La fumée de tabac secondaire : effets sur la santé et politiques de contrôle de l'usage du tabac dans les lieux publics

Cette recension des écrits scientifiques sur la fumée de tabac secondaire (FTS) et sur les politiques de restriction de l'usage du tabac a été réalisée dans le but de soutenir le processus de révision de la Loi québécoise sur le tabac amorcé au Québec en janvier 2005. Ce projet de loi s'est achevé le 1er juin 2005 avec l'adoption à l'unanimité, par l'Assemblée nationale, de la loi 112. En vertu de cette loi, qui modifie la Loi sur le tabac (L.R.Q., c. T- 0.01), il sera interdit de fumer dans tous les restaurants et les bars du Québec à compter du 31 mai 2006. Sans être exhaustive, cette recension se veut une synthèse des principales recherches scientifiques réalisées en Europe, aux États-Unis et au Canada depuis 1997. Elle vise principalement à documenter l'impact de la FTS sur la santé des non-fumeurs, notamment celle des travailleurs de la restauration et de l'hôtellerie ainsi qu'à examiner différentes politiques adoptées pour protéger la santé des travailleurs et celle de la population générale contre les méfaits de cette fumée secondaire.

Méthodologie

Critères de sélection de la littérature scientifique

L'accent a été mis sur les documents les plus récents, à savoir ceux publiés depuis 1997. En terme pratique, cette date permettait de concentrer la recension des écrits sur les recherches les plus récentes effectuées depuis l'adoption de la Loi sur le tabac de 1998. En terme scientifique, le choix de 1997 était aussi déterminé par la mise à jour, en fin d'année 2004, du premier rapport de la California Environmental Protection Agency (CALPA), publié en 1997. Ce document incontournable constitue, en effet, la synthèse la plus complète et la plus récente de la recherche scientifique quant au lien entre la FTS et la santé. Par ailleurs, en raison de leur contenu particulièrement éclairant quant à l'étude de ce lien entre la FTS et les conditions de santé, certains travaux de recherches publiés au début des années 90 ont aussi été retenus pour analyse. Enfin, en raison de l'abondance et de la diversité de ces matériaux, la recension se réfère essentiellement aux mises à jour les plus récentes réalisées par des organismes nationaux et internationaux réputés pour leur crédibilité scientifique dont l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et son Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de même que les Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis (USEPA) et de la Californie (CalEPA).

Une définition sommaire des concepts-clés

Dans le but de faciliter la lecture du résumé, voici une définition sommaire des principaux concepts qui fondent le rapport central.

En comparaison avec la fumée primaire, inhalée par le fumeur, la fumée de tabac secondaire est produite par la cigarette entre les bouffées et représente de 50 à 80 % de toute la fumée produite lorsqu'une personne fume. À volume égal, cette fumée secondaire contient des quantités plus importantes de produits toxiques que la fumée primaire. L'exposition à la FTS se mesure à partir de méthodes directes et indirectes. Les méthodes directes permettent de mesurer (en général sur une journée) la quantité de constituants absorbée par les personnes exposées alors que les méthodes indirectes permettent de déterminer l'exposition en mesurant la concentration d'un constituant ou plus de la FTS dans l'environnement ambiant.

Le tabagisme involontaire/tabagisme passif serait le résultat d'une exposition à la fumée de tabac ambiante, à savoir un mélange de fumée exhalée par un fumeur et de fumée dégagée par une cigarette en combustion (ou un cigare, ou une pipe, etc.) répandues dans l'atmosphère.

L'absence dans l'air de produits toxiques et de particules créées par la combustion du tabac dans un lieu intérieur constitue un environnement sans fumée.

Les politiques favorisant la création d'environnements sans fumée sont des mesures législatives, réglementaires, exécutives, administratives ou autres ayant pour objectif de prévenir et de réduire l'exposition de la population à la fumée de tabac.

Des effets du tabagisme à ceux de la FTS

Les effets dévastateurs du tabagisme sur la santé, et la littérature scientifique est éclairante à ce propos, ne sont plus à démontrer : l'usage du tabac est non seulement responsable d'un grand nombre de pathologies, mais il est aussi la cause d'un nombre élevé de décès. En 1998, au Québec seulement, on estimait à 13 295 le nombre de décès attribuable au tabagisme. De plus, 85 % de tous les décès attribués au cancer du poumon seraient causés par le tabagisme. Le tabagisme comporte également des coûts économiques et sociaux (soins de santé, application de la loi, perte de la productivité au travail ou à la maison, décès prématurés, incapacités, etc.) qu'il est possible d'évaluer à partir d'un certain nombre d'indicateurs. L'étude canadienne la plus récente portant sur ces aspects (Rehm, et al, 2006) établit à 16 996,2 M$ les coûts sociaux du tabac en 2002; ils constituent 43 % de l'ensemble des coûts sociaux de l'abus de substances (alcool 36 % et drogues illicites, 21 %). Au Québec, ces coûts sont estimés à 3 963,5 M$ et représentent 1,5 % du PIB.

La recherche épidémiologique, qu'elle soit réalisée au Québec, au Canada, aux États-Unis ou encore en Europe, fait aussi la démonstration de conséquences néfastes pour la santé des non-fumeurs lorsqu'ils sont exposés à la fumée de tabac secondaire. Les mêmes études scientifiques démontrent également que les travailleurs de l'industrie de la restauration, des bars, de l'hôtellerie et des établissements de jeux sont particulièrement exposés à la fumée secondaire encourant ainsi des risques accrus pour leur santé.

La fumée de tabac secondaire et les risques sur la santé

Le tabagisme tue; c'est démontré. Dans certaines conditions, la FTS en fait autant et les études recensées dans cette revue de littérature le démontrent. Ainsi, la grande majorité de ces études fait-elle la preuve d'une association certaine entre la présence de la fumée de tabac secondaire dans l'environnement et les conditions de santé suivantes : le cancer, en particulier celui du poumon, les conséquences sur le système respiratoire, les maladies cardiovasculaires et le retard de croissance dans le développement antepartum et postpartum.

Le cancer

Une mise à jour d'études réalisées depuis 1997 fait ressortir un lien — parfois certain, parfois probable — entre la FTS et certains types de cancers. Ainsi, on a démontré une association causale certaine entre la FTS et les cancers du poumon, des sinus nasaux et du sein chez la femme préménopausée. La même mise à jour fait aussi ressortir une association probable entre la FTS et le cancer du cerveau et les lymphomes chez l'enfant, le cancer nasopharyngé, celui du col de l'utérus et finalement de tous les sites de cancer chez les enfants comme chez les adultes. Une méta-analyse basée sur 37 études épidémiologiques réalisées auprès de conjointes non-fumeuses quantifie l'ampleur du risque supplémentaire que représente la FTS pour le cancer du poumon. Les femmes non-fumeuses qui vivent avec un conjoint fumeur ont 24 % plus de risque de développer un cancer du poumon et ce risque croît avec l'augmentation du tabagisme chez le conjoint.

Le système respiratoire

La littérature indique clairement que la fumée secondaire exacerbe et détériore une condition respiratoire déjà fragilisée. Pire encore, elle fait aussi la preuve que la FTS peut induire des maladies respiratoires chez des personnes en santé comme chez des enfants et des nourrissons. Plus de 150 études épidémiologiques réalisées sur une période de 25 ans démontrent que la FTS affecte le système respiratoire en développement des enfants et entraîne un plus grand risque de pathologies chez l'adulte. Chez les enfants en bas âge et les nourrissons, l'exposition à la FTS augmente les risques de souffrir d'infections des voies respiratoires inférieures (bronchite, bronchiolite, pneumonie, etc.) et d'écoulement chronique de l'oreille moyenne. Les adultes exposés à la FTS sont plus susceptibles de souffrir d'irritation des voies respiratoires supérieures et d'une réduction de la fonction pulmonaire. Chez les enfants comme chez les adultes, la FTS induit et aggrave les problèmes d'asthme. D'autres résultats démontrent une association probable entre la FTS et l'exacerbation de la fibrose kystique ainsi que d'autres symptômes respiratoires chroniques chez l'adulte.

Le système cardiovasculaire

Les études scientifiques le confirment : si le fait d'être exposé à la FTS endommage sévèrement le système respiratoire des non-fumeurs, il en est tout autant pour le système cardiovasculaire. Les recherches recensées concluent en effet qu'il existe une association certaine entre la FTS et la mortalité par maladies cardiaques et démontrent un lien certain entre la FTS et la morbidité coronarienne aiguë et chronique. Enfin, soulignons qu'il existe aussi une association certaine entre la FTS et l'altération des propriétés vasculaires. La question du lien entre la FTS et la santé cardiovasculaire est d'autant plus pertinente pour la santé publique que cette légère augmentation du risque liée à la FTS induit un grand nombre de cas additionnels de pathologies coronariennes et de décès prématurés dans un contexte où la prévalence des maladies cardiovasculaires dans la population est déjà élevée.

Des analyses scientifiques établissent en effet qu'un pourcentage élevé de décès par maladies cardiaques1 est attribuable à la FTS. D'ailleurs, à l'instar d'un risque accru de cancer du poumon encouru par le conjoint non-fumeur, celui-ci est également exposé à un risque accru de maladies, voire de mortalité, cardio-vasculaires.

Le développement du foetus et la santé périnatale

La recension des écrits démontre l'effet néfaste de l'exposition à la FTS sur la grossesse et le développement de l'enfant. Des associations causales certaines ont été trouvées chez les mères non-fumeuses exposées à la FTS et les conséquences suivantes : diminution du poids de naissance, faible poids à la naissance et naissance prématurée. Des associations causales certaines viennent également confirmer l'hypothèse d'un lien entre la FTS et les risques accrus du syndrome de mort subite chez le nourrisson. En outre, des associations causales probables sont signalées entre l'exposition à la FTS et les retards de croissance intra-utérin, l'avortement spontané, un plus grand risque d'atopie (prédisposition à devenir allergique à des allergènes communs) chez les enfants et une diminution de la fonction pulmonaire.

L'exposition à la FTS des travailleurs de la restauration et de l'hôtellerie et les risques associés à la santé

Les sections précédentes ont clairement fait ressortir les effets néfastes de la fumée de tabac secondaire sur la santé des personnes qui y sont exposées. L'environnement de travail est reconnu comme un des lieux où les travailleurs non-fumeurs sont le plus à risque d'être exposés à la FTS et par conséquent subir ses effets sur leur santé. De nombreuses études comparatives ont en effet été réalisées sur cet environnement avec l'objectif d'y mesurer le degré d'exposition des travailleurs à la FTS. Ces études tentent d'estimer cette exposition selon le milieu de travail, le temps d'exposition, et l'adoption ou non de politiques et de mesures de contrôle. Elles tentent également d'en documenter les effets sur la santé des travailleurs. D'autres études ont aussi été effectuées avec l'objectif d'observer plus spécifiquement encore les conditions auxquelles sont exposés les travailleurs de la restauration et de l'hôtellerie en terme de fumée de tabac secondaire.

Les travailleurs de la restauration et de l'hôtellerie et le degré d'exposition à la FTS

Les résultats des études scientifiques recensées sont éloquents; les travailleurs de restaurants et de bars sont exposés à des niveaux de FTS largement supérieurs à ceux observés dans la plupart des autres milieux de travail. Plusieurs études démontrent que les employés de bars et de restaurants travaillant dans des établissements permettant le tabagisme sans restriction présentaient des taux de cotinine sanguin significativement plus élevés que ceux observés chez les travailleurs des milieux sans tabac ou avec fumoirs. Ainsi, une étude ayant mesuré le taux de cotinine sanguin auprès de quelques 4 952 travailleurs non-fumeurs de 40 métiers différents et n'ayant subi aucune exposition à la FTS avant l'arrivée au travail fait ressortir les différences suivantes : les valeurs les plus élevées en terme de taux de cotinine sanguin étaient observées chez les serveurs de bars et de restaurants (taux de 0,47) alors que les valeurs les plus basses étaient observées chez les fermiers et les travailleurs de pépinières (taux de 0,06), la médiane des emplois étant de 0,16.

L'exposition à la FTS et le cancer chez les travailleurs de bars et restaurants

Sans refaire le tableau exhaustif de résultats présentés dans le rapport principal, rappelons qu'ils convergent vers les mêmes conclusions. D'abord, selon l'emploi occupé, selon le lieu de pratique et le nombre d'heures d'exposition à la FTS, les travailleurs ne courent pas tous les mêmes risques et ne souffrent pas tous des mêmes symptômes, que ce soit en termes de gravité ou de permanence. Il ressort cependant que les travailleurs de restaurants et de bars sont non seulement plus exposés à la FTS que tout autre travailleur, mais qu'ils courent un risque plus élevé de mortalité par cancer du poumon (durant une vie) que le risque habituel de mortalité associé à cette maladie. Plusieurs chercheurs soutiennent que jusqu'à 50 % des décès par cancer du poumon reliés à la FTS auraient un lien avec le milieu de travail. L'exposition à la FTS et les maladies cardiovasculaires chez les travailleurs de bars et restaurants Plusieurs études ont démontré une association entre les risques accrus de maladies cardiovasculaires et l'exposition à la FTS dans la population en général; de nombreuses autres ont aussi documenté un risque encore plus grand de maladies cardiaques pour les travailleurs de la restauration et de l'hôtellerie exposés à la FTS. Ainsi, certaines études révèlent que les travailleurs non-fumeurs de la restauration et de l'hôtellerie courent un risque accru de maladies cardiovasculaires pouvant atteindre jusqu'à 60 %.

FTS et autres problèmes de santé chez les travailleurs de bars et restaurants

Outre les risques encourus en terme de pathologies respiratoires et de risques cardiovasculaires, ces personnes s'exposent aussi, comme tant d'autres travailleurs non-fumeurs, à des problèmes ou des inconforts plus ou moins sévères, récurrents ou chroniques. On peut citer l'infection des bronches et/ou des voies respiratoires, l'exacerbation de l'asthme ou encore l'induction de conditions asthmatiques, l'irritation oculaire ou celle des sinus, etc. La recherche a aussi démontré que la FTS pouvait aussi être associée à plusieurs autres affections touchant par exemple le système reproducteur, comme l'avortement spontané, le cancer du col de l'utérus et les désordres du cycle menstruel.

La mesure de l'efficacité des systèmes de ventilation dans l'objectif de réduire la FTS

Une recension d‘études récentes concernant la plupart des systèmes de ventilation utilisés dans les bars, les restaurants et autres lieux de divertissements, ainsi que dans les autres milieux de travail où le tabagisme est permis, conclut à l'inefficacité de ces systèmes de ventilation. Une recherche établit même qu'il faudrait au-delà de 10 000 changements d'air par heure, soit l'équivalent d'une tornade, pour arriver à un niveau de risque acceptable pour protéger le personnel des bars de la FTS. Dans le même ordre d'idées, l'OMS confirmait, en 2000, le caractère utopique de l'opération et précisait qu'une bonne ventilation pouvait peutêtre réduire l'effet irritant de la fumée, mais ne pouvait éliminer l'ensemble des éléments toxiques. À moins que les sections fumeurs et non-fumeurs soient complètement isolées les unes des autres avec des systèmes indépendants de ventilation expulsant la fumée directement à l'extérieur, les travailleurs exposés ne peuvent espérer se préserver de la FTS; un système commun de ventilation ne ferait que disperser la fumée à travers les deux zones fumeurs et non-fumeurs.

Les recherches montrent, par ailleurs, que la gamme actuelle de technologies de ventilation ne peut à elle seule protéger adéquatement les travailleurs de la FTS. En effet, s'il est possible, avec certaines nouvelles technologies, de réduire de 90 % les niveaux de la FTS, le degré d'exposition reste encore considérablement élevé, c'est-à-dire pas moins de 1 500 à 2 500 fois le niveau de risque acceptable pour les polluants atmosphériques. L'utilisation de la ventilation pour éliminer totalement la FTS constitue par conséquent une tâche considérable sinon impossible. Des recherches mentionnent aussi, d'autre part, que les établissements qui ont appliqué des mesures pour réduire l'exposition à la fumée de tabac en restreignant son usage à quelques zones ont effectivement réduit l'exposition moyenne à la FTS. Cette exposition demeure cependant très importante encore — 60 fois supérieure environ – en comparaison avec les établissements où l'on interdit systématiquement l'usage du tabac.

Ces études scientifiques, de concert avec celles de l'OMS et plusieurs autres examinant la capacité des systèmes de ventilation à réduire la FTS, en arrivent pratiquement toutes aux mêmes conclusions : les systèmes de ventilation existants ne permettent pas de réduire l'exposition à la FTS à des niveaux acceptables et les législations limitées à des normes de ventilation sont insuffisantes pour protéger la population de la fumée secondaire. Ainsi, l'interdiction de fumer dans les lieux de travail et les lieux publics resterait la seule option possible pour protéger les travailleurs et le public des rejets toxiques dus à la combustion du tabac.

Les politiques de contrôle de l'usage du tabac dans l'environnement public : un état des lieux

Compte tenu d'un consensus croissant ressortant de la recherche à l'effet que la FTS a un impact significatif sur la morbidité et la mortalité des personnes qui y sont exposées, plusieurs pays ont commencé à promulguer de nouvelles législations et réglementations visant à limiter sévèrement voire à interdire complètement l'usage du tabac dans les lieux publics et les milieux de travail. Plus encore, l'interdiction de fumer dans les transports publics, dans certains lieux publics (ou de travail) comme les restaurants, les bars, les espaces extérieurs situés par exemple près des entrées d'édifices publics (hôpitaux, écoles, etc.), croit avec de plus en plus de force en terme de portée et de restrictions.

La Convention-cadre pour la lutte antitabac de l'OMS a d'ailleurs été développée dans l'objectif de réduire le tabagisme autant dans les pays développés que dans les pays non industrialisés. Cette convention réunit les engagements généraux des pays signataires et précise le système général de gouverne pour la lutte au tabagisme au niveau international. Une fois ratifiée, elle oblige les pays signataires à légiférer et à appliquer certaines mesures concernant l'usage du tabac et sa commercialisation.

De nombreux pays européens imposent des restrictions sur la mise en marché, la publicité, l'étiquetage et les lieux où il est permis de fumer. Parmi les pays européens les mieux cotés pour la somme de leurs interventions en abandon du tabac, on retrouve l'Islande, l'Angleterre, la Norvège et l'Irlande. Ces quatre pays arrivent d'ailleurs au premier rang dans la diminution de la prévalence du tabagisme entre 1985 et 2003 en Europe. La Norvège fut très certainement le premier pays à promulguer et à mettre en application une interdiction de la consommation de tabac dans les lieux publics sur l'ensemble de son territoire.

En 1992, la publication du rapport de l'USEPA, dont la démonstration et la reconnaissance de la FTS comme une substance cancérogène représentait la principale conclusion, fut un point tournant dans le mouvement d'interdiction de la FTS en milieu de travail aux États-Unis. Cette reconnaissance fut principalement fondée sur la démonstration d'une association certaine entre l'exposition à la FTS et le cancer du poumon. Ce même rapport avait aussi eu pour effet de sensibiliser les législateurs et les responsables des politiques aux problèmes de santé publique posés par la FTS. La tendance à l'interdiction totale du tabac découle donc des recommandations de ce rapport ainsi que de la publication de nombreuses observations scientifiques sur l'exposition à la FTS; ces travaux concluaient, entre autres choses, que l'interdiction totale de la FTS en milieu de travail constituait la seule politique réaliste et sécuritaire pour la santé des travailleurs.

Au Canada, dix provinces et trois territoires ont adopté des mesures de protection contre la FTS dans les lieux publics. Elles protègent, à des degrés divers, des catégories différentes de leur population. Sommairement, l'usage du tabac sera prochainement interdit dans les bars et restaurants de neuf provinces et territoires. Ce sera notamment le cas en Ontario et au Québec2 qui ont renforcé leur législation couvrant l'interdiction de fumer dans les endroits publics en incluant les bars, les restaurants, les salles de divertissements (casino, bingos, salles de quilles, etc.), certains immeubles et logements communautaires. En l'absence de politiques provinciales suffisamment musclées, plusieurs municipalités à travers le Canada ont développé et mis en place des réglementations antitabac pour protéger les citoyens dans leur communauté.

Bénéfices économiques et sanitaires

Des travaux de recherche portant sur l'efficacité des réglementations sur l‘usage du tabac ont été menés depuis plusieurs années dans une variété de lieux publics et de contextes nationaux. Il ressort de ces travaux un bilan nettement favorable quant aux coûts/bénéfices des lois pour un environnement sans fumée. L'éventail des bénéfices de ces politiques dépasse d'ailleurs largement les coûts qu'elles pourraient occasionner aux individus, aux entreprises ou à la société. Les non-fumeurs sont, bien sûr, les premiers à en retirer le plus grand avantage puisqu'ils sont de moins en moins exposés aux risques et autres inconvénients reliés à la FTS. Ces politiques ont aussi, par ricochet, un effet extrêmement intéressant puisqu'elles ont pour résultat d'inciter de plus en plus de fumeurs à réduire sensiblement leur consommation tabagique, voire à y mettre définitivement fin pour beaucoup d'entre eux. La Banque mondiale établit d'ailleurs, sur la base d'études effectuées sous sa gouverne, que l'adoption de mesures encore plus restrictives aurait pour effet de faire reculer encore plus le tabagisme dans les pays à forte économie, et cela, pour plus de 6 %. Dans cet ordre d'idées, d'autres études, réalisées avec l'objectif de mesurer les impacts économiques négatifs de loi antitabac dans les bars et restaurants en terme de baisse des ventes, établissent que ces craintes ne sont pas fondées. Les résultats de recherches effectuées en ce sens aux États-Unis, en Australie, en Colombie-Britannique et en Ontario font ainsi ressortir que l'interdiction de fumer dans ces lieux publics n'avait pas l'heur d'affecter les ventes de façon significative.

Des populations de plus en plus favorables à l'adoption de mesures antitabac

L'opinion et l'appui du public constituent des éléments de poids dans l'adoption de lois et de réglementations plus restrictives sur la consommation de tabac. Ainsi, là où les politiques antitabac ont été adoptées, la population en général les approuve et les respecte de plus en plus. Cette situation s'expliquerait en grande partie par le fait d'une population désormais mieux informée des effets secondaires de la FTS sur la santé, mais aussi des effets bénéfiques largement démontrés de ces restrictions sur la santé.

Conclusion

Le bilan des travaux scientifiques est éclairant : la fumée de tabac secondaire a un impact démontré sur la santé des fumeurs et des non-fumeurs. Source majeure d'émission de produits toxiques par milliers dont une grande quantité sont démontrés et reconnus cancérogènes, la FTS induit notamment des effets sur le système respiratoire, sur la santé cardiovasculaire, sur le développement du foetus et la santé périnatale comme elle a aussi des effets sur la fonction reproductive. La FTS occasionne aussi, par ailleurs, d'autres problèmes de santé plus ou moins sévères : difficultés respiratoires, migraines, irritation oculaire et/ou nasale, etc., sans compter qu'elle est aussi, dans bien des cas, un déclencheur d'asthme.

Les travailleurs de bar, de restaurants et d'établissements de jeux tels que bingos et salles de quilles sont particulièrement affectés par la FTS. Ils y sont plus exposés que l'ensemble des travailleurs et autres citoyens si bien d'ailleurs que les travailleurs non-fumeurs de la restauration et de l'hôtellerie courent des risques accrus de maladies cardiaques et de cancer du poumon – jusqu'à 50 % – selon les écrits scientifiques. En combinaison avec certains facteurs de risque – tabagisme actif ou antérieur, exposition aux irritants professionnels ou polluants dans l'environnement ambiant – l'exposition à la FTS contribuerait aussi à un affaiblissement chronique du système respiratoire chez les adultes.

Les études relatives à la question de la ventilation et des politiques sur les lieux préservés pour les travailleurs de bars et de restaurants confirment par ailleurs que les systèmes de ventilation sont inadéquats. À moins que les sections fumeurs soient complètement isolées des non-fumeurs et équipées de systèmes indépendants de ventilation expulsant la fumée à l'extérieur, les travailleurs ne peuvent guère se préserver de la FTS. En fait, il est possible de réduire énormément les niveaux de FTS avec certaines nouvelles technologies, mais le degré d'exposition, malgré cela, reste très élevé et nettement inacceptable.

Tous ces résultats tirés des études scientifiques auront motivé les gouvernements de nombreux pays à adopter des lois et des règlements de plus en plus restrictifs. Dès lors, si de nombreux travailleurs non-fumeurs tirent profit de conditions plus saines dans leur environnement de travail, des travailleurs fumeurs semblent aussi, pour leur part, profiter de ces nouvelles réglementations; ces interdits semblent en effet motiver beaucoup d'entre eux à mettre fin à leur habitude tabagique.


1 En 2006, au Canada, le tabagisme causera le décès de plus de 1 000 non-fumeurs : la fumée secondaire est responsable de plus de 300 décès liés au cancer du poumon et d'au moins 700 décès attribuables aux cardiopathies ischémiques. Source : La fumée secondaire est une véritable menace. Santé Canada.

2 Au Québec l'interdiction de l'usage du tabac dans tous les lieux publics sera effective le 31 mai 2006.

Type de publication
ISBN (électronique)
2-550-47279-9
ISBN (imprimé)
2-550-47278-0
Notice Santécom
Date de publication