Utilisation de la glucarpidase dans les intoxications au méthotrexate

Volume 27, Numéro 2

Auteur(s)
Élise Rochais
Interne en pharmacie, Université de Paris-Sud, Assistante de recherche, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine
Mélissa Perreault
B. Pharm., M. Sc., Pharmacienne, CHU Sainte-Justine
Jean-François Bussières
B. Pharm., M. Sc., M.B.A., F.C.S.H.P., Chef, Département de pharmacie et Unité de recherche en pratique pharmaceutique (URPP), CHU Sainte-Justine, professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal

Résumé

Le méthotrexate (MTX) est un antagoniste des folates utilisé à hautes doses (HDMTX) en oncologie. Il est principalement éliminé par voie rénale. Le HDMTX peut précipiter et provoquer des lésions tubulaires responsables d’une insuffisance rénale. La prévention des risques liés à l’administration de HDMTX comporte une hyperhydratation avec alcalinisation des urines, l’utilisation systématique d’acide folinique et le monitorage des concentrations sériques de MTX. En cas d’insuffisance rénale aiguë induite par le MTX, la prise en charge peut inclure le recours à un antidote, la glucarpidase (carboxypeptidase-G2).

La glucarpidase est un antidote qui peut être utile pour le traitement de l’intoxication au MTX. Toutefois, l’optimisation de la pharmacothérapie préventive et la révision des feuilles d’ordonnances pré-rédigées s’imposent avant de considérer l’utilisation de la CPG2. Pour les structures de soins amenées à traiter des patients par du HDMTX, il paraît indispensable d’organiser l’approvisionnement du médicament de façon coordonnée entre les hôpitaux pour pouvoir obtenir rapidement la CPG2 en cas d’intoxication au MTX. Nul doute que le pharmacien doit assurer une veille électronique des résultats découlant des études en cours qui confirmeront ou pas, la place éventuelle de la glucarpidase en pratique clinique.

L’objectif de cet article sera de présenter un cas clinique illustrant la problématique de l’intoxication au méthotrexate, de faire le point sur l’antidote glucarpidase, et de discuter des particularités pharmaceutiques liées à la gestion de cet antidote.

Introduction

Un antidote est une substance capable de neutraliser un toxique ou de s’opposer à ses effets dans l’organisme, par un mécanisme physique, chimique, biochimique ou pharmacologique.1 L’emploi des antidotes pose plusieurs défis en milieu hospitalier en termes d’utilisation clinique, d’approvisionnement et de coûts.

Pour les cliniciens, la difficulté consiste à prendre la décision d’instaurer un traitement par un antidote de façon appropriée alors qu’on se trouve en situation d’urgence. Pour cela, ils doivent tenir compte de plusieurs critères :

  • Connaissance de la(les) substance(s) en cause : médicament, produit dangereux, produit chimique, etc.
  • Degré d’intoxication : dose, délai postexposition, interactions avec l’environnement (p.ex. nourriture, poly-intoxication, etc.), marge thérapeutique et seuils de toxicité;
  • Efficacité de diverses techniques d’élimination : lavage gastrique, charbon activé, épuration extra-rénale;
  • Existence d’un antidote et mise à disposition dans un délai acceptable.

En ce qui concerne le circuit du médicament, le pharmacien doit veiller à tenir un inventaire approprié des antidotes et assurer une utilisation optimale de ceux-ci. On peut consulter la dernière mise à jour de la liste des antidotes (2007) et des quotas suggérés2. Depuis la publication de cette mise à jour, la glucarpidase, aussi appelée carboxypeptidase G2 figure parmi les antidotes utilisés au sein du CHU Sainte Justine (CHUSJ). Il est employé pour le traitement des intoxications au méthotrexate.

Utilisation du méthotrexate et risques de toxicité

Le CHUSJ comporte un programme clientèle d’hémato-oncologie et une équipe clinique qui assure le suivi des enfants atteints notamment de cancers. Au niveau pharmaceutique, l’équipe d’hémato-oncologie compte sept pharmaciens et presqu’autant d’assistants-techniques séniors en pharmacie qui assurent des services, des soins, de l’enseignement et de la recherche via une pharmacie satellite. La majorité des patients sont traités dans le cadre des activités de recherche du Children Oncology Group et la plupart des protocoles font l’objet de feuilles d’ordonnances pré-rédigées (FOPR). L’utilisation de FOPR vise à assurer la conformité des ordonnances par rapport aux protocoles de recherche. De plus, les FOPR demeurent l’outil privilégié pour assurer la modification des pratiques cliniques à large échelle.

Le méthotrexate

Le méthotrexate (MTX) est un antagoniste des folates qui inhibe la dihydrofolate réductase (DHFR). Son activité anti-tumorale est très large, ce qui en fait une molécule de choix dans de nombreux protocoles en oncologie. Ses propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices permettent également son utilisation dans d’autres spécialités telles que la rhumatologie, la dermatologie, etc.3 Le MTX peut être administré par voie orale, intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée et intrathécale. Il est l’un des antinéoplasiques les plus utilisés par cette voie. Les doses utilisées en oncologie sont généralement plus élevées donc potentiellement plus toxiques.

On réserve le terme de MTX à haute dose (High Dose MTX, HDMTX) aux doses supérieures ou égales à 500 mg/m² voire 1 g/m² selon les sources, principalement administrées dans le traitement prophylactique du système nerveux central (SNC) chez les patients atteints de leucémies ou de lymphomes à haut risque, pour le traitement des métastases leptoméningées, pour les lymphomes primaires du SNC et les ostéosarcomes. En oncologie pédiatrique, le HDMTX est essentiellement utilisé pour le traitement des ostéosarcomes, des leucémies aiguës lymphoblastiques et de certains types de lymphomes non hodgkiniens. Dans ces indications, le HDMTX peut être administré sous forme de perfusion de 4 à 6 heures ou sur de plus longues périodes (24 à 42h), selon les protocoles. 3 , 4

ABC est un adolescent de 15 ans qui reçoit un diagnostic d’ostéosarcome du fémur gauche en 2007 (jour(j) 0). Dix jours postdiagnostic, l’équipe clinique lui prescrit six cycles de chimiothérapie comprenant chacun doxorubine, cisplatine et deux HDMTX. Chaque HDMTX est administré à raison de 12 g/m² soit 20 g perfusé sur une période de 4 heures. Le patient reçoit sa première dose de MTX à j 32.

Le MTX peut être dosé et les concentrations sériques mesurées en μmol/l (1 μmol/l = 0,455 mg/l de MTX) sont utilisées afin de suivre l’élimination du MTX  et de prévenir la toxicité dans le cas d’une élimination retardée. L’administration de MTX comporte plusieurs effets indésirables, notamment les mucosites, les nausées et vomissements et des toxicités dermatologique, hématologique (myélodépression, anémie aplasique), pulmonaire, hépatique, etc. De plus, l’administration de HDMTX peut entrainer des toxicités rénale et neurologique. Un surdosage par voie intrathécale peut également provoquer une toxicité neurologique de type encéphalopathie avec convulsions, détresse respiratoire, coma, etc.3

A la 9ème dose de HDMTX (j 214), ABC voit sa créatinine sérique progresser de  63  à 151 µmol/l. La créatinine sérique se normalise six jours plus tard (j 220) à 91 µmol/l (N : 83-108 µmol/l).

Toxicité rénale du MTX

Le MTX est métabolisé en 7-hydroxyméthotrexate par le foie et en acide 2,4 diamino- N10 méthylptéroïque (DAMPA) par la flore intestinale. Toutefois, il est excrété à plus de 90 % de façon inchangée dans les urines. Dans le cas d’administration de hautes doses, le MTX, qui se retrouve en concentration importante au niveau des tubules rénaux, peut précipiter et provoquer des lésions tubulaires. Ce risque est d’autant plus important que : a) la concentration plasmatique de MTX est élevée, b) le pH urinaire est faible (le MTX est peu soluble en milieu acide) et c) le débit urinaire est diminué (ce qui cause une augmentation de la concentration rénale de MTX). Cette néphrotoxicité peut entraîner une insuffisance rénale aiguë, réversible dans la majorité des cas; de plus, la diminution de l’excrétion du MTX entraîne une augmentation des concentrations plasmatiques. Or, l’exposition prolongée des cellules saines au MTX conduit à une plus grande toxicité systémique, responsable des effets indésirables décrits précédemment5.

De nombreuses interactions peuvent potentialiser la toxicité du MTX. Dans la banque de Uptodate, on recense entre autres les interactions suivantes : acitrétine (X), certains vaccins (X), natalizumab (X), tacrolimus (X), cyclosporine (D), léflunomide (D), probénécide (D), salicylates (D), sulfaméthoxazole/triméthoprime et autres sulfamidés (D), anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (D), pénicillines (C), inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) (C). 6 Uptodate utilise la classification du Lexi-Interact TM Online, soit X, la catégorie où l’association doit être évitée; D, la catégorie où il faut envisager une modification de la thérapeutique et C, celle où il est nécessaire de surveiller l’association médicamenteuse. Les catégories B et A n’ont en général pas de conséquences cliniques notables. La toxicité peut provenir d’une part de l’augmentation des concentrations sériques et d’autre part d’une diminution de l’excrétion du MTX. Le MTX étant partiellement lié aux protéines plasmatiques (albumine), certains médicaments peuvent augmenter la fraction circulante en déplaçant la fraction liée (salicylates, phénylbutazone, phénytoïne, sulfamidés). Certains médicaments néphrotoxiques pourraient freiner l’élimination du MTX (cisplatine, cyclosporine, aminosides, amphothéricine B). Concernant les IPP, ils entraînent l’inhibition de la pompe ATP au niveau rénal, ce qui diminue l’élimination des ions hydrogène utiles à la sécrétion tubulaire du MTX. Aussi, d’autres médicaments entrent en compétition avec le MTX au niveau de la sécrétion tubulaire rénale (p.ex. pénicillines, salicylates, sulfamidés). En inhibant la synthèse des prostaglandines, les AINS et les salicylates sont responsables pour leur part d’une diminution de la perfusion rénale et de l’élimination du MTX. Enfin, le probénécide et autres agents uricosuriques inhibent la sécrétion tubulaire du MTX 4.

Prévention des risques liés à l’administration de HDMTX

Ajustement des doses de MTX

Les conditions optimales d’administration de HDMTX impliquent de protéger la fonction rénale, tout en ajustant la dose en fonction de la clairance à la créatinine prédose. On suggère notamment dans la littérature le schéma suivant : a) entre 61 et 81 ml/min : donner 75 % de la dose, b) entre 51 et 60 ml/min : donner 70 % de la dose, c) entre 10 et 50 ml/min : donner 30 à 50 % de la dose et d) < 10 ml/min : éviter l’utilisation de MTX3. Toutefois, plusieurs protocoles ne prévoient pas de réduction de dose mais un report en attendant une récupération de la fonction rénale, comme c’est le cas au CHUSJ.

Dans le cas de ABC, la fonction rénale est normale avant la 10e dose de HDMTX (créatininémie à 70 µmol/l à j 250, clairance à la créatinine rénale estimée sur les urines de 24 h à 115,8 ml/min/m² à J 243, N : 97,8-150 ml/min/m²).

Hyperhydratation et alcalinisation des urines prédose de HDMTX

La plupart des protocoles recommandent une préhydratation d’au moins 2,5 à 3,5 l/m²/jour, à commencer entre 4 et 12 h avant la perfusion de MTX. Le soluté doit comporter des bicarbonates à raison de 40-50 mEq/l pour l’alcalinisation des urines7.

À la 10ème dose de HDMTX du patient ABC (j 250), le protocole prévoit l’administration d’un soluté d’hydratation (i.e. Dextrose 5 % + Chlorure de Sodium (NaCl) 0,45 %, avec bicarbonate de sodium 30 mEq/l) à raison de 210 ml/h (soit 3 l/m²/jour), débuté 15 h avant la dose HDMTX. Le débit du soluté est augmenté à 250 ml/h (3,6 l/m2/jour) 5 heures après le début de la perfusion de HDMTX, en raison d’une élimination retardée lors de la dose précédente.

L’objectif de l’alcalinisation des urines est d’augmenter la solubilité du MTX et de ses métabolites au niveau urinaire. Par exemple, l’augmentation du pH urinaire de 6 à 7 multiplie par un facteur de 5 à 8 fois la solubilité du MTX et de ses métabolites. 7 Le pH urinaire est mesuré sur chaque miction afin de le maintenir autour de 7, jusqu’à ce que la valeur de méthotrexate sanguin soit inférieure à 0,1 µmol/l.

Dans le cas du patient ABC, les valeurs de pH urinaire mesurés à j 250 sont les suivantes : pH de 6, cinq heures prédose HDMTX et pH de 7, 8 heures et 30 minutes après le début de perfusion de HDMTX. La FOPR du protocole utilisé prévoit une augmentation des bicarbonates dans le soluté à une concentration de 50 mEq/l si le pH urinaire postperfusion de HDMTX est inférieur à 7 sur deux mictions successives.

Suivi pharmacologique et biochimique

Le MTX sérique est généralement dosé à plusieurs moments, soit 24 heures, 36 heures, 48 heures et 72 heures après le début de la perfusion, conformément aux protocoles. En parallèle, les valeurs de créatinine sérique sont suivies de façon étroite pour détecter une éventuelle insuffisance rénale. On rapporte que l’incidence d’insuffisance rénale aiguë avec HDMTX est d’environ 1,8 % chez les patients atteints d’ostéosarcome.8

En fonction de la dose administrée et de la durée de perfusion, on peut déterminer des valeurs seuils définissant une élimination retardée de MTX et un risque accru de toxicité. 9 Dans la littérature, ces valeurs varient selon les protocoles et les indications. De façon générale, on considère qu’une augmentation d’au moins 1,5 fois la valeur de créatinine de base, associée ou non à une valeur d’au moins 0,1 µmol/l de MTX à plus de 72 heures, augmente les risques de toxicité 7 , 10.

La FOPR propose un dosage de la créatinine sérique une fois par jour et du MTX 4 heures et 24 heures après le début de la perfusion, puis une fois par jour jusqu’à ce que la valeur de MTX soit inférieure à 0,1 µmol/l.

Utilisation de l’acide folinique

L’utilisation systématique d’acide folinique (LeucovorinMD) en présence de HDMTX contribue à réduire la toxicité systémique sur les cellules saines sans avoir d’effet sur l’élimination du MTX. Cette réduction de toxicité est liée à l’entrée en compétition de l’acide folinique avec le MTX vis à vis de la DHFR. On débute l’administration d’acide folinique 24 à 42 heures après le début de la perfusion de MTX, un délai jugé suffisant pour obtenir un effet cytotoxique sans exposer le patient à une toxicité trop importante.

La FOPR recommande des modifications des doses d’acide folinique en fonction des valeurs de MTX et de créatinine sérique mesurées.

 À sa 10ème dose de HDMTX, le patient ABC reçoit une dose d’acide folinique de 15 mg IV q 3 heures (la dose de départ est de 15 mg IV q 6 heures), en raison d’une mucosite de grade 3 survenue lors de son 3ème cycle de HDMTX. À 24 heures postdose de HDMTX (j 251), on note une concentration sérique de 287 µmol/l de MTX et une créatinine sérique de 188 µmol/l soit plus de 1,5 fois la valeur de base.

Prise en charge d’une insuffisance rénale aiguë induite par le MTX

La prise en charge non spécifique d’une insuffisance rénale aiguë comprend l’élimination de l’agent causal, le soutien à l’élimination à l’aide de diurétiques, la supplémentation électrolytique selon la nature du problème et, en dernier recours, la dialyse 7. Peu de stratégies supplémentaires sont envisageables en présence d’une dysfonction rénale importante due aux MTX. L’hémodialyse représente une méthode possible pour augmenter la clairance mécanique du MTX, mais son efficacité est variable et ne produit généralement qu’une baisse transitoire des taux sanguins de MTX, en raison d’un effet rebond important observé dans les 2 heures qui suivent la séance de dialyse. Plusieurs séances peuvent donc être nécessaires. La dialyse péritonéale est, quant à elle, inefficace 11. En outre, on peut envisager le recours à la glucarpidase ou carboxypeptidase-G2 (CPG2) 12.

Utilisation de la glucarpidase

Présentation du produit

La glucarpidase (Voraxaze MD, Protherics PLC) aussi appelée carboxypeptidase G2 (CPG2) est indiquée comme un traitement de secours chez les patients à risque de toxicité induite par le MTX dans le cas d’une élimination retardée ou en cas de surdosage accidentel notamment par voie intrathécale. 13 La glucarpidase se présente sous la forme d’un lyophilisat à conserver au réfrigérateur et à reconstituer avec 1,0 ml de NaCl 0,9 %. Chaque flacon contient 1 000 unités d’enzyme.

La glucarpidase n’est pas commercialisée aux États-Unis ou au Canada. Toutefois, elle peut être obtenue via le programme d’accès spécial de Santé Canada. Sur le portail de ClinicalTrials.gov, on note l’enregistrement de neuf études cliniques dont six sont actuellement complétées 14. Une seule comporte des résultats, non interprétables car il s’avère que cette étude contrôlée, randomisée « CPG2 versus placebo » a été arrêtée précocement devant les difficultés de recrutement (seulement trois patients inclus) 15. Sur les trois études actuellement en cours, on s’attend à ce que le recrutement soit complété d’ici peu pour une étude menée au Royaume Uni 16, tandis qu’une autre réalisée en Scandinavie et au Danemark ne devrait se terminer qu’en 2017 17. La troisième est menée par le fabricant et donne un accès élargi à la CPG2 à des patients qui ne peuvent participer à un protocole de recherche aux États-Unis 18.

La CPG2 est une enzyme recombinante d’origine bactérienne qui hydrolyse le résidu glutamate terminal des molécules de la famille des folates comme le tétrahydrofolate ou ses analogues, dont le MTX fait partie. La CPG2 convertit ainsi la fraction libre du MTX circulant en métabolite inactif, le DAMPA. Une unité de CPG2 correspond à l’activité enzymatique hydrolysant 1 µmol/l de MTX par minute à 37°C.

Les propriétés pharmacocinétiques de la CPG2 ont été évaluées chez huit sujets sains et chez quatre sujets atteints d’insuffisance rénale grave (clairance de la créatinine < 30 ml/min). La concentration maximale (C max) s’est établie à environ 3 µg/ml et le temps pour atteindre ce pic (T max) a été de 30 minutes, avec un temps de demi-vie d’environ 9 heures. Aucune différence significative en terme de C max et de temps de demi-vie n’a été observée entre les deux groupes 19.

La CPG2 est relativement bien tolérée quelle que soit la voie d’administration (IV ou IT) et aucun cas d’anaphylaxie ou de décès attribuable à la CPG2 n’a été rapporté. On ne relève que quelques réactions allergiques ou d’hypersensibilités accompagnées de fièvre, de bouffées de chaleur, de frissons, ainsi que des douleurs et des fourmillements des extrémités, des céphalées, de l’hypertension et des manifestations cutanées (p.ex. urticaire, rash, prurit, flushing).

Principales études publiées

La première étude portant sur l’intérêt de la CPG2 dans les toxicités induites par le MTX date de 197220. Il faut toutefois attendre les années deux mille pour qu’un fabricant s’intéresse suffisamment à la molécule pour mener des essais cliniques à plus large échelle.

Traitement de secours chez les patients présentant une dysfonction rénale à la suite de l’administration de MTX haute dose ( ≥ 3 g/m2 au CHUSJ)

Des données encore non publiées provenant de deux études pivots (une étude de compassion réalisée par le NCI (n = 180) et un essai clinique ouvert mené en Europe (n = 42)) se retrouvent dans les informations cliniques fournies par la compagnie fabriquant la CPG221. Dans le cadre de ces deux études, les concentrations circulantes de MTX mesurées par HPLC et obtenues dans l’heure suivant l’administration d’une dose de 50 unités/kg de CPG2 ont diminué considérablement chez les 79 patients chez qui l’on disposait d’échantillons avant et après administration de CPG2. Dans tous les cas, les concentrations avaient chuté de plus de 95 % au moment du premier prélèvement sanguin post-CPG2 et cette réduction s’est maintenue chez la plupart des patients. L’étude de compassion du NCI a également évalué différents paramètres tels que la toxicité et la mortalité associées au MTX. Un nombre significativement moins élevé de mucosites ou de neutropénies de grade 3 ou 4 a été observé chez les patients chez qui la CPG2 était administrée moins de 4 jours après la perfusion de MTX. Dix-neuf décès ont été rapportés, dont 13 cas ont été imputés au MTX. On a aussi observé significativement moins de décès chez les patients chez qui la CPG2 a été administrée moins de 4 jours après la perfusion de MTX. Ces résultats indiquent qu’une intervention rapide est souhaitable puisque l’on sait qu’une exposition prolongée à de fortes concentrations de MTX peut entraîner une toxicité importante.

Publiée en 2005, l’étude de Buchen et collab.22, menée chez 82 patients (âge médian de 15,4 ans), a montré une réduction des concentrations de MTX de 97 %, 15 minutes après l’injection d’une dose de 50 unités/kg de CPG2. Les critères d’éligibilité pour recevoir la CPG2 étaient une concentration sérique de MTX > 10 µmol/l à T36h ou >5 µmol/l à T42h associée à une insuffisance rénale documentée (créatinine ≥ 1,5 fois la limite normale supérieure).

Il n’y a aucun consensus quant à la conduite à tenir en cas de concentrations résiduelles élevées de MTX post-CPG2. Le recours à la dialyse pourrait être envisagé dans ces situations, bien que son efficacité soit questionnable puisque les concentrations résiduelles de MTX post-CPG2 sont tout de même faibles. L’administration d’une seconde dose de CPG2 est aussi non justifiée puisque l’on dispose de données très limitées pour cette conduite. Le fabricant mentionne qu’une diminution additionnelle de 50 % et plus des concentrations sanguines de MTX a été observée chez 7/17 patients chez qui une seconde dose à été administrée 24 heures ou plus suivant la première injection. Quelques publications semblent indiquer qu’une seconde injection de CPG2 s’avère peu efficace 22-25. Une deuxième dose de CPG2 a été administrée chez neuf des 82 patients enrôlés dans l’étude de Buchen et collab. 22, dans un temps médian de 6 heures après la première dose. Selon les auteurs, cette seconde dose n’a pas résulté en une diminution significative des concentrations plasmatiques de MTX, soit une baisse de 26 % en moyenne. Ceci pourrait s’expliquer par une compétition au niveau de l’enzyme entre le MTX et son métabolite inactif, le DAMPA. Le délai optimal entre l’administration des deux doses est également inconnu (la CPG2 a un temps de demi-vie d’environ 9 heures) et l’on ne sait pas si cela peut influencer l’efficacité de la seconde dose. Il existe également un risque théorique de réaction allergique en cas d’administration répétée. L’administration de la CPG2 peut provoquer la formation d’anticorps pouvant mener à des réactions immunologiques, ce qui pourrait amener une diminution de l’efficacité de la CPG2 chez les patients recevant plus d’une dose. On a effectivement observé la formation d’anticorps anti-CPG2 après l’administration d’une seule dose chez 46 % des 48 patients pour lesquels on disposait d’échantillons. Certains de ces échantillons ont mis en évidence une réduction de l’activité de la CPG2 in vitro, mais on ne sait pas encore si ces anticorps diminuent l’activité in vivo de la CPG2.

En septembre 2010, Widemann et collab. ont mené une analyse rétrospective de l’intérêt de la CPG2 associée à l’acide folinique et à la thymidine dans la prise en charge des insuffisances rénales induites par des HDMTX. L’analyse rétrospective des résultats sur 100 patients recrutés sur 7 ans ayant tous reçu de la CPG2 associée ou non à la thymidine, montre une diminution du MTX sérique élevée (moyenne de 98,7 %). Les auteurs concluent que l’ajout d’une deuxième dose de CPG2 et son utilisation combinée à la thymidine n’offrent pas d’avantages; toutefois, l’administration précoce de CPG2 (i.e. moins de 96h postintoxication au MTX) combinée à une dose optimale d’acide folinique contribue à prévenir la survenue de toxicités de grade élevée. Des 12 décès observés, six sont reliés à la toxicité aux MTX, dont cinq avaient reçu une dose d’acide folinique inadéquate. Pour le sixième patient, l’administration d’acide folinique avait été arrêtée trop tôt. Par ailleurs, ces données confirment l’action de la CPG2 sur le métabolite actif de l’acide folinique, avec une réduction de 98,6 % des concentrations sériques de 5‑méthyltétrahydrofolate.

En 1999, Meyers et collab. ont rapporté des résultats sur la prise en charge d’intoxications au MTX traitées par de hautes doses d’acide folinique, sans recours à la CPG226. Cette analyse rétrospective sur 13 patients concluait qu’aux valeurs de MTX sériques retrouvées, l’acide folinique à haute dose pouvait être utilisé comme unique traitement de la toxicité induite par le MTX.

À la suite du dernier article de Widemann 25, Meyers et collab. ont écrit une lettre à l’éditeur dans laquelle ils discutent la conclusion des auteurs : leurs données et celles de Widemann leur font dire que des résultats similaires auraient pu être obtenus sans CPG2. Ils justifient ce point de vue par le fait que l’effet de la CPG2 n’est pas intracellulaire (lieu de la toxicité du MTX) et que le retour à la normale de la fonction rénale est indépendant de la présence de CPG2 27. D’autre part, il a été démontré que la CPG2 hydrolyse également l’acide folinique, ce qui pose la question de la priorité entre la protection par l’acide folinique des cellules et la diminution des concentrations circulantes de MTX.

Traitement de secours d’un surdosage de MTX intrathécal

Les données concernant le traitement de secours en cas de surdosage de MTX intrathécal sont limitées. Les données fournies par le fabricant 21 , 28 indiquent que sept patients, dont quatre étaient âgés de moins de 10 ans, ont été traités avec la CPG2 dans le cadre d’une étude commanditée par le NCI à la suite de l’administration accidentelle d’une surdose de MTX intrathécal (dose médiane de 364 mg). Une dose fixe de CPG2 de 2 000 unités a été administrée par voie intrathécale de 3 à 9 heures après l’injection de MTX et a été bien tolérée. Les concentrations de MTX dans le LCR ont diminué de > 98 % après un délai médian d’une heure suivant l’administration intrathécale de la CPG2. Il faut toutefois noter que quatre de ces patients ont également subi un drainage du LCR avant l’administration de la CPG2, ce qui a aussi contribué à la diminution de la concentration de MTX dans le LCR. Tous les patients ont survécu; cinq de ces patients se sont remis complètement de l’incident, tandis que deux ont présenté des pertes de mémoire persistantes. Bien que l’on dispose de peu de données concernant l’administration intrathécale de CPG2, une surdose accidentelle de MTX constitue une urgence médicale et peut justifier de recourir à la CPG2.

Autres cas rapportés dans la littérature

Depuis les années 90, on dénombre environ une vingtaine de publications rapportant des cas d’utilisation de la CPG2 dans la prise en charge des intoxications au MTX par voie intraveineuse, aussi bien chez l’adulte 23 que chez l’enfant 29-32. Les cas rapportés s’intéressent le plus souvent à la diminution des concentrations sériques de MTX après injection de CPG2, associée à une prise en charge de l’insuffisance rénale aiguë, ce qui peut inclure différentes sortes de dialyses 30-33.

Le rôle du suivi thérapeutique revient également souvent dans la littérature, avec la recherche de la technique analytique la plus adaptée au dosage du MTX en présence de CPG2 9 , 34 , 35. On retrouve également des publications dans lesquelles, pour des raisons plus ou moins liées aux difficultés pour obtenir de la CPG2, les doses utilisées sont plus faibles 36 , 37. Un autre point important concerne la nécessité de diagnostiquer rapidement les intoxications au MTX pour une prise en charge optimale, notamment en administrant la CPG2 le plus tôt possible 23 , 25.

Enfin, notons la présence récurrente de PC Adamson, un auteur appartenant au groupe BTG‑Protherics, fabricant du VoraxazeMD dans la plupart des études publiées.

Posologies et mode d’administration

Traitement de secours chez les patients présentant une dysfonction rénale à la suite de l’administration de MTX haute dose ( ≥ 3 g/m2au CHUSJ)

La glucarpidase doit être utilisée à raison de 50 unités/kg en une dose IV en 5 minutes. On doit poursuivre l’hyperhydratation avec alcalinisation des urines de même que l’acide folinique (Leucovorin MD) à une dose minimale de 100 à 250 mg/m 2 IV aux 6 heures, 48 heures post-CPG2 puis selon les modalités définies dans le protocole d’administration du HDMTX du CHUSJ et ce jusqu’à ce que les concentrations circulantes de MTX soient ≤ 0,1 µmol/l. Il est préférable d’éviter toutefois de donner de l’acide folinique dans les 2 heures qui précèdent et qui suivent l’administration de la CPG2 puisque celle-ci hydrolyse également l’acide folinique.

Le DAMPA, métabolite issu de l’hydrolyse du MTX par la CPG2, présente une réaction croisée avec le MTX lorsque l’on utilise la méthode immuno-enzymatique classique pour doser les concentrations sériques de MTX en circulation. La présence de ce métabolite peut faussement augmenter les résultats des dosages sanguins de MTX9. Seul un dosage réalisé par chromatographie liquide haute performance (HPLC) permet de différencier le MTX et le DAMPA après administration de la CPG2. À noter que la demi-vie médiane du DAMPA varie de 9 à 12 heures. Elle semble également proportionnellement liée aux concentrations de MTX avant l’administration de la CPG2. Un dosage sérique du MTX par HPLC devrait être fait avant et 30 minutes après l’administration de la CPG2, puis une fois par jour jusqu’à ce que la concentration soit inférieure à 0,1 µmol/l. Un effet rebond post-CPG2 est possible avec une augmentation des concentrations équivalentes à 2,5 à 8,8 % des concentrations initiales de MTX. Cependant, cet effet rebond est beaucoup moins important en comparaison à celui rapporté après dialyse.

Traitement de secours d’un surdosage de MTX intrathécal (IT)

La glucarpidase doit être utilisée à raison d’une dose unique de 2 000 unités IT en 5 minutes, soit le contenu de 2 fioles diluées avec du NaCl 0,9 % afin d’obtenir un volume d’administration adéquat en fonction de l’âge de patient :  ≤ 1 an (6 ml), > 1 an et ≤ 2 ans (8 ml), > 2 ans et ≤ 3 ans (10 ml), > 3 ans (12 ml). L’administration de dexaméthasone IV est recommandée afin de minimiser la sévérité d’une méningite chimique pouvant être induite à la suite de l’administration intrathécale du MTX et de la CPG2. Il est également suggéré de donner de l’acide folinique IV car des effets systémiques du MTX sont possibles28.

Dans le cas du patient ABC, on décide de recourir à la CPG2 (j 251 – 28 heures postdose de HDMTX) à raison de 50 U/kg, soit 3 000 U IV en 5 minutes. Le patient présente alors une mucosite mais aucun autre effet indésirable. L’administration d’acide folinique est suspendue 2 heures avant et 2 heures après la dose de CPG2. Toutefois, l’acide folinique est repris à raison de 15 mg toutes les 3 heures pour 4 doses, soit à la plus petite dose suggérée. La dose est par la suite augmentée à 150 mg IV toutes les 3 heures. Le pharmacien suggère que le dosage de MTX soit réalisé par HPLC (j 252 – 48 heures postdose de HDMTX). Le laboratoire confirme une concentration sérique de MTX de 9,47 µmol/l soit une diminution de 97 % soit 18 heures postdose de CPG2. Le patient reçoit aussi du furosémide 10 mg IV toutes les 6 heures pour une dose, augmenté à 20 mg IV toutes les 6 heures jusqu’au j 254. Au j 252, les valeurs de pH urinaire obtenues varient entre 7 et 8 et les valeurs de créatinine entre 292 et 317 µmol/l. Au J255 (120 heures postdose de CPG2), la concentration sérique de MTX est de 5,8 µmol/l et la créatinine sérique est de 417 µmol/l. La concentration sérique de MTX passe sous la barre de 0,2 µmol/l, 16 jours post-MTX (J266) et la valeur de créatinine sérique est alors de 238 µmol/l. On cesse alors l’acide folinique. Par la suite, le patient ABC est suivi régulièrement pour sa fonction rénale. Il n’a pas reçu la dernière dose de HDMTX prévue dans le protocole.

Perspective pharmaceutique

Modifications apportées à la gestion de HDMTX au CHUSJ

La glucarpidase est un nouvel antidote pour la prise en charge d’intoxication au MTX. Toutefois, l’optimisation de la pharmacothérapie préventive s’impose avant d’envisager un recours à cet antidote.

À la suite de quelques cas similaires à celui du patient ABC, une revue des pratiques a été menée au CHUSJ dans le cas du protocole d’ostéosarcomes mais aussi de tous les protocoles comportant l’utilisation de HDMTX. Cette revue des pratiques a mené aux modifications suivantes :

  • Le suivi de la créatinine et des électrolytes est passé d’une fois à deux fois par jour et le protocole précise que l’hématologue et le pharmacien doivent être avertis si la créatinine est supérieure à 1,5 fois la créatinine à l’admission.
  • Le patient doit avoir deux voies intraveineuses ouvertes, pour l’hydratation et le MTX d’une part, pour les autres médicaments d’autre part. Le débit de l’hydratation ne doit pas être modifié à la baisse lors de l’administration de ces médicaments.
  • Les protocoles prévoient désormais une préhydratation à 150 ml/m²/h (3,6 l/m²/j) pendant au moins 12 heures (18 heures pour une perfusion continue) avant l’administration de MTX avec 50 mEq/l au lieu de 30mEq/l de bicarbonates.
  • Un suivi des ingesta/excreta plus détaillé est prévu à la FOPR et des doses préventives de furosémide sont aussi prévues, pour assurer un débit urinaire adéquat.
  • Un pH urinaire supérieur à 7 et une densité urinaire inférieure ou égale à 1,010 sont désormais les prérequis incontournables avant de commencer la perfusion de HDMTX. L’ajustement de l’alcalinisation est également beaucoup plus rapide puisque dès une miction à pH inférieur à 7, la quantité de bicarbonates doit être adaptée.
  • La FOPR propose un nomogramme d’ajustement de l’acide folinique et nécessite désormais l’inscription manuscrite de la dose d’acide folinique requise selon les valeurs de MTX et de créatinine sérique obtenues.
  • En fonction des horaires d’ouverture de la pharmacie et des conditions d’obtention de la CPG2, il est recommandé de commencer l’administration de MTX le matin (10 heures) afin que le suivi des dosages de MTX à 24 heures et 48 heures se fasse en journée, pour pouvoir réagir le plus rapidement possible en cas d’élimination retardée.

L’annexe I  représente la FOPR pour l’administration de HDMTX dans le cas d’un ostéosarcome au CHUSJ, comportant les améliorations proposées pour l’interprétation et le suivi de l’évolution d’une toxicité rénale postadministration de MTX.

Statut du Voraxaze MD dans le monde

Le Voraxaze MD a été enregistré à la fois aux États-Unis et en Europe en tant que médicament orphelin en 2003. En 2005, le fabricant (Protherics PLC) a déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché au niveau européen (procédure centralisée) ainsi qu’une demande équivalente auprès de la Food and Drug Administration (FDA) pour le marché américain. Depuis, le Committee for Medicinal Products for Human Use (CHMP), dépendant de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) a demandé au fabricant un certain nombre d’informations complémentaires notamment sur les contrôles de production à la suite d’un changement de site de production, avec potentiellement des conséquences sur la pureté du produit à prendre en compte. Le comité a également exprimé des doutes sur l’utilisation concomitante de Voraxaze MD et d’acide folinique. Ces exigences ont amené le fabricant à retirer la demande d’autorisation de mise sur le marché européen en 2007 devant son incapacité à fournir ces renseignements.

En parallèle, la FDA a elle aussi émis des réserves, notamment sur les interactions possibles entre le Voraxaze MD et l’acide folinique qui ont conduit au report de la demande auprès de la FDA, avec demande d’une étude complémentaire 38. Une nouvelle soumission de la demande était prévue en 2008 39. Les demandes de la FDA et de l’EMA vis-à-vis des risques liés à l’utilisation concomitante de CPG2 et d’acide folinique semblent justifiées et le fabricant a effectivement réalisé un essai clinique (n°NCT00634504) pour étudier plus précisément la pharmacocinétique de l’acide folinique avec et sans CPG2. Les résultats de cette étude n’ont pour l’instant pas été publiés 18. En outre, la seule étude comparative CPG2 versus placebo enregistrée par ClinicalTrials.gov a été arrêtée précocement devant les difficultés de recrutement rencontrées 15.

Actuellement le Voraxaze MD est disponible à travers le monde en tant que médicament « compassionnel » ce qui signifie qu’il peut être fourni ponctuellement pour un patient, à la demande d’un médecin après accord des autorités compétentes (Santé Canada, FDA aux États-Unis). Les patients traités aux États-Unis peuvent aussi obtenir un traitement par Voraxaze MD par l’intermédiaire un protocole élargi («Open-Label Treatment Protocol ») conduit par le fabricant 40. Celui-ci espérait obtenir l’autorisation de mise sur le marché américain en 2010 39, après avoir fourni les résultats de l’étude demandée par la FDA 18. L’évaluation de la FDA se poursuit. Il n’y a pas de nouvelle soumission auprès de l’EMA prévue actuellement.

Inquiétudes de la FDA

En novembre 2008, la division « marketing et publicité » de la FDA a été alertée par une page web et une fiche produit qui suggéraient que le Voraxaze MD est « sûr et efficace » alors que le produit n’a toujours pas été approuvé par la FDA et que le statut de « New Investigational Drug » ne permet pas la promotion ou la publicité sur le médicament en question. De plus, ces documents proposaient une utilisation « planifiée » du Voraxaze MD lors de chaque cycle de HDMTX. Il a donc été demandé au fabricant de supprimer ces documents, ce qui a été fait 41.

Suggestions relatives à l’approvisionnement

Le VoraxazeMD est uniquement disponible via le programme d’accès spécial (PAS) au Canada, à partir du formulaire B (pour usage ultérieur). Exceptionnellement, le produit est disponible chez McKesson Canada malgré son statut de médicament non commercialisé.

Faut-il stocker du VoraxazeMD dans les établissements ayant recours au HDMTX ? Compte tenu du coût (i.e. environ 10 000 $ CAD/fiole de 1 000 UI) et de la péremption variable, nous pensons que les établissements peuvent recourir au service d’urgence de Mckesson disponible 24 heures sur 24 selon les modalités suivantes :

  • Le pharmacien d’établissement doit compléter et transmettre le formulaire B au Programme d’accès spécial (PAS) de Santé Canada ; l’établissement doit indiquer la quantité requise ; le produit n’est disponible qu’en multiple de 2 fioles; on peut rejoindre un pharmacien du PAS en tout temps au 613-941-2108 ; on peut télécopier sa demande en tout temps au 613-941-3194.
  • Santé Canada rédige une autorisation écrite qu’elle transmet à McKesson Canada; de plus, Santé Canada avise une infirmière de garde en tout temps (Patricia Hamelin) du programme VoraxazeMD pour assurer un bon arrimage entre Santé Canada, McKesson et l’établissement; l’infirmière va sans doute contacter l’établissement ; on peut toutefois la rejoindre 24 heures sur 24 au 1-877-384-7425.
  • McKesson prépare la commande et facture l’établissement, peu importe l’entente de distribution centralisée en vigueur. À noter que le numéro de produit est le 917583; le produit n’est pas visible dans Pharmaclick; le prix d’une fiole de 1 000 U est de 9 750 $ jusqu’au 31-12-2011; aucun frais de commande urgente n’est facturé dans ce cas.
  • Le pharmacien d’établissement doit contacter McKesson pour convenir des modalités d’expédition (i.e. une personne de l’établissement se déplace, on recourt à un transporteur ou un chauffeur de taxi, etc.) ; le pharmacien peut rejoindre McKesson aux numéros suivants : du lundi au vendredi de 08:00-17:00 (514-593-2277); du dimanche soir au jeudi soir inclusivement de 17:00 à 08:00 et le vendredi soir de 17:00 à 24:00 (514-593-4531); les samedis, dimanches et jours fériés de 09 :00-17 :00 (514-945-0093). Mckesson n’honore pas de commandes urgentes aux périodes suivantes (samedi de 00:00 à 09:00 et de 17:00 à 24:00; dimanche de 00:00 à 09:00).
  • Adresse de l’entrepôt de Mckesson : 8920, boul. Pie-IX, Montréal, Québec, H1Z 4E8.
  • À notre connaissance, il n’y a pas de dépôt de glucarpidase dans les autres entrepôts situés au Québec (i.e. Québec, Drummondville).
  • Compte tenu d’une période critique sans accès d’urgence possible, il est suggéré de ne pas administrer de HDMTX les vendredi/samedi préférablement.

Le programme VoraxazeMD s’assure qu’un stock est disponible en tout temps chez le grossiste.

L’Institut national de santé publique et l’équipe de pharmaciens dédiés à la toxicologie et aux intoxications réfléchit actuellement à la mise en place d’un registre québécois d’antidotes, facilitant notamment la consultation des inventaires disponibles chez le grossiste et en établissement, afin d’éviter des délais. Dans le cas des antidotes coûteux, ce partage d’information peut éviter le surstockage et les pertes lors de péremption. Dans le cas du VoraxazeMD, la cogestion offerte par le fabricant et le grossiste évite le stockage inutile et les pertes.

Durant l’épisode d’intoxications au MTX du patient ABC, le CHUSJ avait en stock trois fioles de VoraxazeMD qui ont été utilisées. Depuis la revue des pratiques effectuée, aucun autre cas d’intoxication au HDMTX ne s’est produit et le CHUSJ ne conserve aucune fiole en stock dans son inventaire régulier.

Conclusion

La glucarpidase est un antidote qui peut être utile pour le traitement de l’intoxication au MTX. Toutefois, l’optimisation de la pharmacothérapie préventive et la révision des feuilles d’ordonnances pré-rédigées s’imposent avant de considérer l’utilisation de la CPG2. Pour les structures de soins amenées à traiter des patients par du HDMTX, il paraît indispensable d’organiser l’approvisionnement du médicament de façon coordonnée entre les hôpitaux pour pouvoir obtenir rapidement la CPG2 en cas d’intoxication au MTX. Nul doute que le pharmacien doit assurer une veille électronique des résultats découlant des études en cours qui confirmeront ou pas, la place éventuelle de la glucarpidase en pratique clinique.

Pour toute correspondance

Jean-François Bussières
CHU Sainte-Justine
Département de pharmacie et Unité de recherche en pratique pharmaceutique
3175, chemin de la Côte Sainte-Catherine
Montréal (Québec)  H3T 1C5
Téléphone : 514 345-4603
Télécopieur : 514 345-4820
Courriel : [email protected]

Annexe

Annexe en format PDF (FOPR 2010-06-11 - CHU Ste-Justine)

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Numéro complet (BIT)

Bulletin d'information toxicologique, Volume 27, Numéro 2, avril 2011