Maltraitance envers les personnes aînées

Inspiré par la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, le gouvernement du Québec définit la maltraitance envers les personnes aînées comme suit : « Il y a maltraitance quand une attitude, une parole, un geste ou un défaut d'action appropriée, singulier ou répétitif, se produit dans une relation avec une personne, une collectivité ou une organisation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause, intentionnellement ou non, du tort ou de la détresse chez une personne adulte »1. La maltraitance envers les personnes aînées comprend à la fois la maltraitance physique, psychologique, sexuelle, matérielle ou financière et organisationnelle, ainsi que l’âgisme et la violation des droits. Elle peut survenir dans divers contextes où il existe une relation de confiance, notamment au sein d'un couple, de la famille, de l'entourage, d'une relation d'aide ou d'affaire2. La maltraitance peut se produire dans un quelconque lieu ou milieu de vie fréquenté par une personne aînée, qu'il soit privé, public ou communautaire, et peut aussi survenir ou perdurer dans le cyberespace1

Une première enquête populationnelle a été réalisée au Québec en 2019 auprès de personnes âgées de 65 ans et plus afin de documenter la maltraitance envers les personnes aînées. L’Enquête sur la maltraitance envers les personnes aînées au Québec révèle que 5,9 % des personnes âgées de 65 ans et plus vivant à domicile ont rapporté avoir vécu au moins un type de maltraitance (matérielle et financière, psychologique, physique, sexuelle et négligence) dans les 12 derniers mois précédant l’enquête, ce qui représente 78 900 personnes. Les femmes (7,4 %) ont davantage rapporté avoir vécu de la maltraitance que les hommes (4,2 %). La maltraitance psychologique serait la forme la plus fréquente, 4,6 % des personnes aînées québécoises vivant à domicile en auraient été victimes3. Il importe de souligner que ces statistiques n’incluent que des personnes vivant dans un logement privé ou collectif non institutionnel (résidence privée pour personnes aînées, ressource intermédiaire, ressource de type familial) qui sont capables de répondre au questionnaire téléphonique par elles-mêmes et excluent celles qui résident en institutions (ex. : CHSLD, hôpitaux). Les données disponibles ne sont donc pas représentatives de la situation de toutes les personnes aînées du Québec.

Au Canada, en 2015, une enquête réalisée auprès de personnes âgées de 55 ans et plus établit la prévalence de maltraitance (matérielle et financière, psychologique, physique, sexuelle et négligence) à 8,2 %4. La présence de maladies chroniques, de troubles cognitifs, d’incapacités fonctionnelles et d’isolement social pourraient, entre autres, accentuer les conséquences de la maltraitance sur la santé physique et mentale des personnes aînées, accroître leur utilisation des soins de santé et augmenter les risques de mortalité prématurée5,6.

Quels sont les facteurs associés?

Les facteurs qui prédisposent une personne aînée à subir de la maltraitance ou ceux qui poussent une personne à maltraiter une personne aînée avec laquelle elle a développé une relation de confiance sont multiples, mais doivent être davantage documentés. On sait cependant qu’il existe une interaction complexe entre ces facteurs et qu’ils concernent à la fois la personne maltraitée, la personne maltraitante, la relation qu’ils entretiennent et la communauté et la société.

Par ailleurs, il apparaît de plus en plus que certains facteurs sont spécifiques à une forme de maltraitance ou à une catégorie de personnes maltraitantes. Par exemple, avoir un niveau de soutien social faible ou modéré est associé à la maltraitance matérielle ou financière et psychologique alors que le fait de vivre seul augmente le risque de subir tous les types de maltraitance. On remarque aussi que les enfants ou les beaux-enfants sont souvent mentionnés comme étant les auteurs de la maltraitance matérielle ou financière7.

Facteurs associés au risque d’être victime de maltraitance 3,4,8,9

  • Âge
  • Sexe ou genre (femme)
  • Ethnicité
  • Faible revenu
  • Faible niveau d’éducation
  • Antécédents d’abus ou de violence
  • Mauvais état de santé générale, physique et mentale
  • Limitation ou dépendance fonctionnelle (ouïe, vue ou mobilité)
  • Incapacités physiques ou troubles cognitifs
  • Vivre seul
  • Statut matrimonial
  • Isolement social et faible réseau social
  • Sentiment de ne pas être en sécurité avec les personnes de son entourage
  • Relation de dépendance avec la personne maltraitante
  • Lien relationnel avec la personne maltraitante
  • Conditions liées à la cohabitation (habitation dans un type de logement autre qu’une maison familiale ou intergénérationnelle, un plex ou un condo)
  • Stéréotypes, préjugés ou discrimination à l’égard des personnes aînées (âgisme)
  • Normes sociales approuvant la violence

Facteurs associés au risque de commettre de la maltraitance 8,9

  • Problème de santé mentale
  • Consommation abusive de drogue et d’alcool
  • Dépendance envers la personne aînée

Qui sont les victimes?

La maltraitance peut affecter l’ensemble des personnes aînées. Cependant, selon le sexe de la victime, on remarque des différences dans la relation entre l’auteur présumé et la personne maltraitée.

Au Québec, en 2019, 3 308 infractions contre la personne commises à l’endroit d’une personne aînée ont été déclarées à la police. De ce nombre, 57,6 % ont été commises envers des hommes. Ces derniers ont été le plus souvent victimes d’une simple connaissance (33,7 %), d’un étranger (18,8 %) ou d’un membre de la famille (19,7 %). Les femmes sont quant à elles plus souvent victimes d’un membre de la famille (30,5 %), d’une connaissance (27,4 %) ou d’un conjoint ou d’un ex-conjoint (17,1 %). Les infractions commises envers des personnes aînées dans un contexte conjugal sont moins fréquentes (plus de deux fois moins) chez les hommes (7,4 %). Près des trois quarts des infractions commises envers des personnes aînées ont été perpétrées dans une résidence d’habitation, par exemple dans une résidence pour personnes aînées ou une maison unifamiliale10.

Quelles sont les conséquences pour les victimes?

Les conséquences de la maltraitance envers les personnes aînées peuvent être particulièrement graves, notamment en raison de leur état de santé ou encore de la situation d’isolement social dans laquelle elles peuvent se trouver. À titre d’exemple, une blessure, même peu sévère, peut nécessiter une hospitalisation et provoquer des dommages graves, voire même permanents. Les personnes aînées victimes de maltraitance peuvent également développer des sentiments de peur et de l’anxiété, des symptômes dépressifs, des troubles du sommeil et des symptômes de stress post-traumatique. En matière d’exploitation financière, la perte d’une somme d’argent, aussi minime soit-elle, peut entraîner des conséquences lourdes pour une personne aînée ayant des revenus limités7.

Quelles sont les mesures de prévention?

Bien que peu d’interventions visant à prévenir la maltraitance envers les personnes aînées aient été évaluées, la prévention semble s’organiser autour de trois grands axes et cible les différents niveaux du modèle écologique.

Le premier axe consiste en la promotion d’attitudes positives au regard du vieillissement et la sensibilisation au phénomène de l’âgisme. Cette stratégie peut notamment prendre la forme de programmes scolaires intergénérationnels (niveau relationnel) ou de formation et de sensibilisation des professionnels qui gravitent autour des personnes aînées (niveau communautaire).

Le deuxième axe est la réduction des situations à risque tant chez la personne aînée que chez son entourage. Il s’agit alors de mener des compagnes d’éducation destinées aux personnes aînées visant à augmenter la reconnaissance de situations qui constituent de la maltraitance (niveau individuel) ou de mettre sur pied des programmes de formation pour le personnel prenant soin de personnes aînées (niveau sociétal).

La détection et le suivi précoce et adéquat des situations de maltraitance constituent le troisième axe de prévention et peuvent se traduire par exemple par du soutien légal, psychologique et social auprès des personnes aînées subissant de la maltraitance (niveau individuel) ou la mise sur pied de programmes de détection et de recherche de cas (niveau communautaire)7.

Les politiques publiques et plans d’action

Depuis juin 2010, les efforts québécois pour lutter contre la maltraitance envers les personnes aînées se sont intensifiés à travers la réalisation de plusieurs plans d'action. Le plus récent Plan d’action pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 - Reconnaître et agir ensemble poursuit les efforts entamés par le gouvernement du Québec en visant notamment l'amélioration de la gestion des situations de maltraitance et le développement des connaissances et des pratiques bientraitantes. Ce plan d'action aborde quatre thématiques, soit l'âgisme, la maltraitance psychologique, la maltraitance organisationnelle et la bientraitance. Il comporte 56 mesures portées par 12 ministères et organismes.

Pour en savoir plus

Références

  1. Ministère de la Santé et des Services sociaux (2022). Plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 - Reconnaître et agir ensemble. Québec: gouvernement du Québec. https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2022/22-830-24W_OnePager.pdf
  2. Ministère de la Famille - Secrétariat aux aînés (2017). Plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022. Québec : Gouvernement du Québec. https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/aines/plan-action-gouvernemental-contre-maltraitance-aines/.
  3. Gingras, L. (2020). Enquête sur la maltraitance envers les personnes aînées au Québec 2019. Portrait de la maltraitance vécue à domicile, Québec, Institut de la statistique du Québec, 153 p., https://statistique.quebec.ca/fr/document/enquete-sur-la-maltraitance-envers-les-personnes-ainees-au-quebec.
  4. National Initiative for the Care of the Elderly (2016). Into the light: National survey on the mistreatment of older canadians 2015. Initiative nationale pour le soin des personnes âgées. https://vivredignite.org/en/2016/12/into-the-light-national-survey-on-the-mistreatment-of-older-canadians/.
  5. Yunus, R. M., Hairi, N. N. et Choo, W. Y. (2019). Consequences of Elder Abuse and Neglect: A Systematic Review of Observational Studies. Trauma, Violence and Abuse, 20(2), 197–213.
  6. Lachs, M. S., Williams, C. J., O'Brien, S., Pillemer, K. A. et Charlson, M. E. (1998). The Mortality of Elder Mistreatment, Journal of American Medicine Association, 280(5), 428-432.
  7. Laforest, J., Maurice, P., Beaulieu, M. et Belzile, L. (2013). Recherche de cas de maltraitance envers des personnes aînées par des professionnels de la santé et des services sociaux en première ligne, Direction du développement des individus et des communautés, Institut national de santé publique du Québec. https://www.inspq.qc.ca/publications/1687.
  8. Organisation mondiale de la santé (2016). Rapport mondial sur le vieillissement et la santé. Genève : Organisation mondiale de la santé. https://apps.who.int/iris/handle/10665/206556.
  9. Pillemer, K., Burnes, D., Riffin, C. et Lachs, M. S. (2016). Elder Abuse: Global Situation, Risk Factors, and Prevention Strategies. The Gerontologist, 56 Suppl 2(Suppl 2), S194–S205.
  10. Ministère de la Sécurité publique (2022). Criminalité au Québec - Les infractions contre la personne commises envers les aînés au Québec en 2019. https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/securite-publique/publications/statistiques-criminalite-quebec.
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