Les défis d’une intervention en faveur des migrants à statut précaire à Montréal

Valéry Ridde 
Loubna Belaid Véronique Houle 

 

Contexte :
C’est pour répondre à un besoin criant et non pris en charge par le système public de santé que Médecins du monde (MdM) a décidé d’ouvrir en septembre 2011 une clinique destinée aux migrants à statut précaire (MSP) à Montréal. En 2013, MdM et des chercheurs de l’Université de Montréal (CRCHUM) se sont associés afin d’amorcer un processus de recherche-action. La première étape vise à mieux comprendre l’intervention et notamment les défis auxquels font face les intervenants. Notre affiche présente les résultats d’une recherche qui vise à mettre au jour les principaux défis de ce projet aux yeux des intervenants.

Méthode :
Il s’agit d’une clinique offrant des services sociaux et de santé aux MSP de la grande région de Montréal.

Résultats :
Quatre méthodes ont été utilisées entre janvier et août 2013. D’abord, une analyse documentaire, un atelier participatif d’une journée avec 10 intervenants et un processus de validation ont été organisés pour décrire le modèle logique de l’intervention. Ensuite, un exercice de cartographie conceptuelle auprès de 19 intervenants a permis, après un processus participatif et des analyses statistiques (cluster analysis, outil Provalis Research), de créer, prioriser et organiser une liste des défis. Enfin, 13 entrevues individuelles en profondeur ont été effectuées auprès des différentes parties prenantes : gestionnaires, médecins, infirmières et bénévoles du projet.

Conclusion :
Le modèle logique de l’intervention montre que si le projet est centré sur la prise en charge médicale et psychosociale des MSP, il vise aussi à renforcer leur pouvoir d’agir, mais souhaite également participer au changement social et politique. Les intervenants ont produit une liste de 107 défis. Les plus importants sont de « trouver de l’argent pour le projet » (4,92/5) et de « rejoindre les MAP » (4,75). Les trois défis les plus urgents à résoudre concernent les ressources financières du projet. Ces 107 défis ont été regroupés en 13 grappes, la plus importante concernant les ressources financières (4,4) et la moins importante étant d’offrir des actions de proximité (3,3). Dans leurs discours, les intervenants insistent sur les défis liés aux caractéristiques spécifiques des MSP faisant en sorte qu’il est difficile de les rejoindre (pas de statut et pas de téléphone) et de les référer dans le système public (pas d’assurances et pas d’argent). En effet, ils souffrent de pathologies lourdes et chroniques (tension artérielle, diabète) qui nécessitent un suivi à long terme et des soins aux coûts élevés. Le triage téléphonique et la confidentialité du lieu de la clinique constituent un obstacle supplémentaire à l’accès à la clinique. Le système de santé publique en crise au Québec et des politiques de migration fédérales peu favorables représentent des défis importants reliés au contexte de même que les préjugés de la société à l’égard des MSP. Le projet est cependant porté par des intervenants très motivés et il fait face à une demande croissante de bénévoles montrant que la solidarité est aussi une valeur partagée par certains.