Les populations autochtones au Québec

Au Canada, « Autochtone » est un terme légal utilisé pour définir les premiers peuples et leurs descendants. La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît trois groupes distincts, soit les Premières Nations (avec ou sans statut), les Inuit et les Métis. Au Québec, étant donné qu’aucun groupe métis n’a été légalement reconnu, l’emploi du terme « Autochtone » renvoie généralement aux dix Premières Nations1 et au peuple inuit.

Selon les résultats de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011 et de l’Enquête auprès des peuples autochtones (EAPA) de 2012, la population ayant déclaré une identité autochtone2 au Canada était de 1 409 100, ce qui représentait 4,3 % de la population canadienne [11]. Au Québec, 141 915 personnes avaient déclaré une identité autochtone lors de ces mêmes enquêtes, soit 1,8 % de la population québécoise [12]. De ce nombre, 82 425 personnes ont déclaré appartenir à une Première Nation, 40 955 ont déclaré une identité métis, alors que 12 570 personnes ont déclaré une identité inuit [12]3.

Comme ailleurs au Canada, la population autochtone au Québec est jeune. Par exemple, les résultats de l’Enquête régionale sur la santé des Premières Nations du Québec indiquent que l’âge médian des Premières Nations du Québec, pour l’année 2008, était de 28 ans [16]. Au Nunavik, les résultats de l’enquête de santé de 2004 montrent que 40 % de la population est âgée de moins de 15 ans [17].

La majorité des Autochtones au Québec réside dans l’une des 55 communautés autochtones réparties sur le territoire de la province [18] (voir l’encadré La « communauté autochtone »). Cela dit, de plus en plus d’Autochtones vivent maintenant à l’extérieur de leur communauté d’origine, soit parce qu’ils sont nés en milieu urbain ou parce qu’ils s’y sont installés. Au Québec, le phénomène de mobilité vers les villes est en nette augmentation [19]. Plusieurs villes de la province, dont Montréal, Val-d’Or et La Tuque, présentent des populations autochtones importantes.

La « communauté autochtone »

Au Québec, le terme « communauté autochtone » est couramment employé pour désigner un lieu habité par un groupe de personnes vivant sur une parcelle de territoire et qui se reconnaît une appartenance familiale, culturelle et historique. Se distinguant les unes des autres à différents égards, les communautés autochtones ont en commun d’avoir été établies au cours de vagues de sédentarisation et d’avoir été, pour la plupart, légalement instituées par les autorités gouvernementales canadiennes.

Trois statuts définissent les communautés dans la province : la réserve, l’établissement indien et la municipalité. Instaurée par la Loi sur les Indiens4, la réserve est une parcelle de terre fédérale réservée à l’usage d’une bande. Elle est administrée par un conseil élu pouvant adopter des résolutions pour contrôler l’usage du territoire dévolu [20]. Les réserves sont exclusivement de compétence fédérale. L’établissement indien se distingue de la réserve par le fait que la parcelle de terre qu’il occupe est considérée sans statut fédéral et demeure de juridiction provinciale [20]. De leur côté, les communautés inuit, cries et naskapis se sont vu octroyer le statut de municipalité relevant du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire lors de la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) et de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ)5. Elles sont couramment désignées comme les « communautés conventionnées ». À l’opposé, les communautés des Premières Nations situées sur des territoires qui n’ont pas fait l’objet d’une convention sont désignées comme les « communautés non conventionnées ».

Le positionnement géographique et l’organisation politique et administrative des communautés ont une influence indéniable sur le développement socioéconomique et sociosanitaire des populations autochtones. En effet, les communautés n’ont pas accès de manière égale aux ressources économiques, politiques, éducatives et de santé qui leur permettraient d’accroître leur autonomie et de combler les inégalités qui les distinguent de la population non autochtone. Les programmes gouvernementaux sont majoritairement établis pour les résidents des communautés. Ce faisant, les personnes qui quittent leur communauté d’origine n’ont généralement plus accès à un éventail de services qui leur étaient devenus familiers. Cette situation s’applique particulièrement aux Premières Nations qui laissent derrière elles des services de santé, d’éducation ou de logement social financés par le fédéral et administrés par les conseils de bande locaux, et qui doivent alors se familiariser aux services offerts et administrés par les instances provinciales6 [25].

Au-delà de ces considérations, la communauté est régulièrement décrite comme un lieu où se tissent les liens sociaux et où s’enracinent les attaches familiales. Elle est un espace où s’affirme l’identité et se transmet la culture.

La mobilité des populations autochtones vers les villes semble s’expliquer par la volonté d’améliorer ses conditions de vie et ses perspectives d’avenir, surtout chez les jeunes (Girard et collaborateurs, 2007, cité dans Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador [26]). En effet, selon plusieurs enquêtes auprès des populations autochtones urbaines au Canada et au Québec, la grande majorité des Autochtones qui s’établissent en ville le font principalement pour le travail ou pour poursuivre leurs études. Sont également évoquées, mais dans une plus faible mesure, les mauvaises conditions de logement, ou le besoin de fuir une situation difficile dans leur communauté [19,27]. Enfin, certains mentionnent également le fait d’être « resté coincé en ville » à la suite d’un séjour en milieu de soins ou en prison [28], à un manque de ressources financières pour retourner dans la communauté, ou par crainte de ne plus s’y sentir à l’aise ou bienvenu.

  1. Soit les Abénaquis, les Algonquins, les Atikamekw, les Cris, les Hurons-Wendats, les Innus, les Malécites, les Mi’gmaq, les Mohawks et les Naskapis.
  2. La catégorie « identité autochtone » utilisée par Statistique Canada comprend les personnes qui s’auto-identifient comme suit : « Il s’agit des personnes qui sont Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord), Métis ou Inuk (Inuit), et/ou les personnes qui sont des Indiens inscrits ou des traités (aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada), et/ou les personnes membres d’une Première Nation ou bande indienne » [10]. Ce faisant, une personne peut s’identifier à un groupe nonobstant l’inscription à un registre ou la reconnaissance légale de ce groupe.
  3. Dans ce chapitre, le recours aux données administratives de différentes enquêtes nationales sert surtout à montrer des tendances nationales ou provinciales. Dans la littérature, plusieurs lacunes dans la qualité et la pertinence des données statistiques nationales spécifiques à la population autochtone ont été identifiées, comme le manque d’indicateurs spécifiques aux Autochtones, la faible considération du leadership et de la participation des Autochtones dans le développement de ces indicateurs, ainsi que dans la collecte, la gestion, l’analyse et l’utilisation des données qui les concernent. La qualité des données est également affectée par la non-participation de groupes autochtones et le sous-dénombrement de populations, dont les populations urbaines et itinérantes. Ces lacunes contribuent de façon systématique à une sous-estimation importante des inégalités sociales et de santé entre les Autochtones et les non-Autochtones au Canada. Elles constituent également un obstacle important à l’implantation et à l’évaluation des interventions fondées sur des données probantes. Le lecteur désirant en savoir davantage est invité à consulter les articles auxquels Smylie a collaboré [13–15].
  4. La Loi sur les Indiens est un cadre législatif qui définit les obligations du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations de plein droit (Indiens inscrits) sur la gestion de la gouvernance, de la fiscalité, du territoire et des ressources, de l’appartenance, de la culture, etc. Pour être reconnus au sens de cette loi, les individus doivent répondre à certains critères et être inscrits au Registre des Indiens tenu par les Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC).
  5. Ces deux ententes conclues respectivement en 1975 et 1978 constituent un cadre qui définit les droits et les responsabilités sur les ressources et les territoires.
  6. Au Canada, les Autochtones relèvent principalement de la compétence et de la responsabilité du gouvernement fédéral. Toutefois, « les lois provinciales d’application générale s’appliquent dans les communautés autochtones (Premières Nations et Inuit) dans la mesure où elles n’interfèrent pas avec une loi fédérale » [21]. De plus, une variété de dispositions législatives et politiques impliquent directement les gouvernements provinciaux dans la prestation de services aux Autochtones [22–24]. Par exemple, le gouvernement du Québec finance les services provinciaux qui sont offerts au Nunavik, en Eeyou Istchee et à Kawawachikamach, comme stipulé dans la CBJNQ et la CNEQ. Certaines lois adoptées par l’Assemblée nationale, comme la Loi sur la protection de la jeunesse, sont également en application dans les communautés des Premières Nations situées dans les territoires non conventionnés. Dans ce cas précis, la loi est appliquée lorsque la sécurité ou le développement d’un enfant sont compromis ou à risque.