Participation sociale des aînés : la parole aux aînés et aux intervenants

La participation sociale est centrale dans les recherches, dans les politiques sociales et dans les interventions relatives aux aînés. Cette notion nous incite à réviser nos représentations du vieillissement, laissant poindre de nouvelles significations et attentes. Être (mis) en retrait de la société pour des motifs d'âge apparaît désormais comme un anachronisme, alors qu'une large proportion des aînés peut et souhaite formuler divers « projets de vie ». Leurs contributions sociales font l'objet d'une reconnaissance unanime, sont jugées indispensables pour différentes sphères d'activité, notamment bénévoles. Si l'on peut reconnaître le potentiel de mobilisation offert à la gérontologie par la participation sociale, il est en même temps primordial de permettre aux aînés et aux personnes qui interviennent auprès d'eux d'articuler leurs propres visions en la matière.

Le présent rapport présente les résultats de treize groupes de discussion menés dans la région de la Capitale-Nationale afin d'explorer le sujet de la participation sociale des aînés. L'objectif de cette recherche était de donner la parole aux aînés et aux intervenants interpellés par la participation sociale, et ce, dans le but de nourrir des actions qui soient adaptées aux conceptions et aux besoins exprimés. Trois questions principales ont animé la recherche : comment des aînés et des personnes qui travaillent avec/pour eux conçoivent-ils la notion de participation sociale? Qu'est-ce qui influence la participation sociale des aînés? Quelles interventions pourraient être proposées pour encourager cette participation sociale? Afin de reconnaître la diversité des opinions et des expériences, une attention particulière a été portée au recrutement de participants au profil varié. Par exemple, un groupe était formé d'aînés bénévoles dans différentes organisations, alors que d'autres étaient formés d'aînés fréquentant un centre de jour, d'aînés ayant une déficience intellectuelle, etc. Du côté des intervenants, nous avons réuni des personnes œuvrant dans les établissements du réseau de la santé et des services sociaux, dans des organismes communautaires, ou encore dans des instances de concertation. Au total, plus d'une centaine de personnes ont pris part à la recherche.

En ce qui concerne le premier objectif des groupes de discussion — c'est-à-dire examiner de quelles façons les participants voyaient ou définissaient la participation sociale —, les résultats ont été classés dans six catégories non mutuellement exclusives. Ainsi, les membres des groupes de discussion parlaient de la participation sociale comme une pratique permettant de :

  • Voir du monde et développer des relations significatives;
  • Vivre des activités plaisantes en groupe;
  • S'impliquer dans un projet collectif;
  • Aider et s'entraider;
  • Transmettre des savoirs;
  • Augmenter leur pouvoir dans les décisions qui les concernent.

Ces six dimensions ou expériences de la participation sociale sont présentées sous la forme d'une mosaïque. On pourrait aussi parler des « ingrédients » d'une participation sociale satisfaisante. Toutes les composantes apparaissent centrales tout en n'étant ni individuellement obligatoires, ni positionnées hiérarchiquement les unes par rapport aux autres. Cela permet de valoriser la pluralité des visions de la participation sociale, ainsi que de mettre l'emphase non pas sur une norme ou une contribution attendue des aînés, mais plutôt sur les manières dont ils peuvent et veulent participer.

Par rapport au deuxième objectif des groupes de discussion, qui entendait discerner les facteurs qui contribuent à favoriser ou à freiner la participation sociale des aînés, les résultats ont été classés en trois grandes catégories :

Les facteurs organisationnels concernent l'aménagement, la structure et les activités des milieux de participation. Parmi ces facteurs, on retrouve l'accueil offert aux personnes les fréquentant; la place laissée à la liberté de choix et d'action des individus; les potentiels obstacles à l'accès, qu'ils soient architecturaux, économiques ou culturels; ainsi que les moyens par le biais desquels les informations sont transmises.

Les facteurs sociaux réfèrent aux diverses dimensions de la vie en société, notamment démographiques, économiques, politiques et culturelles. Ces dimensions ont trait aux transformations démographiques et à l'éventail des images et idées reçues qui les accompagnent; aux rapports entre les différentes générations; ou encore aux pratiques âgistes qui peuvent mener à stéréotyper et à discriminer les aînés.

Les facteurs individuels traitent des éléments relatifs au parcours de vie, à la personnalité et aux choix et préférences des individus. On peut nommer les expériences de vie antérieures ou concomitantes à la période de la « vieillesse »; les valeurs et les attitudes quant au rôle social des aînés; la trajectoire du projet personnel de « retraite »; et enfin, l'harmonisation entre divers types d'engagements et d'obligations.

Bien qu'ils soient présentés sous la forme de catégories, il s'avère opportun de ne pas prendre isolément ces facteurs et de les traiter de manière circulaire. Chacun a, en effet, des dimensions ou des implications individuelles, organisationnelles et sociales. Ce constat nous rappelle qu'au-delà d'une valorisation unanime et non différenciée de la participation sociale, il est essentiel de comprendre que tous n'ont pas les mêmes possibilités, conditions et aspirations envers elle. Plus qu'une « liste d'épicerie », il faut voir dans ces résultats des points d'appui pour la réflexion, une sorte de grille de lecture et d'analyse d'un milieu, d'un groupe ou d'une personne par rapport à la participation sociale.

À l'égard du troisième objectif de la recherche, l'identification d'actions pour favoriser et mieux soutenir la participation sociale des aînés, des pistes nombreuses et variées ont été suggérées. Sur le plan de l'organisation des milieux de participation, il pourrait être judicieux d'offrir un suivi individualisé pour accompagner les aînés dans leurs choix de projets ou d'activités de retraite. Il serait aussi essentiel d'encourager les milieux de participation à être plus respectueux des situations de vie et des désirs des aînés, notamment en accroissant l'accessibilité des espaces participatifs pour les aînés ayant une limitation physique et en s'assurant que les horaires correspondent aux disponibilités des gens. Il paraît également crucial d'assurer l'accès à une information appropriée et compréhensible, ainsi que de construire des collaborations fructueuses entre établissements et organismes d'action communautaire autonome. Les pistes d'action sociales interpellent des changements quant aux rapports entre les citoyens. Elles nous rappellent que si la volonté de favoriser la participation sociale des aînés peut se traduire par des politiques, des programmes et des interventions, elle ne peut faire l'économie d'une transformation en profondeur des relations entre les différents groupes sociaux et générations. Il apparaît indispensable de lutter contre l'âgisme, de métamorphoser notre rapport collectif à la vieillesse, ainsi que de multiplier les initiatives intergénérationnelles et interculturelles afin d'assurer la « mixité » des lieux de participation. En matière d'intervention individuelle, on souligne l'importance de développer des façons novatrices pour contacter des aînés plus « isolés », de transmettre chez davantage de personnes le souci d'engagement social, ainsi que de soutenir le partage de pouvoir et l'instauration de structures démocratiques dans les milieux de participation sociale.

Ces résultats offrent des repères pour l'action et l'occasion de considérer simultanément plusieurs interfaces d'intervention permettant d'augmenter l'efficacité des actions menées. Par exemple, intervenir avec un angle individuel sans repenser certains aspects des organisations ou sans intégrer des dimensions d'ordre sociétal risque de mener à des changements de brève durée et de courte portée. À l'inverse, approcher la participation sociale des aînés dans une perspective uniquement structurelle, essentiellement centrée sur des aspects organisationnels et culturels, pourrait faire oublier que les réalités et les représentations individuelles sont des incontournables qui doivent faire l'objet d'une attention particulière.

Les résultats présentés dans ce rapport de recherche pourront inspirer les personnes et les groupes désireux de favoriser la participation sociale des aînés. Sans offrir un guide de pratique, ils constituent des balises de réflexion et d'action ancrées dans une approche à la fois critique, pragmatique et solidaire de la participation sociale des aînés. Nos travaux confirment que la participation sociale est un objet d'étude et d'intervention doté d'un haut niveau de complexité. S'il est possible d'aborder une à une les différentes facettes de la participation, comme nous le proposons ici, nos résultats réfutent la possibilité de considérer la participation sociale comme une dynamique que l'on peut réduire à l'addition de certains facteurs. Faire le pari de favoriser la participation sociale des aînés va au-delà de créer un tel espace de participation ou d'assurer l'accès à un tel local de réunion, bien que ces mesures puissent être nécessaires. Il faut être conscient qu'en évoquant et en souhaitant la participation sociale, nous évoquons et souhaitons également une métamorphose des rapports sociaux.

Auteur(-trice)s
André Tourigny
M.D., médecin spécialiste, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (électronique)
978-2-550-65059-1
ISBN (imprimé)
978-2-550-65058-4
Notice Santécom
Date de publication