Ampleur des comportements suicidaires au Québec

Taux de suicide au Québec

Au Québec, le taux ajusté de suicide en 2013 est de 13,3 décès par 100 000 personnes-années (figure 1), ce qui place le Québec au troisième rang des provinces ayant les taux les plus élevés [13]. Ce taux se situe au-dessus de la moyenne mondiale (11,4 décès par 100 000 personnes-années) et de la moyenne observée dans les pays à revenu élevé (12,7 décès par 100 000 personnes-années) [1]. Chez les hommes seulement, le taux de 20,2 observé au Québec est supérieur au taux mondial (15,0 décès par 100 000 personnes-années) [1] et un peu au-dessus du taux observé dans les pays à revenu élevé (19,9 décès par 100 000 personnes-années) [1]. À l’opposé, le taux de suicide de 6,7 décès par 100 000 personnes-années observé chez les femmes au Québec est plus faible que celui de la moyenne mondiale (8,0 décès par 100 000 personnes-années) et légèrement plus élevé que ce qui est observé dans les pays à revenu élevé (5,7 décès par 100 000 personnes-années). Le taux de suicide des hommes au Québec est 3,4 fois plus élevé que celui des femmes, ce qui est comparable au rapport hommes-femmes des pays à revenu élevé, mais au-dessus de ce même rapport à l’échelle mondiale (1,9) [1].

Figure 1 - Taux ajusté* de mortalité par suicide selon le sexe, ensemble du Québec, 1981 à 2014**

 

*Taux ajusté selon la structure par âge, sexes réunis, de la population du Québec en 2001.
Moyennes mobiles calculées sur des périodes de trois ans.
**Données provisoires pour les années 2013 et 2014.
Sources : MSSS, Fichier des décès de 1981 à 2012, et Bureau du coroner du Québec pour 2013 et 2014.
MSSS, Perspectives démographiques basées sur le recensement de 2006.

Évolution

Entre 2002 et 2012, le taux de suicide standardisé à l’échelle mondiale a diminué de 26 % (23 % chez les hommes et 32 % chez les femmes), mais avec des différences importantes entre les pays. Il est à noter qu’un tiers des pays a observé une augmentation de plus de 10 % du taux de suicide pendant ces dix années [1]. Au Canada, le taux de suicide est resté relativement stable durant ces dix ans, avec un taux standardisé des deux sexes combinés de 11,3 : 19,3 pour les hommes et 5,4 pour les femmes en 2012 [14]. Cependant, au Québec, le taux de mortalité par suicide a subi une modification de trajectoire : après des augmentations annuelles moyennes importantes au cours des années 70 et 90, ce taux a diminué chaque année de 4,1 % après 1999 et pendant les dix années suivantes pour les hommes, et de 2,6 % par année pour les femmes, avec une diminution moyenne pour les deux sexes de 3,2 % par année [13]. On a observé ces diminutions pour tous les groupes d’âge et presque toutes les régions sociosanitaires du Québec, mais de manière plus importante chez les adolescents, qui ont vu leur taux de suicide diminuer en moyenne de 9,5 % par année. Les baisses des taux de suicide au Québec ont commencé une année après l’adoption et le début de la mise en œuvre de la Stratégie québécoise d’action face au suicide [2]. Malheureusement, les données provisoires les plus récentes semblent indiquer une stabilisation du taux de suicide au Québec pour la période de 2011 à 2014.

Groupes d’âge les plus touchés

Au Québec, les personnes âgées de 35 à 64 ans présentent le taux le plus élevé, alors que les jeunes (15 à 19 ans) ont le taux le plus bas (figure 2). Enfin, il y a très peu de décès par suicide chez les enfants de 14 ans et moins. Cette situation est en contraste avec celle d’avant 1999 En effet, le taux de suicide des aînés a diminué depuis 1999, mais à un rythme beaucoup plus lent que celui des adolescents, de sorte que ce sont ces derniers qui, aujourd’hui, présentent les plus bas taux de suicide (si on exclut le groupe des 14 ans et moins), et non les aînés comme ce qui était observé avant 1999. Par ailleurs, le faible taux de suicide des aînés au Québec se distingue de la situation observée au niveau mondial, puisque ailleurs dans le monde, les aînés ont souvent le taux de suicide le plus élevé parmi tous les groupes d’âge. Selon l’OMS, « les taux de suicide les plus élevés sont enregistrés chez les personnes de 70 ans et plus, tous sexes confondus, dans quasiment toutes les régions du monde, à quelques exceptions près, où les taux de suicide les plus élevés enregistrés sont chez les jeunes » [1].

Figure 2 - Taux de suicide selon le groupe d’âge et le sexe, ensemble du Québec, 2012-2014*

 

*Données provisoires pour les années 2013 et 2014.
**Coefficient de variation supérieur à 33 %, la valeur présentée est à titre indicatif.
Sources : MSSS, Fichier des décès de 2012, et Bureau du coroner du Québec pour 2013 et 2014.
MSSS, Perspectives démographiques basées sur le recensement de 2006.

Répartition du suicide au Québec selon les régions ou les communautés

Trois régions sociosanitaires présentent des taux de suicide significativement plus élevés que dans l’ensemble du Québec : Abitibi-Témiscamingue, Mauricie et Centre-du-Québec, ainsi que Chaudière-Appalaches. Les régions de Montréal et de la Montérégie ont actuellement un taux significativement plus faible que pour le reste du Québec. Le portrait actuel des régions ayant un taux plus haut ou plus bas que la moyenne diffère de celui des années 70 et 80, alors que le plus haut taux de suicide au Québec était à Montréal, et que les taux étaient nettement plus faibles dans les régions éloignées.

En général, au Québec, les régions avec une forte proportion d’anglophones affichent des taux de suicide moins élevés que les régions avec une forte proportion de francophones [15]. Cependant, l’origine ethnique ou linguistique des personnes décédées n’est pas indiquée dans les dossiers des coroners au Québec et ailleurs au Canada.

Plusieurs recherches ont par contre clairement démontré que les taux de suicide sont beaucoup plus élevés chez les Autochtones que dans le reste de la population. Bien qu’il y ait d’énormes variations dans l’ensemble des collectivités, des bandes et des nations, le taux de suicide global dans les collectivités de Premières Nations est deux fois plus élevé que dans la population canadienne en général; chez les Inuits, il est encore plus élevé – de 6 à 11 fois supérieur à celui de la population générale [16,17]. Au surplus, les taux de suicide chez ces populations sont généralement en augmentation. Dans les communautés inuites du Canada, les taux de suicide sont en moyenne neuf fois plus élevés que dans le reste du pays [18]. Au Nunavik, le taux de suicide était de 113,5 par 100 000 habitants par année pour la période de 2009-2013. Dans l’ensemble des régions autochtones, ce sont les jeunes âgés de 15 à 29 ans qui ont les plus hauts taux de suicide [19]. Dans les communautés inuites, chez les 15 à 29 ans, les taux sont presque 40 fois plus élevés que dans le reste du Canada [18].

Les tentatives de suicide

Selon l’OMS, il y a au moins vingt tentatives de suicide pour chaque décès par suicide [1]. Il existe deux méthodes principales utilisées pour déterminer les taux de tentatives de suicide : l’autodéclaration des comportements suicidaires selon des enquêtes effectuées auprès d’un échantillon de la population, et les données provenant des établissements de la santé qui traitent les personnes ayant fait une tentative de suicide. Selon l’Enquête québécoise sur la santé de la population 2014-2015 [20], 0,4 % de la population québécoise de 15 ans et plus (0,3 % des hommes et 0,5 % des femmes) rapporte avoir fait une tentative de suicide au cours des 12 derniers mois. Cette enquête rapporte que 2,8 % de la population (2,6 % des hommes et 3,0 % des femmes) a pensé sérieusement au suicide au cours des 12 derniers mois. Ces taux se comparent aux données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale, réalisée en 2012 [14], qui rapporte que 3,9 % (3,5 % des hommes et 4,3 % des femmes) au Québec ont pensé au suicide au cours des 12 derniers mois. Le pourcentage de personnes ayant pensé au suicide en 2012 est comparable au taux en 2002 de 3,8 % [21].

Étant donné qu’il n’existe pas de registre national des tentatives de suicide, il est difficile de tirer des conclusions sur les tentatives de suicide à partir du nombre de personnes traitées par les services médicaux selon les données d’hospitalisation. Généralement, le type de blessure est indiqué dans les dossiers médicaux (ex. : empoisonnement, lacération), mais sans indication sur les causes de la blessure. S’il est clair que le nombre de tentatives est beaucoup plus élevé que celui des décès par suicide, plus de recherches et une meilleure standardisation de codification des données par les médecins et les établissements sont nécessaires pour déterminer avec précision les taux de tentatives de suicide au Québec et au Canada.