Synthèse de connaissances sur l’efficacité des interventions de contremarketing pour prévenir l’initiation au tabagisme chez les jeunes

Cette synthèse de connaissances a pour objectif de mettre à jour la section portant sur le marketing et le contremarketing, d’un avis de l’INSPQ sur la prévention du tabagisme chez les jeunes publié en 2004. Les interventions de contremarketing sont des interventions qui utilisent les tactiques du marketing commercial pour réduire la prévalence de l’usage du tabac. Elles comprennent entre autres les campagnes médiatiques antitabac qui s’adressent aux jeunes, les interventions d’éducation aux médias, de même que les interventions visant à diminuer l’acceptabilité de l’usage du tabac et à promouvoir les normes sociales positives entourant le non-usage du tabac.

Plusieurs lois et règlements limitant sévèrement le marketing des produits du tabac ont été adoptés depuis 2004 au Québec. Toutefois, l’industrie du tabac a trouvé des façons de s’adapter et de rejoindre sa clientèle, et de nouveaux produits ont fait leur apparition. Cette recension n’abordera pas les lois et règlements déjà implantés.

La recension des écrits a permis de dresser les constats suivants :

  • Les campagnes médiatiques de contremarketing sont efficaces pour lutter contre le tabagisme chez les jeunes;
  • Les effets de la campagne médiatique américaine Truth sont confirmés par plusieurs études rigoureuses; elle a entraîné aux États-Unis une baisse de la perception de la prévalence du tabagisme chez les jeunes  ainsi qu’une diminution de l’initiation au tabagisme et de la progression vers l’usage régulier de tabac;
  • Des campagnes diffusées à plus petite échelle ont également démontré des effets, soit une diminution de l’usage de tabac et une diminution des risques d’expérimenter le tabac;
  • Un certain niveau d’exposition à une campagne médiatique est nécessaire pour en observer les effets; les quatre campagnes médiatiques ayant démontré leur efficacité ont duré au moins trois ans;
  • Plusieurs campagnes démontrées efficaces dénoncent les pratiques de l’industrie du tabac et suscitent des émotions négatives fortes, deux caractéristiques recommandées en 2004;
  • Certaines caractéristiques de l’auditoire, comme le statut tabagique et l’âge, et du message, comme la cohérence entre le contenu et l’orientation, pourraient atténuer ou accentuer les effets d’une campagne médiatique;
  • Pour assurer l’efficacité d’une campagne, l’implication de jeunes du public cible est recommandée tout au long du processus, à partir de la conception des messages jusqu’au choix des porte-parole et des canaux de diffusion; de plus, les jeunes impliqués devraient être sélectionnés pour refléter la diversité du public cible aux niveaux ethnique, socioéconomique et culturel.

La grande variabilité du contenu contremarketing et de la qualité méthodologique des études ayant évalué des interventions d’éducation aux médias, de plaidoyer pour contrer les influences pro tabac et de sensibilisation aux tactiques de l’industrie ne permet pas de statuer sur leur efficacité mais certaines interventions semblent prometteuses. C’est le cas des interventions qui impliquent les jeunes dans un projet qui fait appel à leur créativité et leur analyse critique.

Les interventions québécoises qui utilisent le contremarketing pour prévenir l’initiation au tabagisme, comme les campagnes médiatiques du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), la campagne De Facto et les interventions du Conseil québécois sur le tabac et la santé partagent certaines caractéristiques avec les interventions démontrées efficaces. Les campagnes médiatiques récentes du MSSS mettent de l’avant les effets rebutants et nocifs de la consommation de tabac pour la santé et les relations sociales avec un ton négatif, ce qui est recommandé par les grands organismes de santé. La campagne De Facto quant à elle, partage plusieurs caractéristiques efficaces avec la campagne Truth, de laquelle elle s’inspire d’ailleurs : elle dénonce les manipulations de l’industrie du tabac tout en évitant d’imposer aux jeunes une conduite particulière quant au tabagisme.

Depuis 2004, les moyens de communication ont évolué très rapidement, au Québec comme ailleurs dans le monde. La littérature scientifique n’évolue pas aussi rapidement et reflète le portrait d’une situation qui prévalait il y a plusieurs années. De fait, on constate un certain décalage entre, par exemple, les études publiées rapportant l’efficacité de campagnes médiatiques diffusées principalement à la télévision et à la radio, et les principaux moyens de communication prisés par les jeunes aujourd’hui, soit Internet et les possibilités qu’offre le téléphone intelligent. De plus, les interventions évaluées portent uniquement sur la cigarette, alors que la consommation de produits du tabac s’est grandement diversifiée, et que la cigarette électronique, qui n’est pas un produit du tabac mais qui peut s’y apparenter, suscite la curiosité des jeunes au Canada.

Au cours des prochaines années, les études sur les interventions de contremarketing visant à prévenir le tabagisme devraient éventuellement permettre d’analyser l’efficacité des interventions utilisant les nouveaux moyens de communication. L’efficacité des interventions visant à diminuer les représentations du tabagisme dans les films et les jeux vidéo sera également à surveiller, de même que les effets du marketing de la cigarette électronique sur les jeunes. 

Auteur(-trice)s
Annie Montreuil
Ph. D., chercheuse établissement, Institut national de santé publique du Québec
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-79384-7
Notice Santécom
Date de publication