribués à des CCC. Près de la moitié des décès dus à des CCC, soit 540 (48,0 %) d'entre eux, ont eu lieu au cours des six premiers mois de vie. Le numéro d'assurance maladie (NAM) est cependant souvent absent pour les enfants décédés au cours de cette période et le NAM est essentiel pour le jumelage des fichiers administratifs. Tous les décès qui ont eu lieu au cours des premiers 180 jours de vie ont dû être exclus lors du calcul des indicateurs puisque les données sont incomplètes pour ce groupe d'âge. Parmi la population âgée de 6 mois ou plus au moment du décès, 9 ont été exclus en raison de l'absence de NAM. La population finale étudiée inclut donc 577 enfants décédés de CCC entre l'âge de 6 mois et 19 ans. Afin de permettre l'utilisation des bases de données administratives pour étudier les soins offerts au cours des premiers six mois de vie, il serait important d'attribuer un NAM dès la naissance.

Le pourcentage de décès à domicile constitue un premier indicateur. On considère qu'il est préférable, pour plusieurs enfants atteints de CCC, de pouvoir décéder à domicile, entourés de leurs proches. Au Québec, entre 1997 et 2001, pour les enfants décédés de CCC entre l'âge de 6 mois et 19 ans, 16,8 % de ces décès ont eu lieu à domicile, 79,7 % à l'hôpital et 3,5 % ailleurs. Les enfants décédés de tumeurs malignes décèdent plus souvent à domicile que ceux décédés d'autres CCC avec 27,6 % de décès à domicile. Même si le décès n'a pas lieu à domicile, on considère qu'il serait préférable qu'il ait lieu le plus près possible de la résidence, idéalement dans la même région, si tel est le choix des enfants et des parents. Le pourcentage de décès ayant lieu dans la région de résidence est de 67,3 %. Les enfants dont le domicile se trouve dans une région qui comporte au moins un centre hospitalier pédiatrique universitaire, soit Montréal, la Capitale-Nationale et l'Estrie, décèdent en plus grandes proportions dans leur région de résidence (97,7 %, 97,5 % et 89,3 % respectivement).

L'utilisation de l'urgence en fin de vie constitue un autre indicateur. L'urgence est un lieu où il est difficile de prodiguer des soins palliatifs de fin de vie. Les urgences sont régulièrement bondées, les professionnels qui y travaillent sont fréquemment surchargés et, ont souvent peu de formation en soins palliatifs pédiatriques. L'urgence a d'abord été analysée en tant que lieu de décès et les analyses révèlent que 12,3 % des enfants ont eu un décès ou un constat de décès à l'urgence. Ce pourcentage est de 4,2 % pour les enfants décédés de tumeurs malignes et il s'élève à 25,3 % pour les enfants décédés de conditions de l'appareil cardiovasculaire. Les contacts avec l'urgence au cours du dernier mois de vie ont également été étudiés. Près du tiers des enfants (soit 31,5 %) ont eu au moins une admission à l'hôpital par l'urgence au cours du dernier mois de vie. Par conséquent, près de la moitié, soit 48,5 %, a eu au moins un contact avec l'urgence (incluant les visites, les décès et les admissions à l'hôpital) au cours du dernier mois de vie. Un plan d'intervention en soins palliatifs devrait prévoir l'accès à des services hospitaliers directement, sans que les enfants aient à passer par l'urgence. Cependant, les visites et les décès aux urgences ne pourront être tous évités. Il y a donc lieu d'inclure les urgences dans la planification des soins de fin de vie en pédiatrie afin d'assurer des soins de qualité aux enfants et aux membres de leur famille.

Plusieurs études se sont penchées sur l'intensité des interventions prodiguées aux enfants en fin de vie. Certains actes dits interventionnistes, tels que la ventilation mécanique, la réanimation, les chirurgies ainsi que les séjours aux soins intensifs, ne devraient pas être utilisés ou prolongés si le fardeau engendré par ces interventions est plus grand que les bénéfices qu'elles apportent. Dans la présente analyse, 44,7 % des enfants décédés de CCC ont été exposés à au moins un acte interventionniste au cours du dernier mois de vie. Le pourcentage était plus important chez les enfants décédés de conditions du système cardiovasculaire où 78,8 % d'entre eux ont eu au moins un acte interventionniste au cours du dernier mois de vie. Chez les enfants décédés des suites d'une tumeur maligne, 28,7 % ont reçu au moins un acte interventionniste en fin de vie. Que ce soit pour les visites à l'urgence ou les actes interventionnistes, on note des différences dans les soins de fin de vie selon la cause de décès. L'état de santé des enfants atteints de CCC évolue selon différentes trajectoires. Pour la plupart des enfants atteints de tumeurs malignes, le déclin de l'état de santé sera graduel. Lorsque les traitements ne sont pas ou peu efficaces, une transition vers les soins palliatifs peut devenir plus évidente. Certaines conditions, telles que la paralysie cérébrale sévère accompagnée d'infections répétitives, ne sont pas progressives, mais entraînent une susceptibilité accrue à certaines complications graves. Le déclin n'est pas nécessairement progressif et le décès peut survenir de manière inattendue. Les soins reçus par un enfant en fin de vie sont donc liés à la trajectoire de la maladie.

Finalement, le nombre et la durée des hospitalisations au cours du dernier mois de vie ont été mesurés. Devoir passer plusieurs jours à l'hôpital ou subir de multiples hospitalisations dans le dernier mois de vie est susceptible de perturber le quotidien de l'enfant et de sa famille et d'entraîner un éloignement du réseau social (2, 3). Au cours du dernier mois de vie, 32,4 % ont eu plus de 14 jours d'hospitalisation et 19,8 % ont eu au moins 2 hospitalisations.

Les ressources utilisées en fin de vie ne font pas partie des indicateurs, mais il a semblé intéressant de s'interroger sur le nombre de médecins différents impliqués dans le suivi de l'enfant ainsi que sur les différentes spécialités de ces médecins. Au cours du dernier mois de vie, les enfants ont reçu, en moyenne, des soins de près de 9 médecins différents. Ce nombre n'inclut pas les soins prodigués par les autres professionnels tels que les infirmiers, les psychologues, les travailleurs sociaux et les autres professionnels susceptibles de suivre ces enfants. Le nombre de professionnels différents impliqués dans le suivi des enfants suggère que la continuité et la coordination des soins pour les enfants atteints de CCC sont susceptibles de poser des défis de taille.

Les grands fichiers populationnels permettent d'obtenir de l'information diversifiée sur les soins rendus en fin de vie, et ce, pour toute la province du Québec. Afin d'étudier les soins de fin de vie chez les bébés de moins de 6 mois, il faudra améliorer l'exhaustivité de ces fichiers ou envisager des méthodes alternatives de cueillette de données telles que l'utilisation des dossiers médicaux.

Il importe de mentionner que toutes les questions concernant les dimensions psychologique, sociale et spirituelle ainsi que plusieurs questions relevant de la dimension physique ne sont pas abordées dans le présent rapport puisque ces informations sont absentes dans les grands fichiers populationnels. De plus, les indicateurs proposés visent spécifiquement la fin de vie chez les enfants avec CCC et non les autres causes de décès. Ils ne couvrent pas non plus les soins dispensés plus tôt dans l'évolution de ces conditions ou au moment du deuil. D'autres études seront nécessaires pour couvrir ces différents aspects des soins palliatifs pédiatriques. Finalement, tout indicateur devrait être en lien avec les objectifs de soins visés. La diffusion du document «nbsp;Normes en matière de soins palliatifs pédiatriquesnbsp;»(4) récemment publié au Québec, permettra de clarifier les objectifs à atteindre. Les liens entre les indicateurs proposés dans le présent rapport et ces objectifs pourront alors être précisés et d'autres indicateurs directement liés avec ces objectifs pourront être développés.

ISBN (électronique)
978-2-550-55305-2
ISBN (imprimé)
978-2-550-55304-5
Notice Santécom
Date de publication