Identification des facteurs de risque de chutes à domicile chez les personnes âgées : une question de méthodes et de techniques

Bernard-Simon Leclerc
Claude Bégin, Élizabeth Cadieux
Lise Goulet, Nicole Leduc
Marie-Jeanne Kergoat, Paule Lebel

Contexte :
L'analyse multivariée dans l'étude de cohorte classique permet de quantifier l'association entre l'exposition à un facteur et la survenue d'un phénomène, en tenant compte de facteurs de confusion. Les expositions d'intérêt sont généralement des variables définies à l'examen initial. Les participants sont alors suivis pour appréhender l'apparition de l'événement, généralement unique ou dont on veut étudier la première occurrence. Or, l'épidémiologie des chutes introduit le problème des expositions qui varient dans le temps et des événements récurrents chez un même individu. Ces difficultés ont souvent été éludées. Notre étude compare les résultats obtenus d'après diverses approches statistiques.

Méthode :
La collecte réalisée entre 2002 et 2005 a porté sur 959 aînés bénéficiant de services de soutien à domicile des CLSC. Elle est caractérisée par la prise de mesures répétées des facteurs de risque au domicile des participants ainsi que par une relance téléphonique mensuelle pour documenter l'incidence des chutes. Les facteurs investigués portent sur l'indice de masse corporelle, l'alimentation, la démarche et l'équilibre, la médication, la consommation d'alcool ainsi que les dangers du domicile. Les analyses examinées incluent la régression logistique, la régression binomiale négative, la régression de Cox conventionnelle de même que deux extensions de celle-ci (Andersen & Gill; Wei, Lin & Weissfeld).

Résultats :
Les résultats démontrent que :

  • les chutes multiples ne sont pas indépendantes les unes des autres, une histoire de chutes augmentant le risque de chutes subséquentes;
  • les méthodes habituelles d'analyse des facteurs de risque de chutes produisent des biais considérables;
  • l'exclusion des expositions qui varient dans le temps masque la contribution pourtant réelle du nombre de dangers de l'environnement domiciliaire;
  • l'approche qui ne considère que la première chute est moins efficiente étant donné que le risque d'occurrence change à chacune des chutes.

Conclusion :
Chacune des approches examinées a un champ d'application qui lui est propre et se fonde sur des hypothèses spécifiques. Les méthodes et techniques retenues par le chercheur en santé publique sont de première importance puisqu'elles conditionnent les conclusions auxquelles il parvient. Nous recommandons l'approche de Wei, Lin & Weissfeld avec covariables dépendantes du temps, laquelle apparaît naturellement plus appropriée que les autres.