La mise à l'agenda gouvernemental des risques sanitaires liés à l'environnement : une comparaison France-Québec sur la mise à l'agenda de situations de risque au cours des dix dernières années

Ce document résume les principaux résultats d'une recherche financée par l'Agence française de sécurité sanitaire pour l'environnement et le travail (AFSSET)1. Cette recherche a été menée en 2008 et 2009 à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) en partenariat avec le Groupe d'étude sur les politiques publiques et la santé (GÉPPS).

Le principal objectif de cette recherche était de proposer des éléments théoriques et méthodologiques permettant d'étudier les situations de risque sanitaire faisant l'objet de débats publics en France et au Québec, plus particulièrement lors de la mise à l'agenda gouvernemental. Différents travaux ont été réalisés à cet effet. Dans le cadre de la recherche, une enquête a été réalisée afin de cerner les facteurs de mise à l'agenda gouvernemental qui sont plus spécifiquement en jeu en France et au Québec dans le cas de situations de risques sanitaires environnementaux. Des groupes de discussion ont été menés auprès de plus de 40 experts et chercheurs appartenant aux milieux universitaire, gouvernemental et paragouvernemental, spécialistes des problématiques sanitaires environnementales. En France, des entretiens individuels complémentaires ont été menés avec 11 personnes.

L'inventaire des controverses sur les risques sanitaires environnementaux

L'enquête comparative menée en France et au Québec a permis de dresser un inventaire des situations de risque sanitaire environnemental qui ont fait l'objet de controverses au cours des dix dernières années. Des constantes sont apparues entre les deux sites à l'étude :

  • Chaque groupe d'informateurs a cité des situations locales autant que nationales;
  • Les risques industriels et les risques agroalimentaires représentent la part la plus importante des controverses citées;
  • Les situations de risque mentionnées ont été associées à l'eau, à l'air et au sol, composantes associées à la définition classique de l'environnement;
  • Des controverses associées à des substances chimiques ont été citées sur les deux sites, même si ce ne sont pas les mêmes composés qui semblent créer le débat.

Parmi les risques controversés similaires en France et au Québec, notons le bisphénol-A, les pesticides agricoles, les installations nucléaires, les sites industriels contaminés, les lignes à haute tension et les rejets pharmaceutiques dans l'eau.

Certaines controverses importantes au Québec n'ont aucunement été citées en France, telle la production porcine ou les sites d'enfouissement des matières résiduelles domestiques. Certaines controverses sont beaucoup plus fréquemment citées sur l'un des sites. Au Québec par exemple, la qualité de l'air ambiant, la pollution atmosphérique, l'eau et les changements climatiques retiennent davantage l'attention. Enfin, des situations sont jugées émergentes au Québec, comme les nanotechnologies, les OGM et les éoliennes. Ces situations sont déjà des controverses bien établies en France.

Les facteurs de controverses publiques

Les résultats de l'enquête ont mis au jour des facteurs ayant contribué aux controverses publiques sur les risques énoncés, dont plusieurs ont été cités et décrits de façon similaire par les informateurs français et québécois. Par exemple :

  • La mobilisation des groupes de pression (ou associations);
  • L'interpellation des médias;
  • Les valeurs sociales.

L'action de certains acteurs est appréciée plus négativement au Québec :

    Les « lanceurs d'alerte », surtout lorsqu'il s'agit de scientifiques prenant publiquement la parole;
  • Les autorités gouvernementales, y compris celles de santé publique, lorsqu'elles se mêlent aux débats d'opinion.

Le rôle des scientifiques est perçu différemment dans les deux sites. Par exemple, au Québec une grande responsabilité leur est attribuée dans les conflits.

Ces éléments font écho à certains modèles d'analyse du problème public. Ils soulignent l'importance de la formulation d'une demande par des groupes sociaux particuliers et l'existence de conflits entre ceux-ci et l'État. L'influence des valeurs, perceptions et représentations sociales des acteurs appuie aussi l'idée que le problème public se construit, tout comme le risque. Enfin, l'ensemble de ces facteurs ajoute aux critiques formulées sur la société actuelle dite de « risque zéro ».

Les facteurs de mise à l'agenda gouvernemental

L'enquête a voulu expliquer pourquoi les gouvernements français et québécois s'intéressent à certains risques et les mettent à l'agenda. Des facteurs semblent comparables pour la France et le Québec, soit l'action des groupes d'intérêt et la médiatisation des situations de risque. Des éléments diffèrent cependant entre les deux sites. Au Québec, les élus politiques paraissent plus présents. En France, les données scientifiques et les expertises semblent davantage mises de l'avant, et les agences de santé publique ont une place centrale.

Des mécanismes institutionnels variés ont été identifiés, bien qu'ils n'aient pas toujours été nommés spontanément par les informateurs. Un questionnement commun émerge chez les informateurs français et québécois quant à la portée d'instances de consultation, comme le Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE) et la Commission nationale des débats publics (CNDP).

Retombées de la recherche et perspectives d'avenir

Cette recherche montre l'intérêt d'étudier davantage la mise à l'agenda gouvernemental pour documenter les situations de risques sanitaires environnementaux, et plus particulièrement celles faisant l'objet de controverses.

L'étude sociopolitique de la mise à l'agenda du risque est peu documentée. Le développement de méthodologies, de cadres conceptuels et de répertoires de situations de risque constitue un apport pertinent et intéressant pour la compréhension et l'étude critique du sujet. La démarche de recherche suggère enfin le développement d'un réseau francophone pour l'étude des risques sanitaires environnementaux.


1Aujourd'hui intégrée au sein de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES).

Auteur(-trice)s
Geneviève Brisson
experte et chercheure d’établissement, Institut national de santé publique du Québec
Dominique Gagné
conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (électronique)
978-2-550-62165-2
ISBN (imprimé)
978-2-550-62164-5
Notice Santécom
Date de publication