État des connaissances sur le pollen et les allergies : les assises pour une gestion efficace

Les pollens sont les principaux responsables de la rhinite allergique saisonnière et contribuent à l'aggravation des symptômes de l'asthme (Bacsi et al., 2006; Jacques et al., 2008). Selon l'Enquête québécoise sur la santé de la population (EQSP) de 2008, le pollen aurait déclenché les symptômes de rhinite allergique chez 76 % des personnes allergiques au cours des 12 mois précédents (Canuel et al., 2012). La prévalence de ce type de rhinite semble être en constante augmentation depuis les dernières décennies, et ce, à l'échelle mondiale (Bousquet et al., 2008; Schenk et al., 2006), notamment en raison de l'impact des changements climatiques sur les espèces végétales (Frenguelli, 2002; Huynen et al., 2003; Ziska et al., 2009; Ziska et al., 2003). Les principaux effets observés sur les plantes allergènes sont : l'allongement de la saison de croissance, l'augmentation de la production de pollen par les plantes et l'augmentation de l'allergénicité du pollen (U.S. EPA, 2008). Au Québec, la prévalence estimée par des enquêtes statistiques est passée de 6 % en 1987 à 9,4 % en 1998 et à 16,8 % en 2008, respectivement selon l'Enquête Santé Québec de 1987, l'Enquête sociale et de santé de 1998 et l'EQSP de 2008 . Le pollen de l'herbe à poux est une préoccupation particulière pour le réseau de la santé publique québécois depuis plus de 30 ans. Il constitue la plus importante cause de rhinite allergique saisonnière dans tout le nord-est de l'Amérique du Nord (Ziska et al., 2011) et serait responsable de 50 à 90 % des allergies saisonnières (Comtois et al., 1988). En 2005, les coûts de santé relatifs à l'herbe à poux ont été évalués entre 156,5 et 240 millions de dollars (Tardif, 2008). Ces coûts sont certainement supérieurs aujourd'hui.

La mesure des concentrations de pollens dans l'air constitue un moyen de quantifier et de caractériser l'exposition humaine et d'évaluer l'efficacité des mesures de prévention et de protection de la santé mises en place au Québec. La méthode de mesure la plus répandue dans le monde actuellement repose sur la récolte des grains de pollen à l'aide de capteurs polliniques. Les pollens sont par la suite dénombrés et identifiés visuellement par un analyste qualifié grâce à un examen manuel au microscope. Cette méthode comporte certaines limites, notamment reliées à la grande variabilité spatiale des pollens et au potentiel élevé de biais dus à l'erreur humaine. Des méthodes de reconnaissance automatique des pollens sont cependant en développement, permettant de contourner ces limites. Ces nouvelles méthodes, bien que prometteuses, demeurent à l'état expérimental. Mais comme elles sont en constante évolution et qu'elles peuvent devenir économiquement rentables, elles pourraient éventuellement fournir une approche normalisée efficiente pour analyser les pollens.

Plusieurs réseaux de surveillance des pollens utilisent la mesure des concentrations polliniques entre autres dans le but d'alerter la population lorsque les niveaux sont élevés. La diffusion de ces alertes polliniques se fait par les médias de masse (journaux, télévision, Internet), ou encore grâce à des alertes courriel. Des applications mobiles sont également disponibles dans certains pays. Plusieurs réseaux effectuent des prévisions polliniques afin de permettre aux personnes allergiques d'anticiper et de mieux gérer leurs allergies. Pour réaliser ces prévisions, des modèles développés à cette fin sont utilisés. Ces modèles intègrent diverses données, dont les concentrations de pollen actuelles et historiques et des données météorologiques. Trois types de prévisions sont effectuées, soient la date de début de la saison des pollens, la sévérité ou l'intensité de la saison et les concentrations polliniques pour les jours à venir.

Les alertes à la population réalisées grâce à la mesure des concentrations polliniques sont utiles pour aider les personnes allergiques à gérer leurs symptômes. Mais pour assurer une réduction significative des impacts sanitaires des pollens allergènes, il est préférable d'agir en amont du problème, c'est-à-dire réduire l'exposition des personnes allergiques aux pollens en effectuant un contrôle du pollen. Différents types d'actions en ce sens ont été menées au Québec : actions réglementaires, actions de mobilisation, campagnes d'information et de sensibilisation, travaux de recherche, etc. Ces actions sont mises en œuvre notamment par des municipalités, des directions de santé publique (DSP), des organisations à but non lucratif, des ministères, etc. Cependant, la plupart de ces actions sont menées de façon isolée et ponctuelle, ne favorisant pas un bon contrôle de la situation à moyen ou long terme. De plus, l'absence de concertation entre les intervenants fait en sorte que l'effet bénéfique des interventions sur la santé demeure actuellement peu significatif.

Ainsi, afin d'aider les divers acteurs concernés par le problème à orienter et à mieux organiser leurs actions et adapter celles-ci à la réalité du Québec, il est nécessaire de définir les besoins de façon plus précise. C'est dans cette optique qu'une consultation auprès d'intervenants de santé publique québécois a été réalisée. Cette consultation a permis de constater qu'il existe un grand besoin d'acquisition de connaissances, notamment en ce qui a trait à la localisation des sources de pollens allergènes et aux données sanitaires à l'échelle locale et régionale. La consultation a également révélé que les intervenants de santé publique désirent être outillés et soutenus dans la planification et la mise en œuvre d'interventions de lutte contre les pollens allergènes. La mise en place de partenariats et le financement des actions font partie des besoins exprimés.

Le présent rapport a été produit dans le cadre de l'entente concernant le suivi de la qualité de l'air en lien avec la santé conclue entre le ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) et l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Cette entente, qui a pris fin le 31 mars 2013, s'inscrit dans la mesure 22 du Plan d'action 2006-2012 sur les changements climatiques du gouvernement du Québec. Ce rapport dresse un bilan sommaire des connaissances sur le pollen, les allergies, les méthodes de mesure et les besoins du Québec en matière de suivi des pollens. En regroupant toutes ces informations à l'intérieur d'un même document, il constitue une référence pour tout intervenant impliqué pour une gestion efficace de la problématique des pollens allergènes.

Auteur(-trice)s
Isabelle Demers
M. Env., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-68403-9
ISBN (imprimé)
978-2-550-68402-2
Notice Santécom
Date de publication