Inégalités de santé au Canada : les francophones en situation linguistique minoritaire

Louise Bouchard
Marie-Hélène Chomienne
Isabelle Gaboury 

Contexte :
La refonte de la Loi sur les langues officielles de 1988 a engagé le gouvernement fédéral à appuyer le développement des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire au Canada et à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais. Malgré cette apparente égalité de droit, les francophones vivant à l'extérieur du Québec ne bénéficient pas de toutes les infrastructures nécessaires pour répondre à leurs besoins de santé dans leur langue. Afin d'examiner l'impact de la situation linguistique minoritaire sur la santé, une analyse secondaire de l'Enquête dans les collectivités canadiennes (ESCC) a été conduite.

Méthode :
Deux cycles de l'ESCC: 2001 et 2003 ont été fusionnés. L'analyse se fonde sur un échantillon d'adultes de 25 ans et plus (76,674 hommes et 92,734 femmes). Deux modèles (hommes/femmes) de régression logistique multivariés examinent l'association entre le fait d'être francophone en situation minoritaire et la santé perçue. Les modèles sont ajustés pour diverses variables, regroupées par bloc, et insérés de façon séquentielle :

  1. style de vie (activité physique, tabagisme, IMC, alimentation, consommation d'alcool);
  2. sociodémographique (revenu, éducation et actif en emploi);
  3. contexte (milieu urbain/rural, type de ménage et province); 4: incapacité (morbidité et stress).

Résultats :
Comme l'a amplement démontré la littérature, l'âge, le sexe, le revenu sont les principaux déterminants de la santé mais le fait de vivre en situation minoritaire (en tant que déterminant) n'avait pas, jusqu'à maintenant, été documenté. L'étude illustre que l'action des déterminants de santé peut être ainsi modulée par le rapport minoritaire/majoritaire. Les inégalités ainsi révélées appellent à une réflexion sur les politiques d'accès linguistique aux soins de santé.

Conclusion :
Les résultats montrent que les francophones minoritaires se déclarent en moins bonne santé que les anglophones majoritaires. En tenant compte de la structure d'âge, les francophones sont moins enclins à déclarer une bonne santé que les anglophones majoritaires. Chez les femmes, cet écart diminue suite à l'ajustement de variables de styles de vie et disparait après avoir ajusté pour le revenu et l'éducation, alors que pour les hommes, l'écart demeure significatif après avoir ajusté pour l'ensemble des variables.