Précautions liées à l'eau en voyage

Éviter l'ingestion d'eau contaminée

Pour tout séjour dans les régions du monde où l’eau n’est pas traitée selon les normes internationales et où les mesures hygiéniques et sanitaires sont déficientes, le voyageur doit être averti de ne consommer que des boissons « sécuritaires », c’est-à-dire :

  • les boissons faites avec de l’eau bouillie (thé, café);
  • les boissons embouteillées et scellées (eau, jus ou boisson gazeuse, bière et vin);
  • l’eau préalablement traitée.

De plus, le voyageur ne devrait pas se fier à l’eau des hôtels (même ceux de première catégorie) qui possèdent leur propre système de filtration d’eau. Ces systèmes peuvent subir des bris ou être contaminés par les égouts. Ainsi, l’eau servie aux chambres dans un contenant non scellé doit être considérée contaminée.

Le voyageur ne doit jamais consommer de glace, car elle n’est pas toujours fabriquée à partir d’eau traitée. Il doit éviter les aliments crus qui ont pu être lavés à l’eau du robinet et ainsi contaminés.

Le voyageur effectuant un court séjour utilisera souvent de l’eau embouteillée. Cependant, le voyageur qui fait un long séjour en région tropicale, ou celui qui partira en expédition, pourra préférer une méthode de désinfection de l’eau plus économique, écologique et moins encombrante.

Méthodes de traitement de l’eau pour les voyageurs

La désinfection de l’eau vise à réduire la contamination microbienne. Elle est sans effet sur la contamination chimique. Plusieurs techniques sont disponibles pour réduire la contamination microbienne de l’eau. Les voyageurs devraient être familiers avec plus d’une méthode de traitement.

Tableau 4 — Méthodes de traitement de l’eau applicable aux voyageurs
  • Chaleur
  • Clarification
    • Sédimentation
    • Coagulation-floculation
    • Charbon activé
  • Filtration
    • Osmose inversée
  • Halogénation (désinfection chimique par l’iode ou le chlore)
    • Iode (incluant les résines iodées présentes dans certains purificateurs commerciaux)
    • Chlore
  • Autres méthodes
    • Bioxyde de chlore (Pristine®)
    • Ultraviolet
    • Argent

Source : adaptation de Backer H. Field water disinfection.

Chaleur

La chaleur est de loin la méthode la plus sûre pour rendre l’eau potable. Amener l’eau à ébullition suffit pour tuer les pathogènes entériques et rendre l’eau potable, et ce, même en altitude parce qu’une température de 65 °C ou plus suffit à tuer la plupart des pathogènes.

À titre d’exemple, la température d’inactivation pour le G. lamblia est de 70 °C/10 minutes, pour E. coli 70 °C/1 minute et pour le virus de l’hépatite A de 85 °C/1 minute.

La désinfection par la chaleur possède une grande marge de sécurité et n’introduit aucun produit chimique dans l’eau.

Si l’eau est trouble, on peut, pour améliorer son apparence, la filtrer avant son ébullition. On filtre l’eau habituellement avant plutôt qu’après l’ébullition parce que si le filtre est contaminé, l’ébullition détruira la contamination.

Clarification

La clarification fait référence aux techniques qui diminuent la turbidité de l’eau causée par la présence de matériel naturel organique ou inorganique.

Ces techniques améliorent l’apparence et le goût de l’eau. Elles peuvent parfois diminuer le nombre de micro-organismes, mais pas suffisamment pour rendre l’eau potable.

Cependant, le fait de clarifier l’eau facilite la désinfection lors de l’utilisation, de la filtration ou de l’halogénation (désinfection chimique).

Sédimentation

La sédimentation permet la séparation de particules suspendues comme le sable et la vase qui peuvent descendre par gravité.

Coagulation-floculation

La coagulation-floculation est une vieille technique qui permet de retirer de l’eau les petites particules suspendues qui ne descendent pas par gravité par l’utilisation de colloïdes.

Charbon activé

Le charbon activé purifie l’eau en absorbant les matières chimiques organiques et inorganiques, améliorant ainsi l’odeur et le goût de l’eau (par exemple, il diminue le goût du chlore ou de l’iode). En pratique, il est utilisé après la désinfection chimique (ou halogénation).

Filtration

La filtration est un procédé à la fois chimique et mécanique. La grosseur des micro-organismes et des pores du filtre est le premier déterminant de l’efficacité de la décontamination (tableau 5).

Tableau 5 — Filtration – Micro-organismes
Organisme Dimension (μm) Dimension pores du filtre recommandé (μm)
Virus

0,03

Non applicable*
E. coli 0,5 par 3-8 0,2-0,4
Campylobacter 0,2-0,4 par 1,5-3,5 0,2-0,4
V. cholerae 0,5 par 1,5-3,0 0,2-0,4
Cryptosporidium (oocyste) 2-6 1
Giardia (kyste) 6-10 par 8-15 3-5
Entamoeba histolytica (kyste) 5-30 (moy. 10) 3-5
Nématodes (par exemple, oeufs d’Ascaris) 30-40 par 50-80 20

* Non applicable. La plupart des filtres portatifs, à l’exception des filtres utilisant une membrane pour osmose inversée, laissent passer les virus (parce qu’ils sont trop petits) sauf s’ils sont attachés à des particules plus grandes.
Source : adaptation de Backer H. Field water disinfection.

La majorité des filtres sont capables d’éliminer les bactéries et les kystes de parasites, mais pas les virus. Récemment, un filtre (First Need-General Ecology, Exton, PA, USA) a atteint les standards de l’agence de protection environnementale américaine (EPA) en incluant l’élimination des virus.

Plusieurs types de filtres sont offerts sur le marché (tableau 6). Les facteurs suivants peuvent influencer le choix du filtre à acheter :

  • la capacité de filtration (1-2 personnes VS petit ou grand groupe);
  • les micro-organismes éliminés;
  • le mode d’opération, l’entretien, le poids, la grosseur et le débit de filtration;
  • le prix.

La liste de filtres présentée au tableau 6 n’est pas exhaustive. Les différents modèles peuvent changer ou être retirés du marché.

Les fabricants de filtre ou purificateurs prétendant éliminer les micro-organismes de l’eau doivent démontrer (en utilisant les lignes directrices de l’EPA) la réduction des parasites de 99,9 % et les virus et bactéries de ≥ 99,99 %.

Osmose inversée

La filtration par osmose inversée utilise la haute pression pour forcer l’eau à travers une membrane semi-perméable qui filtre les ions molécules et solides dissous. Ce procédé peut à la fois décontaminer l’eau microbiologiquement et la désaliniser. Cependant, le prix élevé et le faible débit de ces filtres en font un achat moins intéressant pour le voyageur « terrestre ». Ils sont cependant des outils importants pour les navigateurs.

Voir Tableau 6 - Différents types de filtres et de purificateurs d’eau

Halogénation (désinfection chimique par l’iode ou le chlore)

Lorsque l’ébullition n’est pas facilement réalisable, on utilisera une méthode de désinfection chimique. On obtiendra de meilleurs résultats si on filtre l’eau avant d’effectuer la désinfection chimique.

Parmi les avantages de cette méthode, on retrouve :

  • le coût minime;
  • l’efficacité à la fois contre les bactéries, les virus et la plupart des parasites;
  •  le dosage flexible, ce qui permet une utilisation avec une petite ou grande quantité d’eau.

Parmi les inconvénients, on retrouve :

  • la toxicité potentielle;
  • le mauvais goût et l’odeur;
  • l’inefficacité contre le C. parvum et les spores bactériennes.

Efficacité

L’iode et le chlore détruisent les bactéries et les virus, mais sont moins efficaces contre les kystes de Giardia et d’amibes (E. histolytica), surtout si le chlore est utilisé.

L’efficacité de la désinfection chimique diminue lorsque la température de l’eau est plus froide. On a donc avantage à effectuer la désinfection à la température de la pièce, quitte à réfrigérer l’eau après.

L’efficacité de la désinfection est aussi réduite par la présence de contaminants organiques et particulaires, par un pH qui s’éloigne de 7 et par la présence d’ammoniac ou de composants azotés (le chlore est plus sensible que l’iode à ces facteurs).

En pratique, il peut être difficile de contrôler toutes ces variables sur le terrain et, lorsque la contamination est importante, la désinfection n’est pas aussi bonne.

Méthode

Pour désinfecter, l’iode ou le chlore est mis en contact avec l’eau. Si, au préalable, on a utilisé un filtre fin qui retient les parasites (Giardia et amibes), un temps d’action assez court (inférieur à 30 minutes) pourra achever la désinfection en détruisant les bactéries et les virus.

Si l’on n’a fait qu’une filtration grossière ou que l’on n’a pas filtré du tout, il est alors préférable d’utiliser l’iode comme désinfectant (le chlore n’est pas assez puissant) et on doit laisser agir plus longtemps.

Pour masquer le goût d’iode ou de chlore, il suffit d’ajouter des comprimés de vitamine C ou de la poudre de jus de fruits ou de transvaser plusieurs fois l’eau d’un contenant propre à un autre.

Iode
Ajouter cinq gouttes de teinture d’iode à 2 % ou un comprimé d’hydropériodure de tétraglycine par litre d’eau. Laisser reposer en fonction de la température :

  • Eau froide (entre 5 ° et 15 °C) : 120 minutes.
  • Eau tiède (entre 15 ° et 20 °C) : 60 minutes.
  •  Eau à plus de 20 °C : 30 minutes.

Brasser fréquemment la solution.

Chlore
Ajouter 2 gouttes d’eau de Javel (4 % à 6 %) par litre d’eau. Laisser reposer 30 minutes à plus de 20 °C. Brasser fréquemment la solution.

Toxicité de l’halogénation

Le chlore n’a pas de toxicité connue lors de son utilisation pour la désinfection de l’eau. Par contre, l’iode a un certain potentiel de toxicité. Certaines suggestions sont ici appropriées.

L’utilisation quotidienne d’iode à des dosages élevés devrait se limiter à une courte période, soit moins d’un mois.

Les traitements utilisant de faibles résidus d’iode (≤ 1-2 mg/l) semblent sécuritaires, même sur une longue période chez les voyageurs ayant une fonction thyroïdienne normale.

Les voyageurs ayant l’intention d’utiliser l’iode de façon prolongée (plusieurs mois) devraient idéalement faire vérifier au préalable leur fonction thyroïdienne.

Certains groupes ne devraient pas utiliser l’iode comme méthode de désinfection :

  • les femmes enceintes (goitre néonatal);
  • les voyageurs avec allergie ou hyper-sensibilité connue à l’iode;
  • les voyageurs avec une maladie thyroïdienne, même si contrôlée par médication.
Tableau 7 — Facteurs affectant la désinfection par halogénation (désinfection chimique)
Facteurs principaux Effet Compensation
Concentration Plus la concentration est élevée, plus la proportion de micro-organismes tués est élevée (mesurée en mg/L ou ppm). Une concentration élevée permet un temps de contact plus court. Une concentration basse requiert un temps de contact plus long.
Temps de contact Un temps de contact plus long assure une plus grande proportion de micro-organismes tués (mesuré habituellement en minutes). Le temps de contact est inversement proportionnel à la concentration. Un temps plus long permet une plus faible concentration.
Facteurs
secondaires
Effet Compensation
Température
(T°)
Le froid augmente le temps pour la désinfection. Augmenter la concentration en doublant la dose, augmenter la T° de l’eau, augmenter le temps de contact (doubler – tripler).
Contaminants
Turbidité
En général, la turbidité augmente les besoins en halogènes. Doubler la dose en eau trouble, clarifier l’eau avant la désinfection chimique.
pH Le pH optimal pour l’halogénation est de 6.5-7.5. Plus l’eau est alcaline (approchant un pH de 8.0), plus la dose d’halogène doit être élevée. La plupart des eaux de surface sont neutres ou légèrement acides.

Source : adaptation de Backer H. Field water disinfection.

Figure 2 — Concentration de l’halogène en fonction du temps de contact pour certains groupes de pathogènes

Autres méthodes

Bioxyde de chlore (Pristine®)

Le bioxyde de chlore et l’ozone sont deux désinfectants utilisés dans le traitement des eaux municipales. Ils sont efficaces contre le Cryptosporidium.

Une solution de bioxyde de chlore est disponible sur le marché pour les voyageurs (Pristine®, Aquamira®) et semble être efficace contre les pathogènes entériques.

Une autre méthode, utilisant un procédé électro-chimique pour convertir le sel en oxydant désinfectant, est aussi disponible sur le marché (MIOX Corp.). Cet appareil fonctionne avec des batteries de caméra et a la taille d’un cigare.

Ultraviolet

La radiation par ultraviolet est utilisée pour la stérilisation de l’eau. L’eau doit être exempte de particules pour éviter un effet d’écran. Ce produit est identifié dans le tableau 5. Il semble être efficace contre les pathogènes entériques, incluant le Cryptosporidium.

Argent

L’argent, utilisé largement en Europe, aurait un effet limité contre les virus et les kystes parasitaires. Il aurait plutôt un effet de préservation.

Sommaire des techniques de désinfection de l’eau

Tableau 8 — Sommaire des techniques de désinfection de l’eau
  Bactéries Virus Giarda et amibes (kystes) Cryptosporidium
Chaleur

+

+

+

+

Filtration

+

+ / - *

+

+

Halogénation

+

+

+

-

* La plupart des filtres laissent passer les virus. La compagnie General Ecology avec First Need Deluxe prétend pouvoir éliminer les virus de l’eau contaminée. La filtration par osmose inversée peut éliminer les virus.
Source : adaptation de Backer H. Field water disinfection.