Étude sur la présence de résidus chimiques dans les aliments consommés au Québec

L'importance d'une saine alimentation dans la promotion de la santé et la prévention des maladies chroniques souligne la pertinence de surveiller la qualité des aliments offerts aux consommateurs québécois. L'adoption d'une saine alimentation composée d'aliments variés ne devrait pas être accompagnée d'une exposition à des contaminants d'origine alimentaire à des niveaux qui sont néfastes pour la santé.

Selon les recherches, il n'existe pas actuellement de rapport global de ce type d'exposition pour la population québécoise. C'est pourquoi le présent document dresse un portrait descriptif de la présence de résidus chimiques dans les aliments consommés au Québec. Cette compilation d'informations jusqu'alors éparses constitue donc une première étape afin d'effectuer un tour d'horizon de la situation de l'innocuité des aliments dans la province.

Pour ce faire, le portrait des différents acteurs chargés de l'innocuité alimentaire de même que des programmes et des législations relatifs à ce sujet a d'abord été tracé. Puis, l'établissement des limites réglementaires de résidus chimiques dans les aliments a été décrit.

Ensuite, les données publiques sur la contamination des aliments au Québec et au Canada ont été recherchées. Seules des sources de données issues des programmes fédéraux de surveillance des aliments étaient disponibles. Celles qui touchent spécifiquement le Québec ou l'ensemble du pays en incluant le Québec ont été privilégiées.

Dans un premier temps, les résultats d'échantillonnage d'aliments choisis au hasard du Programme national de surveillance des résidus chimiques de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) ont été sélectionnés. Ensuite, dans le cas des aliments d'origine végétale, les pourcentages de détection et les taux de conformité des pesticides et des métaux présents dans les fruits et les légumes frais canadiens et importés ont été colligés. Les pesticides dans les fruits et les légumes ont été priorisés à partir des pourcentages de détection des pesticides les plus fréquemment obtenus par l'ACIA et des taux de consommation des fruits et des légumes les plus consommés par les Canadiens. Du côté des aliments d'origine animale, les pourcentages de détection et les taux de conformité des médicaments vétérinaires, des métaux et des pesticides ont été colligés pour les viandes canadiennes ainsi que pour les œufs canadiens et importés.

Dans un deuxième temps, les résultats de l'Étude canadienne sur l'alimentation totale, publiés sur le site Internet de Santé Canada ou ayant fait l'objet d'une publication dans la littérature scientifique, ainsi que les rapports et les publications scientifiques issus des études sur les contaminants chimiques réalisées par les différentes divisions du Bureau d'innocuité des produits chimiques de Santé Canada ont été consultés.

Dans un troisième temps, des données sur la contamination de ressources alimentaires aquatiques du Saint-Laurent issues de quelques travaux de l'Entente Canada – Québec sur le Saint-Laurent ont aussi été compilées. Cette entente n'est toutefois pas un programme spécifique de salubrité des aliments.

Enfin, une détermination des contaminants en émergence, c'est-à-dire ceux auxquels un nouvel intérêt est porté et ceux non encore inclus dans les programmes de surveillance, a été réalisée à partir du périodique scientifique Food Additives and Contaminants et de la base de données bibliographiques PubMed.

Les résultats obtenus à partir des données de l'ACIA et de Santé Canada permettent, tout d'abord, de constater que les pesticides dans les fruits et les légumes demeurent une source de contamination prioritaire à surveiller étant donné qu'ils y sont fréquemment détectés et que leur présence est continue dans le temps. De plus, 17 pesticides prioritaires, parmi ceux recherchés par l'ACIA, ont été détectés dans les fruits et les légumes. Quant aux pourcentages de détection des pesticides dans les viandes et les œufs, ils sont inférieurs à ceux trouvés dans les fruits et les légumes.

Les données de l'ACIA et de Santé Canada permettent de constater que plusieurs aliments contiennent plus d'un pesticide et que plusieurs pesticides sont détectés dans plus d'un aliment. Néanmoins, les concentrations de résidus mesurées respectent en général les limites maximales établies.

Par ailleurs, les métaux et les éléments sont détectés dans tous les aliments. À proprement parler, il ne s'agit pas d'une contamination, puisque les métaux et les éléments se trouvent naturellement dans l'environnement et que certains d'entre eux sont essentiels aux organismes vivants. Le mercure dans le poisson fait toutefois exception étant donné qu'il s'agit du seul métal pour lequel on a observé des dépassements de la dose journalière admissible provisoire (DJAP) chez les jeunes enfants.

L'importance de la présence de pesticides et de métaux dans les aliments est renforcée par les revues de littérature réalisées par les auteurs de la présente étude exploratoire dans Food Additives and Contaminants et dans PubMed. Ces revues permettent de relever un nombre important de publications traitant de ces deux classes de contaminants.

Globalement, la contamination par les médicaments vétérinaires des viandes échantillonnées par l'ACIA apparaît inférieure à la contamination par les pesticides des fruits et des légumes. En effet, les pourcentages de détection des médicaments vétérinaires sont nettement inférieurs aux pourcentages de détection des pesticides dans les fruits et les légumes. Les antibiotiques et les hormones présentent les pourcentages de détection les plus élevés. De même, les concentrations mesurées sont faibles et, dans plus de la moitié des cas, leurs valeurs sont inférieures à 10 % de la limite maximale de résidus (LMR). Quelques données sur les poissons et les fruits de mer provenant des études de Santé Canada montrent que les pourcentages de détection dans ces aliments sont plus élevés que ceux observés par l'ACIA pour les viandes.

D'autres contaminants présents dans les aliments ont été retrouvés par Santé Canada, et leur présence est discutée dans le présent document. Il s'agit des radionucléides, des biphényles polychlorés (BPC), des dioxines/furanes, des composés perfluorés, des butylstannanes, des mycotoxines, du benzène, de l'acrylamide, du bisphénol A, du semicarbazide, des éthers diphényliques polybromés et de la mélamine.

En ce qui concerne les données extraites des travaux de l'Entente Canada – Québec sur le Saint-Laurent, elles montrent que la contamination des ressources alimentaires provenant du Saint-Laurent est généralement faible. Par contre, quelques contaminations soulèvent certaines préoccupations (mercure, arsenic, BPC et cadmium).

Pour ce qui est des contaminants en émergence, deux classes ressortent sans difficulté, soit celle des mycotoxines et celle des contaminants migrant des produits d'emballage. Il s'avère important de suivre la littérature scientifique à leur sujet.

Certaines lacunes dans l'état des connaissances au sujet d'autres sources de contamination ont été relevées. Par exemple, les données de l'ACIA sur les produits laitiers et les produits transformés sont limitées. De plus, elles ne touchent pas les poissons, les fruits de mer, les céréales, les graines oléagineuses et les légumineuses. Le manque de données concernant les aliments transformés; les poissons et les fruits de mer; et les produits céréaliers est en partie comblé par les études spécifiques de Santé Canada et par l'Étude canadienne sur l'alimentation totale dans lesquelles tous les aliments régulièrement consommés par la population ont été échantillonnés. Par contre, les différentes campagnes d'échantillonnage de l'étude sur l'alimentation totale ne se poursuivent pas année après année, et le recours aux échantillons composites ne permet pas de connaître la variabilité des concentrations mesurées.

Enfin, l'évaluation de l'exposition aux contaminants chimiques en provenance des aliments pourrait être bonifiée. En effet, la variabilité des doses reçues par les aliments pourrait être mieux définie avec, entre autres, des évaluations probabilistes. De plus, l'exposition par ingestion d'aliments pourrait être mise dans une perspective plus globale, par exemple en regroupant toutes les autres voies d'exposition. Des études de biosurveillance, dans lesquelles seraient mis en relation les aliments consommés et les concentrations de différents contaminants mesurées dans les milieux biologiques, seraient importantes à réaliser.

Auteur(-trice)s
Denise Phaneuf
M. Sc., pharmacienne, Institut national de santé publique du Québec
Denis Belleville
Institut national de santé publique du Québec
Louise Normandin
Ph. D., chercheuse d’établissement, Institut national de santé publique du Québec
Marie-Hélène Bourgault
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (électronique)
978-2-550-66727-8
ISBN (imprimé)
978-2-550-66726-1
Notice Santécom
Date de publication