Dosage du glucose sanguin hors laboratoire dans les établissements de santé du Québec

Le dosage du glucose sanguin hors laboratoire (GSHL) dans les unités de soins des divers types de Centres hospitaliers (CH) ou dans les Centres locaux de service communautaires (CLSC) du Québec est bien établi et de toute évidence pour y demeurer. L'exécution de plusieurs autres analyses de laboratoire pourrait suivre la même route décentralisatrice dans un avenir rapproché. Il y a donc beaucoup à apprendre de ce premier déploiement d'importance afin de pouvoir maximiser le bénéfice des développements futurs, particulièrement en terme de la qualité de l'encadrement professionnel.

Le Comité d'assurance qualité en biochimie, rattaché au Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ), dont le mandat est de veiller à la qualité des analyses de biochimie des laboratoires publics ou privés du Québec, a donc tenté de mesurer, par sondage, la qualité de l'encadrement professionnel de cette première décentralisation d'importance de l'exécution d'une analyse de laboratoire.

Un questionnaire fut donc distribué à tous les CH et CLSC du Québec. Les objectifs principaux étaient de mesurer

  1. l'ampleur et la modalité du déploiement, et surtout
  2. la nature et la qualité de l'encadrement professionnel.

Afin de pouvoir relativiser l'expérience québécoise, les résultats sont à l'occasion comparés à ceux publiés aux États-Unis dans un sondage similaire du College of American Pathologists (CAP).1

Comme le réseau des CH et celui des CLSC correspondent à deux réalités bien différentes, les répondants (établissements) sont tout d'abord classés selon cette première appartenance. Le réseau des CH est par la suite divisé en quatre sous-groupes : CH à désignation universitaire, CH sans désignation universitaire de soins de courté durée, CH de soins de longue durée, et finalement les regroupements autour d'un CH. Pour leur part les CLSC forment deux sous-groupes : celui des CLSC pris individuellement, et celui des regroupements autour d'un CLSC. Cette classification des «nbsp;établissementsnbsp;» en six sous-groupes s'est révélée particulièrement pertinente et a été la principale classification maintenue durant toute l'étude. Nous voulons cependant souligner immédiatement que les CHSLD, quoique théoriquement des CH ont souvent répondu au sondage dans le même sens que les CLSC. La répartition géographique des répondants (établissements) dans les dix-huit régies régionales, leur statut universitaire, la présence d'une fonction d'enseignement (présence de stagiaires) ainsi que la capacité d'accueil (nombre de lits) sont aussi traités.

Déploiement

Le dosage du glucose sanguin est une analyse qui classiquement se faisait uniquement dans les laboratoires hospitaliers publics et privés, et implique essentiellement deux groupes de professionnels de la santé, soit les biochimistes et les technologistes médicaux. Or, l'exécution des dosages de glucose sanguin hors laboratoire (GSHL) dans les CH et CLSC du Québec fait appel, comme nous le verrons, à un troisième et important groupe de professionnels de la santé, les infirmières.

Après un bref historique du développement des GSHL, le sondage examine en premier lieu comment se distribue l'implication des différents groupes de professionnels de la santé (laboratoire, infirmières, administrateurs), dans le programme de GSHL au Québec selon le réseau d'appartenance (CH ou CLSC) et selon la présence/absence d'un laboratoire dans l'établissement. Cette implication est étudiée tant au niveau individuel que collectif (inter-professionnel ou inter-établissements). Le sondage décrit une réalité de deux réseaux largement isolés, celui des CH et celui des CLSC, en plus de celle de la pauvreté de l'implication des CH (avec laboratoire) auprès des établissements sans laboratoire (CLSC).

En général, la formation (initiale) apparaît être essentiellement faite par les infirmières et les manufacturiers, même étonnamment, dans le groupe des CH. Dans les CH de soins de courte durée (CHUAI et CHSGS) elle apparaît axée davantage sur la théorie que sur la pratique contrairement à celle donnée en CLSC et CHSLD, plus axée sur la pratique. Au niveau de la vérification des habilités acquises (formation continue) on note toujours la présence majoritaire des infirmières, mais sans les manufacturiers cette fois. La fréquence de vérification nous apparaît, au Québec, de beaucoup inférieure à celle rapportée dans l'étude du College of American Pathologists. Étonnamment 30 % des établissements québécois rapportent ne jamais faire de formation continue, et 20 % rapportent ne la faire qu'au besoin, donc la moitié du réseau serait sans formation continue périodique structurée.

Par contre, la priorisation des sujets de formation apparaît la même dans tous les groupes, selon l'ordre de fréquence suivant : considérations opérationnelles (prélèvements et opération du moniteur), professionnelles (utilité clinique, contrôle de qualité), et administratives (enregistrement des données, archivage).

L'exécution des GSHL apparaît essentiellement réalisée par les infirmières auxiliaires, qui utiliseraient à cette fin environ 8 000 moniteurs acquis principalement de quatre (4) manufacturiers : 60 % de ces moniteurs seraient utilisés dans les CH et CH+ (regroupement d'établissements autour d'un CH principal) contre 40 % dans les CLSC et CLSC+ (regroupement d'établissements autour d'un CLSC principal). Le nombre de moniteurs utilisés par établissement varie considérablement de quelques-uns à plus de 100 dans quelques grands CH universitaires; le plus souvent les établissements utiliseraient de 11 à 30 moniteurs. Quoique difficile à évaluer, le nombre de dosages exécutés quotidiennement à la grandeur du Québec serait de l'ordre 6 000 à 11 000, dont environ 80 % dans les CH et CH+ contre 20 % dans les CLSC et CLSC+. À l'exception de certains CH de soins de courte durée qui apparaissent faire plus de 150 dosages quotidiennement, la grande majorité des établissements (CLSC et CHSLD) semblent effectuer moins de 40 dosages par jour.

Il est regrettable de noter que les laboratoires apparaissent impliqués dans ces processus d'acquisition que dans les CH de soins de courte durée (CHUAI et CHSGS). Exception faite d'une évaluation théorique et pratique réalisée dans environ 35 % des cas, les autres éléments du processus d'acquisition (analyse de besoins, appel d'offres, démonstration...) ne semblent être pris en compte que dans 10 à 20 % des cas.

Gestion de la qualité

L'importante implication des professionnels de laboratoire dans la gestion de la qualité des résultats de GSHL semble malheureusement limitée aux CH de soins de courte durée. Dans les autres types d'établissements, cette responsabilité apparaît essentiellement assurée par les infirmières.

Les programmes de contrôle interne de la qualité ont pour objectif d'assurer la stabilité des résultats d'un dosage indépendamment, entre autres, de l'exécutant ou du moment du dosage. Ces programmes ne sont malheureusement présents que dans un peu plus de 50 % des CLSC et CHSGS, comparativement à près de 100 % des CH de soins de courte durée, tout comme dans l'étude du CAP. De façon générale, la fréquence d'exécution de ces programmes apparaît beaucoup plus faible au Québec que dans cette dernière étude.

Le sondage note étonnamment que dans près des deux tiers des établissements les critères d'acceptabilité/non-acceptabilité des résultats de contrôle interne de la qualité proviennent des manufacturiers et non des groupes professionnels, notamment des spécialistes de laboratoire. Par contre, les deux tiers des établissements déclarent avoir des procédures de traitement des résultats hors normes de contrôle interne de qualité. La révision des résultats de contrôle interne de qualité est faite par les infirmières, les biochimistes ou les technologistes respectivement dans 60 %, 30 %, et 9 % des établissements.

Lorsque des résultats d'analyse sont effectués hors laboratoire, la similitude des résultats est habituellement assurée par une comparaison périodique avec un laboratoire. Étonnamment seulement quelque 30 % des établissements ont répondu faire cette comparaison des résultats de GSHL avec un laboratoire; ce taux apparaît deux fois plus faible que dans l'étude du CAP.

La fréquence de comparaison de même que la présence d'une norme d'écart maximal d'acceptabilité entre les deux groupes de résultats (laboratoire vs GSHL) apparaissent moins fréquentes au Québec que dans l'étude du CAP.

En conclusion

Au Québec, sur le plan professionnel, le dosage des GSHL apparaît essentiellement chapeauté par les infirmières tant au niveau de l'exécution des analyses que de l'encadrement des activités directes et connexes. Le réseau des établissements de santé apparaît scindé en deux groupes : d'une part, celui des CH de soins de courte durée, d'autre part, celui des CLSC et des CH de soins de longue durée. Les deux groupes apparaissent opérer différemment et isolément. L'absence d'implication des établissements avec laboratoire (CH) auprès de ceux sans laboratoire (CLSC, CHSLD) est regrettable puisque ce dernier groupe utilise environ 40 % des moniteurs et exécute quelque 20 % des dosages.

Lorsque comparé aux données du sondage du College of American Pathologists le programme québécois de dosage des GSHL apparaît moins bien encadré, particulièrement au niveau de la gestion de la qualité.


1 College of American Pathologists Q-Probes : «nbsp;Bedside Glucose Monitoringnbsp;» 94-01

ISBN (imprimé)
2-550-41294-X
Notice Santécom
Date de publication