Veille analytique portant sur l'alcool, volume 1, numéro 1, octobre 2023

Cette veille est destinée en premier lieu aux acteurs du réseau de santé publique québécois. Les publications scientifiques recensées sont choisies pour leur pertinence au regard de la prévention des méfaits et de la réduction des risques liés à la consommation d’alcool.

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Déterminants socio-comportementaux

Les messages en faveur de l’alcool diffusés sur les réseaux sociaux : qu’en pensent les jeunes?

Mise en contexte

La majorité des adolescents et des jeunes adultes vont fréquemment partager ou être exposés à du contenu lié à l’alcool sur les réseaux sociaux (p. ex., Instagram, Facebook). L’omniprésence de ce contenu est préoccupante, étant donné que les messages en faveur de l’alcool augmentent la fréquence et la quantité d’alcool consommé. Il importe donc de comprendre la motivation des jeunes à partager ce type de contenu et leur compréhension des effets de ces messages.

Objectif 

L’étude visait à : 1) Évaluer dans quelle mesure les jeunes sont conscients que les messages en faveur de l’alcool et leur partage peuvent avoir des effets néfastes ; 2) Examiner leurs perceptions des idées d’interventions potentielles visant à adresser cette problématique ; 3) Explorer les différences individuelles.

Qu’est-ce qu’on y apprend? 

Les auteurs ont mené une étude à méthode mixte auprès de jeunes Néerlandais (n = 292) âgés de 16 à 28 ans. Quatre principaux constats peuvent être distingués :

  • La majorité des jeunes considèrent les publications véhiculant du contenu promotionnel lié à l’alcool comme étant non problématiques.
  • Parmi les idées d’intervention proposées par les auteurs, les jeunes considèrent les avertissements automatiques comme étant la stratégie la plus efficace. Celle-ci consisterait à fournir un avertissement automatique aux utilisateurs des réseaux sociaux lorsque ceux-ci s’apprêtent à partager une publication sur l’alcool. Selon les jeunes, cette stratégie pourrait être efficace pour créer une prise de conscience, sans être trop moralisatrice.
  • À l’inverse, les jeunes conviennent que l’idée d’induire un regret anticipé est la stratégie d’intervention la moins efficace, car le sentiment de regret peut varier d’un individu à l’autre. Cette stratégie d’intervention mise sur le fait que les jeunes pourraient regretter d’avoir partagé des publications sur l’alcool le lendemain de leur mise en ligne, spécialement lorsque celles-ci les présentent en état d’ébriété.
  • Les jeunes qui consomment plus fréquemment de l’alcool et ceux qui poursuivent actuellement des études universitaires considèrent les publications sur l’alcool comme étant moins problématiques.

Commentaires de la rédactrice 

Cette étude visait à explorer des stratégies d’interventions potentielles en vue de réduire, sur les réseaux sociaux, les activités de partage de publications en faveur de l’alcool et leurs effets néfastes. Les résultats sont pertinents à la réalité des jeunes Québécois âgés de 18 à 29 ans, qui, dans une proportion de 89 %, font usage de l’alcool. En outre, plus de 90 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans utilisent régulièrement les médias sociaux (Statistique Canada, 2020; 2021). Les avertissements automatiques semblent être une idée prometteuse pour protéger cette population contre l’omniprésence de contenus liés à l’alcool présent dans l’environnement numérique. Cependant, avant de pouvoir mettre en œuvre de telles stratégies, leur efficacité réelle devra être évaluée dans de futures études.

Hendriks, H., Thanh Le, T., Gebhardt, W. A., van den Putte, B., & Vanherle, R. (2023). Dealing with Alcohol-Related Posts on Social Media: Using a Mixed-Method Approach to Understand Young Peoples’ Problem Awareness and Evaluations of Intervention Ideas. International Journal of Environmental Research and Public Health, 20(10), 5820. https://doi.org/10.3390/ijerph20105820

Interventions comportementales

La prévention de la consommation d’alcool au travail : une méthode efficace pour réduire la consommation des employés

Mise en contexte

La consommation fréquente d’alcool est associée à diverses maladies graves, et entraîne également une augmentation du nombre de blessures et de dommages causés à autrui. La forte prévalence de ces conséquences négatives souligne la nécessité d’une approche populationnelle.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère que le milieu de travail est propice à la conduite d’interventions préventives en matière de consommation d’alcool, notamment en raison de la facilité d’accès à différents groupes cibles.

Objectif

Le but de la présente méta-analyse est d’évaluer systématiquement l’efficacité d’intervenir sur les lieux de travail afin de réduire la consommation d’alcool.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les auteurs ont conduit une revue systématique de la littérature qui a mené à la sélection de 20 études d’intervention avec un échantillon total de 4 484 participants inclus dans leur méta-analyse.

Les résultats indiquent que les interventions préventives liées à la consommation d’alcool desservies sur les lieux de travail ont des effets favorables statistiquement significatifs, particulièrement sur la quantité d’alcool consommée. La taille d’effet est considérée comme modeste. Quelques précisions méritent d’être soulevées :

  • Les interventions faisant l’objet des études sélectionnées ont été mises en place dans une grande variété de lieux de travail (p. ex., soins de santé, transport, vente d’aliments au détail, usine de fabrication).
  • En ce qui concerne les composantes des interventions, la majorité d’entre elles misaient sur des techniques de rétroaction normative, d’entretien motivationnel, ou sur une combinaison des deux.
  • La rétroaction normative vise à corriger les perceptions erronées concernant la prévalence de la consommation problématique d’alcool en montrant à l’individu que son propre comportement est atypique par rapport aux normes réelles. L’entretien motivationnel, quant à lui, est une intervention collaborative permettant de renforcer la motivation propre d’un individu et son engagement vers le changement.
  • La majorité des interventions étaient animées en face-à-face, alors que les autres étaient diffusées sur le Web.

Commentaires de la rédactrice

De manière générale, les interventions dont les effets sont modestes, mais qui atteignent un grand nombre de personnes, ont une incidence populationnelle plus élevée que celles, plus efficaces, mais qui ne rejoignent que peu de personnes. Dans ce cas-ci, une réduction modeste de la consommation d’alcool par un grand nombre de travailleurs et de travailleuses devrait donc avoir un effet plus grand sur les conséquences socio-sanitaires reliées à l’alcool qu’une forte réduction de la consommation d’alcool par un petit nombre de personnes.

Il semble que les interventions à composantes uniques ou multiples axées sur l’alcool et la santé, dispensées soit en face-à-face, soit sur le Web, dans des contextes de groupes et individuels, ont généralement une retombée sur la réduction de la consommation d’alcool. Ainsi, les entreprises peuvent sélectionner des programmes qui répondent le mieux aux besoins de leur personnel.

Fellbaum, L., Mojzisch, A., Bielefeld, L., Benit, N., & Soellner, R. (2023). The effectiveness of workplace interventions for the prevention of alcohol use: A meta‐analysis. Addiction.

Politiques publiques

Des effets positifs sur la santé de la population écossaise liés à la mise en place de la politique de prix minimum par verre standard sur les boissons alcoolisées

Mise en contexte

Depuis 2018, un prix minimum par verre d’alcool standard est appliqué à la vente de boissons alcoolisées en Écosse. Lors de l’adoption de la loi, le gouvernement écossais a mandaté les autorités de santé publique pour évaluer l’effet de cette politique quant à la réduction des méfaits sanitaires et sociaux associées à la consommation d’alcool. Il a aussi demandé d’évaluer si certains groupes ou secteurs de l’industrie étaient plus affectés que d’autres, positivement ou négativement, par la politique. Cette évaluation permettra au Parlement écossais de décider s’il renouvelle ou non la politique de prix minimum en 2024.

Objectif

Ce rapport de Public Health Scotland synthétise les nombreuses études qui ont été réalisées à sa demande afin de mesurer les effets de la politique sur différentes variables, dont les décès et les hospitalisations attribuables à la consommation d’alcool. Le rapport visait également à évaluer les effets de la politique sur les personnes avec un trouble de l’usage.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Les auteurs estiment que les évaluations offrent des données probantes solides voulant que la politique de prix minimum ait diminué les décès et les hospitalisations entièrement attribuables à la consommation d’alcool.
  • Les données probantes ne permettent toutefois pas de statuer sur l’effet de la politique sur d’autres variables, telles que les visites à l’urgence ou la criminalité.
  • Pour les personnes ayant un trouble de l’usage de l’alcool, la politique semble associée à une diminution de la consommation. Cependant, certaines des personnes faisant partie de ce groupe, et qui ont des moyens financiers limités, ont subi des pressions économiques additionnelles en raison de la hausse de prix des boissons alcoolisées à faible prix.
  • La diminution des décès et des hospitalisations est plus prononcée chez les hommes et dans les zones défavorisées.
  • La réduction des ventes des boissons alcoolisées ne semble pas avoir eu d’effets sur l’industrie en général.

Commentaires de la rédactrice

Une politique de prix minimum par verre standard est une mesure recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin de réduire les méfaits associés à la consommation d’alcool, mais peu de juridictions l’ont entièrement mise en œuvre. Ainsi, au Québec, des prix minimums existent seulement sur la vente de bière, selon différents paliers de teneur en alcool. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de prix minimum par verre d’alcool standard. Le rapport de Public Health Scotland est une occasion unique de comprendre avec plus de détails les effets empiriques d’une telle politique.

Public Health Scotland, Evaluating the impact of minimum unit pricing for alcohol in Scotland: Final report A synthesis of the evidence, 27 June 2023.

Une revue rapide sur l’efficacité de l’étiquetage des produits alcooliques pour accroître la sensibilisation et les connaissances entourant les risques de l’alcool pour la santé

Mise en contexte

Les recommandations de consommation d’alcool à faible risque peuvent être difficiles à comprendre pour les consommateurs. De fait, pour une même quantité d’alcool en équivalent d’alcool pur, le volume de liquide contenu dans une bouteille, une cannette ou un verre varie en fonction de la teneur en alcool du produit. Au Canada, par exemple, un verre standard de vin à 12 % d’alcool correspond à 142 ml, alors qu’un verre standard de bière à 5 % d’alcool correspond à 341 ml. Le consommateur pourrait donc éprouver des difficultés à évaluer sa consommation réelle d’alcool. L’étiquetage des produits alcooliques représente une avenue potentielle pour répondre à ce problème.

Objectif

Cette revue rapide de la littérature visait à documenter, au sein de la population générale, l’efficacité de l’étiquetage pour 1) améliorer la compréhension des risques de la consommation d’alcool sur la santé; 2) améliorer la compréhension du verre d’alcool standard et des recommandations de consommation d’alcool à faible risque; 3) réduire l’intention de consommer.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Douze études expérimentales ou quasi-expérimentales publiées de 2008 à 2018 ont été sélectionnées. Elles ont principalement été menées en Australie, au Royaume-Uni et au Canada. La qualité méthodologique de la majorité des études a été évaluée comme étant «  modérée  ».

  • Les étiquettes qui permettent de calculer la consommation d’alcool sur une base hebdomadaire améliorent la compréhension des recommandations de consommation à faible risque.
  • Les étiquettes permettent d’informer sur le rôle de l’alcool dans le développement de maladies ou de complications de santé spécifiques, en particulier lorsqu’elles sont peu connues. En outre, ces étiquettes sont bien accueillies par les consommateurs.
  • Les étiquettes saisissantes, soit parce qu’elles nomment des maladies qui sont souvent craintes, comme le cancer, soit parce qu’elles les présentent sous forme d’image, sont les plus efficaces pour réduire les intentions de consommer de l’alcool.
  • Le contenu des étiquettes présenté sous forme de question facilite la compréhension des effets négatifs de l’alcool, sans être associé à une intention de moins en consommer.

Commentaires de la rédactrice

L’étiquetage des produits alcooliques semble apporter certains bénéfices. Toutefois, en raison de la grande hétérogénéité de contenus et de formes des informations apposées sur les contenants, des mesures et des résultats relevés dans cette revue, il est difficile de se prononcer sur l’efficacité globale de cette pratique. L’étiquetage peut cependant constituer une composante pertinente à l’intérieur d’un ensemble d’interventions destinées à réduire les risques associés à la consommation d’alcool. 

Au moment d’écrire ce résumé, le projet de loi S-254 modifiant la Loi sur les aliments et les drogues est présentement à l’étude au Canada. Ce dernier vise à rendre obligatoire l’apposition d’étiquettes sur les produits alcooliques qui informeraient notamment les consommateurs des risques de cancers associés à l’alcool.

Edmunds, C. E. R., Gold, N., Burton, R., Smolar, M., Walmsley, M., Henn, C., Egan, M., Tran, A., Harper, H., Dale, M. K., Brown, H., Londakova, K., Sheron, N. et Greaves, F. (2023). The effectiveness of alcohol label information for increasing knowledge and awareness: a rapid evidence review. BMC Public Health, 23(1), 1458. https://doi.org/10.1186/s12889-023-16327-x  

Pour des questions ou des commentaires concernant cette veille analytique, veuillez contacter Marie-Josée Harbec à [email protected]

Cette veille est réalisée grâce à la participation financière du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS).

Rédactrices

(par ordre alphabétique)
Chantal Blouin
Karen Giguère
Marie-Josée Harbec
Unité Produits et substances psychoactives
Direction du développement des individus et des communautés

Sous la supervision de
Olivier Bellefleur
Unité Produits et substances psychoactives
Direction du développement des individus et des communautés

Révision scientifique
(par ordre alphabétique)
Karen Giguère
Marie-Josée Harbec
Réal Morin
Isabelle Paradis
Unité Produits et substances psychoactives
Direction du développement des individus et des communautés

Révision linguistique

Marie-Cloé Lépine
Direction du développement des individus et des communautés

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