Programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec : mise à jour des données au 30 juin 2010

Le programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec a été mis en place en avril 2002. Il est basé sur la déclaration de l'infection par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) et sur le recueil de renseignements sur la personne infectée auprès du professionnel de la santé qui a prescrit le test de dépistage confirmé positif.

Les activités de collecte des données sont centralisées dans des locaux sécurisés du LSPQ. Ce dernier effectue toutes les analyses de confirmation à l'échelle de la province. Pour tout test confirmé positif, une intervenante de santé publique (ISP) téléphone au professionnel qui l'a prescrit en vue de l'enquête épidémiologique sur le cas, si ce dernier n'a jamais été enregistré au programme de surveillance.

Le LSPQ a confirmé la positivité au VIH pour 0,50 % des 158 919 spécimens prélevés au premier semestre 2010 et analysés par les laboratoires hospitaliers qui font partie du Programme québécois de diagnostic de l'infection par le VIH. Cette proportion se maintient à moins de 1 % depuis le début du programme en avril 2002 (le nombre de tests de dépistage du VIH est à la hausse dans la même période).

Environ vingt pour cent (21,9 %; 3 399/15 493) des spécimens confirmés positifs depuis l'implantation du programme n'ont pas mené à l'enregistrement des cas, essentiellement à cause de l'absence d'un numéro d'assurance-maladie (NAM). Cet identifiant est exigé pour enregistrer un cas d'infection par le VIH dans le système actuel.

Plus de la moitié (57,6 %; 1 957/3 399) des spécimens positifs reliés à des cas impossibles à enregistrer provenaient des demandeurs de résidence ou de statut de réfugié sans NAM. Les autres étaient des spécimens à propos desquels les médecins n'ont pas donné suite à la demande de l'ISP pour la collecte épidémiologique, des sérologies des enfants de moins de 2 ans, des spécimens de sujets recrutés dans des projets de recherche, des spécimens anonymes des services intégrés de dépistage et de prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang, des spécimens de résidants hors province ou des spécimens de résidants du Québec sans NAM.

Au total, 280 cas d'infection par le VIH ont été enregistrés au premier semestre 2010, dont 235 (83,9 %) de sexe masculin et 45 de sexe féminin. Ce nombre comprend 166 nouveaux diagnostics, 105 anciens diagnostics (cas qui avaient un test positif antérieur à celui ayant mené à leur enregistrement) et 40 personnes dont on ne peut dire avec les informations disponibles qu'elles ont reçu leur premier diagnostic de VIH au premier semestre 2010 ou avant.

Ces cas portent à 6 107 le nombre de personnes infectées par le VIH cumulativement enregistrées au programme depuis avril 2002, dont 3 139 nouveaux diagnostics, 2 660 anciens et 308 impossibles à caractériser comme étant des anciens ou des nouveaux.

Ce nombre cumulatif de cas reste en deçà des estimations de prévalence produites par l'Agence de la santé publique du Canada pour le Québec, selon lesquelles environ 18 000 personnes vivaient avec le VIH dans la province en 2008. Il faut toutefois se rappeler 1) que le programme de surveillance n'a été mis en place qu'en avril 2002, 2) que ses données n'incluent pas toutes les personnes au courant de leur statut biologique d'infection par le VIH avant son implantation, ni toutes celles qui ont été dépistées depuis 2002 (notamment les cas sans NAM qui sont exclus du système actuel), et 3) qu'un système de surveillance basé sur la déclaration des cas par les laboratoires ne peut enregistrer les personnes infectées par le VIH qui ne sont pas dépistées et qui ignorent leur séropositivité.

Une faible proportion des cas qui étaient impossibles à enregistrer au moment de leur confirmation, ont été subséquemment enregistrés après un délai relativement long pour la moitié des cas l'ayant été. Tel que souligné précédemment, 3 399 tests positifs n'ont pas mené à une enquête épidémiologique. Le nombre précis de personnes ayant fourni les prélèvements de ces tests est inconnu. Il se situerait entre 1 000 et 2 500 individus différents. Parmi ceux-ci, 373 ont eu leur premier test positif après l'implantation du programme sans possibilité de les enregistrer au moment du dépistage. Ils ont été enregistrés dans les 12 mois suivant le dépistage dans 41,3 % (154/373) des cas et plus d'un an après pour les autres.

La majorité des nouveaux diagnostics sont impossibles à différencier comme étant des infections récentes ou des infections anciennes tardivement dépistées. Si le nombre de ceux qui avaient déjà eu un test de dépistage de l'infection par le VIH auparavant est à la hausse, la majorité (59,7 %; 1 875/3 139) n'avaient jamais été testés pour le VIH avant leur premier test positif. Dans les 1 264 avec un test négatif antérieur, 141 n'ont pas précisé la date du dernier test négatif. Parmi les 1 123 l'ayant fait, 367 ont eu leur premier test positif dans les 12 mois après le plus récent test négatif et 756 plus d'un an après. Les premiers sont des infections récentes, tandis que ceux dépistés plus de douze mois après le test négatif, ceux sans précision de date du dernier test négatif et ceux jamais testés auparavant, peuvent être des infections récentes ou des infections anciennes tardivement diagnostiquées, soit 88,3 % (n = 2 772) des nouveaux diagnostics.

L'âge médian des nouveaux diagnostics est de 37 ans pour les femmes et de 41 ans pour les hommes. De manière générale, le nombre et la proportion des cas augmentent avec l'âge entre 15 et 45 ans et diminuent par la suite.

Les visites de suivi d'une grossesse sont à l'origine du dépistage d'un nombre relativement important de cas d'infection par le VIH chez les femmes. Parmi 505 nouveaux diagnostics enregistrés depuis avril 2002 pour des femmes de 15 à 55 ans, 16,4 % (n = 83) l'ont été pendant le suivi d'une grossesse. La majorité (68,7 %; 57/83) de ces cas dépistés à l'occasion d'une grossesse sont des immigrantes de pays de l'Afrique subsaharienne et d'Haïti.

Si la moitié (57,8 %; 26/45) des femmes trouvées infectées situent leurs origines culturelles dans des pays de l'Afrique subsaharienne ou en Haïti, dans l'ensemble, le Canada reste le principal pays de naissance et d'origine ethnoculturelle des cas d'infection par le VIH au Québec (60,9 %; 170/280) au premier semestre 2010.

Les cas de janvier à juin 2010 sont reliés aux principales catégories d'exposition ci-après :

  • Les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HARSAH) sont les plus touchés, avec 57,5 % (161/280) des cas. Les deux tiers (68,5 %; 161/235) des infections par le VIH confirmées chez les hommes sont reliées à la transmission homosexuelle.
  • Les infections par le VIH reliées à l'origine d'un pays où le VIH est endémique et où prédomine la transmission hétérosexuelle du virus, forment 17,1 % (n = 48) des cas. Cette catégorie d'exposition est la plus fréquente chez les femmes (55,6 %; 25/45 versus 9,8 %; 23/235 parmi les hommes).
  • Les infections reliées à des rapports hétérosexuels chez des Canadiens d'origine et des immigrants de pays non endémiques pour le VIH forment 12,9 % (n = 36) des cas. En les regroupant avec les cas attribués à l'origine d'un pays endémique pour le VIH, la transmission hétérosexuelle serait reliée à 30,0 % (84/280) des cas. Elle prédomine chez les femmes (86,7 %; 39/45 versus 14,9  %; 35/235 chez les hommes).
  • Les utilisateurs et utilisatrices de drogues par injection (UDI) représentent 7,5 % (n = 21) des cas. Le nombre de nouveaux diagnostics UDI reste relativement faible malgré la transmission active du VIH observée par le réseau SurvUDI, ce qui pourrait s'expliquer par la faible fréquentation des services de dépistage du VIH par les UDI.
  • Les individus à la fois HARSAH et UDI représentent 2,5 % (n = 7) des cas.
  • Un nouveau diagnostic de transmission verticale du VIH a été enregistré pour un immigrant infecté à la naissance dans son pays d'origine. Cette catégorie d'exposition est essentiellement rapportée pour des enfants d'immigrants de pays endémiques :
    • Depuis avril 2002, on enregistre 24 nouveaux diagnostics d'infection par transmission verticale, dont 10 enfants nés au Canada et 14 nés à l'extérieur du pays. Sur les dix dépistés à la naissance au Canada, huit sont des enfants d'immigrants de pays endémiques; les deux autres sont nés d'une mère autochtone des Premières Nations et d'une mère originaire d'Europe. Parmi les 14 nés hors du Canada, 13 sont des immigrants de pays endémiques; le dernier est un immigrant d'Asie.
    • Des tests de reconfirmation peuvent être prescrits pour le suivi spécifique aux personnes infectées à la naissance, notamment à l'âge adulte pour celles qui veulent avoir des enfants et éviter de transmettre à leur tour l'infection à leurs enfants. Quarante-deux (42) cas connus avant 2002 ont été reconfirmés et enregistrés depuis. La majorité (73,8 %; n = 31) étaient des immigrants de pays endémiques.
  • Les infections par des dons de sang ou des facteurs de coagulation deviennent également rares. Depuis avril 2002, dans cette catégorie d'exposition, le programme rapporte :
    • cinq nouveaux diagnostics pour des personnes pouvant avoir été infectées au Canada avant les mesures de sécurité transfusionnelle en 1985 puisqu'elles avaient entre 21 et 69 ans au moment du dépistage, ou en dehors du Canada pour deux de ces cas qui sont des immigrants.
    • cinquante et un anciens cas diagnostiqués avant 2002 et présumés infectés avant 1985 ou en dehors du Canada.

Une variable nous permet de savoir si une personne trouvée infectée a eu des rapports sexuels payants. Parmi 4 963 cas d'infection par le VIH enregistrés depuis avril 2002 et pour lesquels nous avons obtenu les données de cette variable, 4,5 % (223) en avaient eu. Cette proportion était plus élevée chez les femmes (12,0 %; 124/1 032) comparativement aux hommes (2,5 %; 98/3 926). Elle était aussi plus élevée pour les cas à la fois HARSAH et UDI (28,4 %; 52/183) et les cas UDI (19,4 %; 114/589), comparativement aux autres catégories d'exposition (≤ 2,8 %). Concernant les cas des UDI, la moitié (52,5 %; 106/202) des femmes versus 2,1 % (8/387) des hommes avaient fait de la prostitution.

L'infection a été tardivement dépistée dans 15,1 % (25/166) des nouveaux diagnostics puisque les personnes concernées étaient rendues au stade du sida ou des infections chroniques symptomatiques de l'infection par le VIH au moment du diagnostic. Les autres étaient asymptomatiques ou avaient des symptômes et maladies non spécifiques de la maladie.

Montréal, qui abrite un quart de la population du Québec et la grande majorité des immigrants admis au Québec, reste la région de résidence de la majorité des PVVIH au Québec, avec 60,0 % (168/280) des cas au premier semestre 2010. Depuis le début du programme, à elle seule, cette ville métropolitaine enregistre 77,0 % (736/956) des cas attribués à l'origine d'un pays endémique, 69,6 % (2 081/2 991) des cas des HARSAH, 60,3 % (140/232) des cas à la fois HARSAH et UDI, et pratiquement la moitié des cas des UDI (49,9 %; 476/954) et des infections par transmission hétérosexuelle des Canadiens d'origine et des immigrants de pays non endémiques pour le VIH (48,9 %; 394/806).

Les données du programme n'estiment ni la prévalence ni l'incidence de l'infection dans la province. Elles portent sur les cas confirmés au LSPQ depuis avril 2002 et dont la collecte épidémiologique est complétée, tandis qu'elles excluent les cas dépistés avant le programme et non reconfirmés depuis avril 2002, les cas diagnostiqués après cette date qui ne sont pas enregistrés (essentiellement à cause de l'absence d'un NAM), et les personnes infectées qui ne sont pas dépistées et ignorent leur séropositivité.

L'élimination des doublons basée sur l'obtention du NAM pour tous les tests confirmés positifs constitue une limite importante à la collecte des données épidémiologiques. Le programme a été mis en place en 2002. C'est aussi en 2002 qu'une nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement rendait obligatoire l'examen médical incluant un test de dépistage du VIH pour tout requérant de résidence permanente au Canada et certains requérants de résidence temporaire. Ce changement a entraîné l'ajout non anticipé d'un nombre important de cas positifs sans NAM.

Les variations observées dans le nombre des cas sont difficiles à interpréter en l'absence de données d'incidence. On entrevoit l'ajout d'un test d'infection récente au processus de détection du VIH pour les besoins de surveillance, afin d'augmenter la capacité du système à suivre la tendance de l'incidence de l'infection au Québec.

De toute évidence, le virus se transmet encore activement au Québec malgré les programmes de prévention de l'épidémie qui sont en place dans la province. Combinée à la progression observée des autres ITSS parmi les HARSAH et aux épidémies observées de ces maladies chez les UDI, la progression du VIH dans la population doit continuer d'interpeller les autorités de santé publique.

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-61493-7
ISBN (imprimé)
978-2-550-61492-0
ISSN (électronique)
1913-3405
ISSN (imprimé)
1913-3391
Notice Santécom
Date de publication