L’obésité au Québec : ralentissement de l’augmentation, mais inégalités socio-économiques

L’obésité au Québec : ralentissement de l’augmentation, mais inégalités socio-économiques

Définition

Au niveau populationnel l’obésité se mesure avec l’indice de masse corporelle (IMC). L’IMC correspond au poids de la personne (en kilogrammes) divisé par sa taille (en mètres) au carré. Une personne ayant un IMC égal ou supérieur à 30 est considérée comme obèse (Santé Canada, 2003).

À titre d’exemple, un homme de 178 cm (5’10’’) est considéré obèse s’il pèse plus de 95 kg (210 lb) et une femme de 165 cm (5’5’’) si elle pèse plus de 81 kg (180 lb). Toutefois, il est reconnu que l’obésité est sous-estimée, car sa mesure est fondée sur de l’information autorapportée (poids et taille).

L’obésité est une problématique récente dans l’histoire de la santé des populations. Le surplus de poids a longtemps été considéré comme un signe d’abondance et de santé dans un contexte de pauvreté et de famine. Durant les 19e et 20e siècles, le développement technologique lié à l’agriculture a permis une meilleure distribution de la nourriture. Puis l’obésité s’est installée peu à peu dans les dernières décennies avec la sédentarisation graduelle du mode de vie et le changement des habitudes alimentaires (Eknoyan, 2006).

L’obésité a été reconnue par l’Organisation mondiale de la santé comme un problème de santé publique mondial en raison de sa progression alarmante (OMS, 2003). En effet, l’obésité est un facteur de risque majeur pour certaines maladies chroniques dont le diabète type 2, les maladies cardio-vasculaires et certains cancers, pour les troubles musculo-squelettiques et la mortalité prématurée (OMS, 2015). Au-delà la morbidité et la mortalité, l’obésité est associée à une stigmatisation sociale dont les conséquences peuvent amplifier la faible estime de soi et l’exclusion sociale (Bray et Bouchard, 2014; OMS, 2014).

Évolution de l’obésité au Québec

Au Québec, la prévalence de l’obésité a doublé depuis 25 ans (Lamontagne et coll., 2012). En 2013-2014, elle atteint un niveau record de 18% chez les adultes (figure 1). Même si la progression a ralenti depuis quelques années, la proportion de Québécois obèses devrait continuer d’augmenter et atteindra 21 % d’ici 2030 selon les projections les plus optimistes et 26 % selon les projections plus alarmistes (non illustré, Lo et coll., 2014). Chez les jeunes âgés de 12 à 17 ans, après une période de stabilité, l’obésité a augmenté significativement entre 2009-2010 et 2013-2014 pour atteindre 6 %.

1 / 5
Proportion des adultes obèses
au Québec en 2013-2014

L’obésité sévère
augmente plus rapidement
que l’obésité modérée.

 

L’obésité peut se détailler en trois sous-catégories selon le niveau de risque de développer un problème de santé : l’obésité classe I (IMC 30-34,9) correspond à un risque élevé, la classe II (IMC 35-39,9) à un risque très élevé et la classe III (IMC ≥40) à un risque extrêmement élevé (Santé Canada, 2003). En 2013-2014, plus des deux tiers des adultes obèses se situaient dans la classe I, mais l’augmentation a été plus prononcée parmi ceux des classes II et III entre 2003 et 2013-2014 (non illustré).

 

Sources des données : ESCC-fichier maîtres 2003, 2005, 2007-08, 2009-10, 2011-12 et  2013-14.
† Coefficient de variation entre 16,6  % et 33,3 % (donnée à interpréter avec prudence).
* Valeur significativement différente de la valeur pour 2003.
** Valeur significativement différente de la valeur pour 2009-2010.

Portrait actuel de l’obésité au Québec

Au Québec, l’obésité varie selon plusieurs facteurs, dont le sexe, l’âge, la région, le milieu de vie, la scolarité, l’insécurité alimentaire et la défavorisation matérielle. Selon les données de 2013-2014 (tableau 2), l’obésité est plus élevée chez les hommes. Les données selon l’âge montrent que la prévalence augmente jusqu’à l’âge de 65 ans, puis diminue par la suite.

L’obésité est plus fréquente chez les
populations vulnérables.

L’obésité touche plus fortement les hommes, les adultes d’âge moyen et les personnes défavorisées.

 

L’obésité varie également selon les régions avec une prévalence plus faible en Estrie et à Montréal et plus élevée en Outaouais, sur la Côte-Nord et dans le Nord-du-Québec. On observe, par ailleurs, une prévalence d’obésité plus élevée parmi les populations plus vulnérables, soit les adultes peu scolarisés, ceux qui vivent l’insécurité alimentaire, ceux résidant en milieu rural, et chez les moins bien favorisés matériellement.

 

Tableau 2: L’obésité selon les facteurs socio-économiques au Québec, 2013-2014

Sexe %
Hommes 20,0
Femmes 16,3
Milieu de vie %
Rural 21,1
Urbain 17,4
Région sociosanitaire %
Estrie 14,8*
Montréal 14,8*
Saguenay-Lac-Saint-Jean 15,5
Capitale-Nationale 16,0
Montérégie 19,9
Bas St-Laurent 20,1
Laval 20,7
Mauricie et  Centre-du-Québec 19,7
Chaudière-Appalaches 18,7
Laurentides 20,4
Lanaudière 20,7
Abitibi-Témiscamingue 20,3
Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine 22,0
Outaouais 21,9*
Côte-Nord 22,6*
Nord-du-Québec 22,8*
Groupe d'âge %
18-19 ans 5,9E
20-24 ans 10,8
25-34 ans 17,2
35-49 ans 19,6
50-64 ans 20,4
65-79 ans 19,9
80 ans et plus 13,7
Scolarité %
Secondaire non complété 22,4
Secondaire seulement 18,5
Post-secondaire partiel 19,5
Post-secondaire et plus 16,8
Insécurité alimentaire1 %
Insécurité alimentaire 23,5
Sécurité alimentaire 16,5
Défavorisation matérielle2 %
Q1 favorisés 13,9
Q2 17,1
Q3 18,8
Q4 20,5
Q5 défavorisés 20,3

Source des données : Statistique Canada ESCC 2013-2014 fichier maître. Analyses : INSPQ 2015.
1 La source des données pour l’analyse de l’obésité et l’insécurité alimentaire est le fichier maître de l’ESCC 2011-2012.
2 La défavorisation matérielle est un indice fondé notamment sur l’emploi et le revenu
* Valeur statistiquement différente de la moyenne québécoise (excluant la région concernée).
Notez que les régions de l’Estrie et de la Montérégie sont délimitées selon l’ancien découpage.

En conclusion

L’obésité au Québec se positionne à la fois favorablement, lorsque comparée aux valeurs enregistrées en Amérique du Nord, et défavorablement, lorsque mise en parallèle avec des pays similaires de l’OCDE (Santéscope, 2016). Des progrès sont donc possibles, d’autant plus qu’il a été démontré que l’obésité est attribuable à un effet épidémiologique plutôt que démographique, c’est-à-dire que l’augmentation de l’obésité est potentiellement réversible (Lo et coll., 2014). Sinon, le Québec risque de faire face à de lourdes conséquences sociosanitaires (Martel et coll., 2014 ; Maisonneuve et coll., 2015), un fardeau économique important (Blouin et coll., 2015a ; Blouin et coll., 2015b), et une espérance de vie en bonne santé potentiellement réduite chez les personnes touchées  (Steensma et coll., 2013).

Références

Bray, G.A & Bouchard, C. (2014). Handbook of obesity. Volume 1: Epidemiology, etiology and physiopathology (3e.ed.,edited by G.A. Bray and C. Bouchard). New York, NY : CRC Press.

Eknoyan, G. (2006). A History of Obesity, or How What Was Good Became Ugly and Then Bad. Advances in Chronic Kidney Disease, Vol 13, No 4 (October), 421-427.

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Les conséquences économiques associées à l’obésité et l’embonpoint au Québec : les coûts liés à la consommation de médicaments et à l’invalidité. Auteurs : Chantal Blouin,  Denis Hamel, Nathalie Vandal,  et al. Montréal : INSPQ, 2015. 26 p. (Fardeau du poids corporel).

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Les conséquences économiques associées à l’obésité et l’embonpoint au Québec : les coûts liés à l’hospitalisation et aux consultations médicales. Auteurs : Chantal Blouin, Nathalie Vandal,  Amadou Diogo Barryet al. Montréal : INSPQ, 2015. 20 p. (Fardeau du poids corporel).

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Poids corporel et insécurité alimentaire chez les adultes québécois en 2011-2012. Auteurs : Catherine Maisonneuve, Patricia Lamontagne, Carole Blanchet et Denis Hamel. Montréal : INSPQ, 2015. 14 p. (Surveillance des habitudes de vie ; no 6).

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Poids corporel et santé chez les adultes québécois. Auteurs : Sylvie Martel. Montréal : INSPQ, 2014. 20 p. (Fardeau du poids corporel).  

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Surveillance du statut pondéral chez les adultes québécois. Auteurs : Patricia Lamontagne et Denis Hamel.Montréal : INSPQ, 2014. 69 p.

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). (4 avril 2017). « Indicateur Obésité », sur le site Santéscope. Consulté le 25 octobre 2017.

Lo, E., Hamel, D., Jen, Y., et al. (2014). Projection Scenarios of Body Mass Index (2013-2030) for Public Health Planning in Quebec. BMC Public Health, 14, 996.doi : 10.1186/1471-2458-14-996.

Organisation mondiale de la santé (OMS). (2015). Obésité et surpoids.  Aide-mémoire numéro 311.    

Organisation mondiale de la santé (OMS), bureau régional de l’Europe. (2014). Manque d’équité face à l’obésité.  Recommandations pour lutter contre le manque d’équité face au surpoids et à l’obésité.  

Organisation mondiale de la santé (OMS). (2003). Obésité : prévention et prise en charge de l’épidémie mondiale. Rapport d’une consultation de l’OMS. Série de rapports techniques : 894, Genève, OMS, 284 p.

Santé Canada. (2003). Lignes directrices canadiennes pour la classification du poids chez les adultes. Ottawa, 43 p.

Steensma, C., Loukine, L., Orpana, H., et al. (2013). Comparing life expectancy and health-adjusted life expectancy by body mass index category in adult Canadians: a descriptive study. Population Health Metrics, 11(1), 21. doi: 10.1189/1478-7954-11-21.

Voir aussi