Veille scientifique Saine alimentation et mode de vie actif, volume 9, numéro 2, juin 2021

Les articles présentés dans cette veille spéciale axée sur la COVID-19 ont été choisis pour leur pertinence en regard de la problématique des environnements favorables à la saine alimentation et au mode de vie physiquement actif. Il importe de préciser que les connaissances transmises dans les résumés sélectionnés ne correspondent pas forcément à des recommandations ni à une prise de position de l’INSPQ au regard des politiques ou des programmes à développer en réponse à la pandémie de la COVID-19. Toutefois, elles fournissent des pistes de réflexion qui peuvent s’avérer utiles aux acteurs de santé publique.

Mode de vie physiquement actif

L’activité physique est associée à moins de dépression et d’anxiété pendant la pandémie de COVID-19

Contexte

La pandémie de COVID-19 dure depuis plus d’un an et les mesures strictes de distanciation physique ainsi que les interdictions de se rassembler, tout comme le stress associé au contexte d’une pandémie, ont un impact considérable sur la santé mentale et le bien-être. L’activité physique est de plus en plus reconnue comme un élément favorisant la santé mentale positive et aussi comme un moyen de prévention de l’occurrence de troubles mentaux courants.

Objectif

Cette revue systématique rapide tentait de dresser un portrait global de la littérature et des associations entre l’activité physique et la dépression et l’anxiété pendant la pandémie de COVID‑19.

Ce qu’on y apprend

Au total, 21 études observationnelles regroupant 42 293 sujets âgés de 6 à 70 ans et issues de cinq continents furent examinées.

De façon générale, les sujets ayant rapporté un temps plus élevé d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse avaient de 12 à 32 % moins de probabilité de présenter des symptômes de dépression et de 15 à 34 % moins de probabilité de présenter de l’anxiété.

Les preuves recueillies suggèrent que les facteurs contribuant à la santé mentale dans la pratique d’activité physique sont le volume, la fréquence et la régularité. Sans s’avancer à une prescription spécifique d’une « dose » d’activité physique à atteindre, les auteurs affirment que plus est toujours mieux, mais qu’il importe surtout d’avoir une certaine stabilité dans nos routines d’activité physique.

Conséquemment, les auteurs suggèrent que la promotion de routines et d’habitudes d’activité physique pourrait s’avérer une méthode efficace et rentable afin de pallier la détérioration de la santé mentale observée pendant la pandémie.

Pour y parvenir, les auteurs proposent de mettre à contribution les technologies numériques afin d’augmenter et de maintenir la motivation tout en respectant les différentes restrictions encore en vigueur dans certains pays.

Wolf, S., Seiffer, B., Zeibig, J.-M., Welkerling, J., Brokmeier, L., Atrott, B., Ehring, T., & Schuch, F. B. (2021). Is Physical Activity Associated with Less Depression and Anxiety During the COVID-19 Pandemic? A Rapid Systematic Review. Sports Medicine.

Environnement bâti

Des stratégies préventives sur l’environnement bâti et en transport peuvent mitiger l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la santé dans une perspective d’équité

Contexte

La pandémie de COVID-19 a amené plusieurs juridictions dans le monde à recommander des mesures sanitaires pour freiner sa propagation. Ces mesures comprennent entre autres la limitation du nombre de contacts entre les personnes et la distanciation physique. Les mesures ont permis de réduire la propagation du virus.

Objectif

L’objectif de cette revue est de documenter les effets des mesures sanitaires et des stratégies d’interventions sur l’environnement bâti et en transport afin d’atténuer les impacts de la COVID‑19 sur la santé et ses déterminants.

Méthode

Cette étude est basée sur une analyse des données de la première vague d’une étude longitudinale conduite en ligne au Royaume-Uni (HEalth BEhaviour during the COVID-19 pandemic). Un total de 2 994 adultes britanniques (N pondéré = 2 792) a été recruté sur Internet et a rempli le questionnaire entre le 30 avril et le 14 juin 2020.
En plus de leurs caractéristiques sociodémographiques (âge, genre, éducation, revenu du ménage, ethnicité, occupation professionnelle, état civil, présence d’enfant dans le ménage), les répondants ont fourni de l’information par rapport à leur usage de produits de vapotage ou de produits du tabac, leur degré de dépendance à la nicotine, leur état de santé, ainsi que les changements d’usage de produits de vapotage et le degré de motivation à renoncer au vapotage depuis le début de la pandémie. Une question visait par ailleurs à déterminer si le participant avait reçu un diagnostic de COVID-19 ou suspectait avoir été atteint de l’infection depuis le début de la pandémie.
En plus des analyses bivariées et multivariées effectuées, les chercheurs ont bonifié l’interprétation des résultats en déterminant la taille des effets observés lorsque les résultats obtenus n’étaient pas statistiquement significatifs (facteurs de Bayes). Les données ont été pondérées pour être représentatives de la population britannique.

Ce qu’on y apprend

Outre la réduction de la propagation du virus, les mesures sanitaires ont :

  • réduit la mobilité, ce qui a mené à une réduction de la pollution atmosphérique, du bruit environnemental et des traumatismes routiers, mais aussi une diminution du transport actif;
  • restreint l’accès à des espaces publics, ce qui a entraîné une diminution de la pratique d’activité physique, eu des impacts négatifs sur la santé mentale, l’isolement, la violence conjugale et provoqué des pertes d’emplois;
  • touché plus particulièrement les populations les plus vulnérables, c’est-à-dire les personnes à faible revenu, les personnes aînées et les travailleurs essentiels.

Plusieurs stratégies préventives qui ont le potentiel d’atténuer les impacts négatifs de la COVID‑19 et des mesures sanitaires, de conserver des acquis et de ne pas exacerber les inégalités sociales sont proposées. Voici celles touchant l’activité physique et les transports actifs :

  • Avoir recours à l’urbanisme tactique, qui vise à créer des solutions temporaires d’aménagement par la mise en place d’actions rapides;
  • Repartager l’espace sur la chaussée pour faire davantage de place aux piétons et aux cyclistes;
  • Favoriser l’accès aux parcs, espaces verts et espaces publics;
  • Ajuster la signalisation et les limites de vitesse sur le réseau routier en faveur des usagers plus vulnérables (piétons et cyclistes);
  • Favoriser le développement des transports collectifs;
  • Concentrer les déplacements motorisés (incluant le transport de marchandises) sur quelques artères;
  • Favoriser un accès aux commerces jugés prioritaires.

À court terme, l’urbanisme et l’aménagement du territoire sont des outils à utiliser afin d’atténuer la propagation du virus. À plus long terme, ils peuvent être utilisés pour conserver certains acquis et favoriser le développement d’environnements bâtis plus équitables. Ce sont autant d’éléments à prendre en considération, au Québec, dans le contexte du développement d’une stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement du territoire.

Rojas-Rueda, D., et E. Morales-Zamora (2021). « Built Environment, Transport, and COVID-19: a Review », Current Environmental Health Reports.

Poids santé

Le confinement est associé à des gains, mais aussi à des pertes de poids

Contexte

La détérioration de plusieurs habitudes de vie en temps de pandémie fait craindre à plusieurs professionnels de santé un gain de poids néfaste pour la santé des individus et de la population.

Objectif

Cette revue systématique d’études internationales étudie l’impact du confinement durant la pandémie sur le poids des enfants et des adultes et identifie des facteurs contribuant aux changements de poids observés.

Ce qu’on y apprend

Durant le confinement, sur une période de uune à vingt-quatre semaines selon les études, des personnes ont pris du poids alors que d’autres en ont plutôt perdu. La notion de confinement n’a pas été définie par les auteurs, mais la liste des pays étudiés suggère dans certains cas des confinements plus stricts que celui vécu par les Québécois. De 7 à 72 % des participants des 41 études analysées ont pris du poids. Les gains de poids oscillaient entre 0,6 et 3 kg. Aussi, selon les études, entre 11 et 32 % des participants ont perdu du poids (intervalle de perte de poids entre 2 et 2,9 kg).

Un nombre important de facteurs contribuant au gain de poids durant le confinement ont été identifiés. Les déterminants les plus fréquemment mentionnés dans les études originales étaient le surpoids avant la pandémie, le stress, l’anxiété et la dépression, la détérioration de la qualité de l’alimentation, la diminution de l’activité physique et l’augmentation du temps devant les écrans. Certains facteurs environnementaux ont également été rapportés, mais par un plus faible nombre d’études : vivre en milieu urbain, faibles niveaux de scolarité et socioéconomiques.

Le poids insuffisant avant la pandémie, le jeune âge, manger plus de fruits et légumes ainsi que la pratique d’activité physique régulière figuraient parmi les déterminants d’une perte de poids durant le confinement.

Les résultats de la revue systématique laissent à penser que les personnes déjà obèses sont devenues plus obèses et que celles qui avaient déjà un poids insuffisant se sont amaigries, deux changements néfastes pour la santé de ces individus.

Ainsi, à l’échelle internationale, une proportion significative d’individus a gagné du poids. Bien qu’au Québec nous n’ayons pas connu de confinement complet, comme cela a été le cas dans d’autres pays, il est probable que l’augmentation du stress, la détérioration de la santé mentale, la baisse d’activité physique et la détérioration de l’alimentation observée dans divers sondages aient aussi entraîné des gains de poids.

Khan, M. A., Menon, P., Govender, R., Samra, A., Nauman, J., Ostlundh, L., Mustafa, H., Allaham, K. K., Smith, J. E. M., & Al Kaabi, J. M. (2021). Systematic review of the effects of pandemic confinements on body weight and their determinants. The British Journal of Nutrition, 1‑74.

Insécurité alimentaire

Les programmes de coupons alimentaires peuvent être bonifiés et assortis d’autres mesures pour réduire l’insécurité alimentaire en période de crise économique ou sanitaire

Contexte

La pandémie de COVID-19 a accentué l’insécurité alimentaire chez les personnes déjà prédisposées comme les personnes à faible revenu, issues de communautés ethniques et autochtones ou souffrant de problèmes de santé mentale et physique. Plusieurs personnes qui ont perdu leur emploi pendant la crise se sont également retrouvées dans cette situation. Les banques alimentaires ont rapporté une augmentation significative de la demande d’aide et une difficulté à fournir l’aide demandée. Ceci témoigne de la fragilité du système alimentaire et de la précarité de l’accès aux aliments pour les personnes en situation d’insécurité alimentaire.

Objectif

Cette recherche d’envergure fournit des pistes d’action à ceux qui doivent prendre des décisions stratégiques, éclairées et efficaces pour pallier les problèmes d’accès physique et économique aux aliments.

Ce qu’on y apprend

L’étude suggère d’abord de miser sur l’amélioration et la pérennité des programmes de coupons (appelés SNAP aux États-Unis) destinés aux personnes en situation d’insécurité alimentaire, en raison de leur implantation rapide. Les programmes de coupons permettent à la population dans le besoin de s’approvisionner à un faible coût en aliments dans le réseau de distribution régulier. Si les programmes de coupons se sont avérés efficaces pour diminuer l’insécurité, les preuves montrent cependant que les montants offerts ne sont pas suffisants pour de nombreux bénéficiaires en raison du prix des aliments. Les auteurs indiquent que l’efficacité des programmes de coupons repose sur la prise en compte de la variabilité des prix en période de crise et de l’indexation des montants offerts en fonction du coût de la vie.

L’étude propose ensuite d’examiner des stratégies alternatives aux programmes des coupons pour fournir de la nourriture aux personnes et aux communautés les plus à risque d’insécurité alimentaire. Les collectifs d’agriculteurs locaux, les jardins communautaires, les points de dépôt et la livraison gratuite pour accroître l’accès physique et économique aux aliments sont des stratégies alternatives à prioriser.

La mise en œuvre de ces approches alternatives nécessite toutefois un financement considérable, une infrastructure élargie et un changement d’attitude quant à la meilleure façon d’aborder l’insécurité alimentaire, laquelle perdure dans le temps et s’est exacerbée pendant la pandémie.

Fitzpatrick, K. M., Harris, C., Drawve, G., Willis, D.E. (2020). >Assessing food insecurity among US adults during the COVID-19 pandemic, Journal of Hunger & Environmental Nutrition. 16(1), 1-18.

Système alimentaire

Le rétablissement post-COVID-19 est l’occasion de reconstruire pour le mieux les systèmes alimentaires

Contexte

Au Québec comme ailleurs dans le monde, la pandémie a généré des changements sociaux économiques et sur les systèmes alimentaires qui peuvent avoir augmenté le risque de gain de poids chez les adultes et les enfants, notamment en raison d’une diminution de l’accès aux aliments sains et de l’utilisation de la nourriture comme réconfort. Certaines grandes chaînes ont profité de la pandémie pour augmenter leur publicité.
Chez les Québécois, le stress économique lié à la pandémie a augmenté l’insécurité alimentaire.

Objectif

Cet article d’opinion propose un ensemble de mesures pour prévenir simultanément le gain de poids et l’insécurité alimentaire.

Ce qu’on y apprend

Selon les auteures, le rétablissement post-COVID-19 constitue une fenêtre d’opportunité afin d’améliorer différents volets des environnements et des systèmes alimentaires, et ce, avec une approche holistique.
Différentes interventions sont proposées :

  • Mettre en place des incitatifs et des subventions afin de rendre les aliments sains plus abordables pour les ménages à faible revenu (p. ex. récompenser ou offrir des coupons alimentaires pour l’achat d’aliments sains);
  • Dans les politiques alimentaires des écoles, miser davantage sur un approvisionnement en aliments sains auprès de producteurs locaux, ainsi que sur le développement des connaissances et des compétences en lien avec la saine alimentation (p. ex. intégration de la thématique dans l’ensemble du programme scolaire, jardins scolaires). L’offre alimentaire autour des écoles devrait également être davantage réglementée;
  • Stimuler l’économie en soutenant financièrement l’entrepreneuriat agroalimentaire, les fermes familiales et les coopératives alimentaires, afin de favoriser la production et la distribution d’aliments sains;
  • Restreindre le marketing des aliments malsains pour inciter les compagnies à améliorer la qualité de leur offre;
  • Implanter une taxe sur les boissons sucrées pour générer des revenus pouvant être réinvestis dans diverses interventions en alimentation.

Il importe de mettre en place des mesures pour mitiger les impacts de la pandémie de COVID‑19 sur l’alimentation et l’insécurité alimentaire. La sortie de la crise représente une occasion d’améliorer notre environnement et notre système alimentaires.

Hawkes, C. et Squires, C. G. (2021). A double-duty food systems stimulus package to build back better nutrition from COVID-19. Nature Food, 2(4), 212‑214.


Rédacteurs

Amélie Bergeron
Gabrielle Durette
Stéphanie Lessard
Étienne Pigeon
Éric Robitaille

Équipe Saine alimentation et mode de vie actif
Unité Habitudes de vie/Municipalités en santé
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Cette veille a été réalisée grâce à la participation financière du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS).