Veille scientifique en santé des Autochtones, octobre 2023

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Approches culturellement adaptées en recherche et intervention

Les stratégies des femmes nehiyawak/cries pour bien vieillir : une recherche participative communautaire à Maskwacîs, Alberta, Canada réalisée par le groupe de recherche Sohkitehew (un cœur sain)

Listener, L., Ross, S., Oster, R., Graham, B., Heckman, S. et Voyageur, C. (2023). Nehiyawak (Cree) women’s strategies for aging well : Community-based participatory research in Maskwacîs, Alberta, Canada, by the Sohkitehew (Strong Heart) group. BMC Women’s Health, 23(1), 341.

Contexte

Les femmes occupaient – et occupent toujours – une place centrale dans les communautés nehiyawak/cries, notamment puisqu’elles détiennent et partagent des savoirs traditionnels. Les mesures coloniales passées et actuelles ont affecté la transmission intergénérationnelle des savoirs affectant ainsi le mieux-être des femmes. Celui-ci est conceptualisé de manière holistique comme l’équilibre entre les facettes physique, mentale, émotionnelle, spirituelle. Il est essentiel non seulement pour les femmes à titre individuel, mais aussi pour la revitalisation des familles et des communautés. Le vieillissement fait obstacle à l’atteinte et au maintien du mieux-être des femmes. Pourtant, le vieillissement n'est pas un sujet abordé fréquemment, sauf par celles et ceux qui le vivent, d’où la pertinence de se pencher sur le sujet.

Objectif

Réunir des membres de la communauté nehiyawak/crie pour développer une compréhension mutuelle du « bien vieillir » chez les femmes.

Explorer et décrire les manières d’atteindre et de maintenir le mieux-être en vieillissant et partager ces informations.

Méthodologie

Ce projet de recherche communautaire participative visait à créer des ponts entre la communauté et les chercheurs dans une confiance mutuelle. Il se base sur une approche axée sur les forces se concentrant sur l'identification et le soutien des différentes forces, motivations, et facteurs de protection. Le groupe de recherche, originalement créé pour réaliser des activités de sensibilisation à la ménopause, a étroitement collaboré avec un comité consultatif composé de sept Aînées ayant exprimé leurs besoins sur le sujet.

Rassemblant 36 membres de la communauté sans égard à leur âge ni à leur genre, trois cercles de partage, une méthode de communication traditionnelle où tous sont traités également et avec respect, ont été réalisés. L’ensemble des commentaires des participantes et des participants étaient notés sur un tableau à feuilles, à la vue de tous pour être précisés et bonifiés. Une analyse qualitative des retranscriptions de ces notes a été réalisée.

Qu’est-ce qu’on y apprend? 

Les perceptions des participantes et des participants ont été recueillies selon les quatre facettes du mieux-être appuyées par la roue de la médecine. Pour chacune de ces facettes, des données selon trois thèmes liés au mieux-être ont émergé : 1) la culture, les traditions, 2) prendre soin de soi-même et 3) la famille et l’intergénérationnel. En lien avec ces thématiques, quelques résultats sont présentés, avec en trame de fond la nécessité de l’équilibre entre les facettes.

  • Physique : L’importance de la mobilité, de rester actif et de choisir des activités physiques appréciées et qui ne sont pas un fardeau, comme la marche ou le jardinage, ressort des cercles de partage. Des membres de la communauté ont dit être particulièrement préoccupés par certaines habitudes de vie nocives de membres de leur famille notamment les choix alimentaires. D’ailleurs, les femmes devraient avoir aisément accès à des informations de santé pour déterminer si les changements qu’elles vivent en vieillissant sont normaux.
  • Mental : L’honnêteté et l’ouverture sont centrales, afin d’obtenir l’aide approprié lorsque ça ne va pas. Pour prendre soin de leur mieux-être mental, les membres de la communauté ont évoqué que de rester occupé est primordial, et ce, avec des activités traditionnelles (par exemple les pow wows, les tentes à sudation ou l’artisanat) ou des pratiques non-traditionnelles (par exemple les casse-têtes, les jeux de société ou le yoga).
  • Émotionnel : Faire preuve d'empathie, de compassion et de gentillesse envers soi-même et les autres reflète le mieux-être émotionnel. L’enfance serait une période clé dans l’acquisition de compétences de gestion des émotions, de leur compréhension à leur expression.
  • Spirituel : Le mieux-être spirituel se vit au quotidien. Les individus rencontrés croient que les valeurs traditionnelles (par exemple l’amour inconditionnel et le partage) doivent être transmises des Aînées aux enfants. La prière et les célébrations culturelles seraient des manières de faire.

Limites

Les auteurs soulignent les difficultés de généraliser les résultats à d’autres communautés autochtones. De plus, les cercles de partage se déroulaient en journée pouvant limiter la participation de certaines personnes. D’ailleurs, la présence d’hommes lors des cercles a pu limiter l’étendue et la profondeur des sujets abordés. Malgré tout, les auteurs rappellent que la méthodologie pourrait être utilisée ailleurs pour générer des données spécifiques au contexte.

Inégalités et déterminants sociaux de la santé

Examen des facteurs entre l'insécurité alimentaire et le sentiment d'auto-efficacité à avoir des relations sexuelles sécuritaires chez les adolescents des Territoires du Nord-Ouest, Canada

Logie, C. H., Lys, C., Sokolovic, N., Malama, K., Mackay, K. I., McNamee, C., Lad, A. et Kanbari, A. (2023). Examining Pathways from Food Insecurity to Safer Sex Efficacy Among Northern and Indigenous Adolescents in the Northwest Territories, CanadaInternational Journal of Behavioral Medicine, 1-13.
Non disponible en libre accès.

Contexte

Dans les Territoires du Nord-Ouest, au Canada, les Autochtones composent la moitié de la population et sont plus susceptibles de vivre de l’insécurité alimentaire comparativement aux allochtones. Ces Territoires font également face à des disparités en matière de santé sexuelle, avec des taux de chlamydia cinq fois et de gonorrhée dix fois supérieurs aux taux nationaux.

Le lien entre l’insécurité alimentaire et l’exposition aux infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) s’opérerait à travers différents facteurs comportementaux et de santé mentale : la dépression, la consommation de substances, l'augmentation des rapports sexuels transactionnels en échange de nourriture, et la capacité réduite à négocier l'utilisation du condom en raison de déséquilibres socioéconomiques dans les relations.

Le sentiment d'auto-efficacité à avoir des relations sexuelles sécuritaires, c’est-à-dire la capacité à gérer la prise de décision sexuelle et l’utilisation du condom, pourrait également expliquer l’association entre l’insécurité alimentaire et l’exposition aux ITSS.

Objectif

Examiner : 1) l’association directe entre l'insécurité alimentaire et le sentiment d'auto-efficacité à avoir des relations sexuelles sécuritaires; et 2) les associations indirectes entre l'insécurité alimentaire et le sentiment d'auto-efficacité à avoir des relations sexuelles sécuritaires, à travers la résilience, la dépression et les inégalités de pouvoir dans les relations chez les adolescents des Territoires du Nord-Ouest.

Méthodologie

Cette recherche communautaire a été menée en collaboration avec un organisme autochtone prônant la santé sexuelle. Des élèves du secondaire ont été invités à un atelier sur la santé sexuelle, où des questionnaires standardisés étaient auto-administrés en amont.

Des régressions logistiques ont été effectuées pour évaluer les facteurs sociodémographiques associés à l'insécurité alimentaire. Ensuite, une modélisation par équation structurelle a été réalisée pour mesurer les liens directs de l'insécurité alimentaire sur le sentiment d'auto-efficacité à avoir des relations sexuelles sécuritaires, et les liens indirects de médiation via la résilience, la dépression et les inégalités de pouvoir dans les relations.

Spécifiquement, le sentiment d'auto-efficacité à utiliser le condom (p. ex. : confiance en sa capacité à négocier le condom) et le sentiment d’auto-efficacité situationnel à avoir des relations sexuelles sécuritaires (p. ex. : sous la pression du partenaire) ont été évalués.

Qu’est-ce qu’on y apprend? 

L'échantillon comprend 410 adolescents de 13 à 18 ans, dont 79 % sont autochtones. Les participants s'identifiant comme femme ou non binaire sont plus à risque de souffrir d'insécurité alimentaire (57 % et 50 %, respectivement), comparativement aux hommes (33 %). Le taux d'insécurité alimentaire est plus élevé chez les participants autochtones (48 %) que chez les allochtones (34 %).

Selon les modèles de régressions logistiques, les jeunes en situation d'insécurité alimentaire sont plus susceptibles de rapporter peu de sources de résilience, d’éprouver des symptômes dépressifs et de signaler des inégalités de pouvoir dans leurs relations (p. ex. : vivre une agression psychologique de la part de partenaires intimes, et commettre des agressions psychologiques envers leurs partenaires).

Selon le modèle d’équation structurelle, un lien indirect entre l’insécurité alimentaire et le sentiment d'auto-efficacité à utiliser le condom passant par la résilience et la dépression est révélé. De plus, il existe un lien indirect entre l’insécurité alimentaire et le sentiment d’auto-efficacité situationnel par l’intermédiaire de la résilience. Autrement dit, l’insécurité alimentaire mènerait à des difficultés de résilience et de dépression, qui à leur tour affecteraient le sentiment d'auto-efficacité à avoir des relations sexuelles sécuritaires.

Aucune association entre les inégalités de pouvoir dans les relations et l’insécurité alimentaire ou le sentiment d'auto-efficacité à avoir des relations sexuelles sécuritaires n’a été relevée dans le modèle d’équation structurelle.

Les résultats appuient la pertinence du développement d’interventions systémiques pour lutter contre l’insécurité alimentaire, axées sur la résilience et la santé sexuelle et mentale, au-delà de stratégies centrées uniquement sur le changement de comportement individuel.

Limites

Cette étude est limitée par son échantillonnage non probabiliste et son devis transversal, qui restreint la possibilité de généraliser les résultats et de déduire des liens de causalité. De même, les pratiques sexuelles sécuritaires sont sujettes à un biais de désirabilité sociale, pouvant influencer les réponses des participants. Une autre limite est qu’aucune mesure globale du statut socio-économique n’a été incluse, comme le revenu des parents.

Promotion du mieux-être et de la santé mentale

Retombées d'un programme culturellement adapté sur le bien-être social et émotionnel des membres d’une communauté autochtone

Anwar-McHenry, J., Murray, L., Drane, C. F., Owen, J., Nicholas, A. et Donovan, R. J. (2022). Impact on community members of a culturally appropriate adaptation of a social and emotional well-being intervention in an aboriginal community. Journal of Public Mental Health, 21(2), 108-118.
Non disponible en libre accès.

Contexte

Les Autochtones et les peuples insulaires du détroit de Torres en Australie rapportent un état de santé mentale généralement plus précaire que les populations allochtones. Des études montrent que les services culturellement adaptés sont plus efficaces pour promouvoir la santé mentale. Ainsi, la campagne Act-Belong-Commit (Agir-Appartenir-S’investir), qui fait la promotion de la santé mentale globale, a été adaptée aux réalités sociales et culturelles de la communauté autochtone de Roebourne, en Australie-Occidentale. Elle compte environ 1000 personnes, dont 75 % s’identifient comme Autochtone ou des peuples insulaires du détroit de Torres.

Cette campagne fait la promotion d’une santé mentale positive en restant physiquement, mentalement, spirituellement et socialement actif; une vison de la santé mentale positive en cohésion avec celle de la communauté. Un groupe local de consultants autochtones s’est chargé de l’adaptation culturelle de la campagne en organisant des discussions avec des Aînés, des représentants d’organisations et des membres de la communauté. Un slogan et un logo ont été aussi créés pour la communauté.

Objectif

Analyser les répercussions de l'adaptation culturelle de la campagne Act-Belong-Commit sur la santé mentale et le bien-être social des membres de la communauté de Roebourne.

Méthodologie

Une enquête a été réalisée auprès de répondants autochtones concernant les répercussions de la campagne sur leurs habitudes de vie. Les questions de ce sondage ont été adaptées à partir d’un questionnaire utilisé pour mesurer les répercussions d’une campagne de promotion de la santé mentale dans la population générale. Les résultats de la recherche ont été diffusés dans la communauté par des organisations locales qui œuvrent en santé mentale et des parties prenantes du projet.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Au total, 31 adultes autochtones ont répondu à l'enquête. La majorité des participants était des femmes (80 %), dont deux tiers étaient âgés de plus de 40 ans. L’ensemble des personnes interrogées connaissaient le slogan, le logo ou les activités du programme.

De manière générale, les répondants ont indiqué que la campagne a eu un effet bénéfique sur la communauté, notamment en favorisant la participation à diverses activités, auxquelles ils n'auraient pas assisté autrement.

Au total, 25 personnes (81 %) ont déclaré avoir essayé d’agir pour leur propre bien-être social et émotionnel. Elles ont rapporté avoir réalisé des activités telles que s'impliquer dans des événements et dans la communauté, rendre visite à sa famille, parler aux gens et aider les autres.

Près du trois quarts (74 %) des personnes interrogées ont déclaré avoir essayé d’agir pour le bien-être social et émotionnel de leur famille et de leurs amis, et près de la moitié ont déclaré avoir soutenu le bien-être de la communauté (48 %). Les actions rapportées incluent, notamment, coopérer à l'organisation d'événements, encourager les bonnes habitudes en matière de santé et enseigner ces actions aux autres.

Dans l'ensemble, les données recueillies montrent que les personnes interrogées auraient une bonne compréhension des messages de la campagne et seraient capables de les mettre en pratique au quotidien.

Limites

L'échantillon n’est pas aléatoire, pouvant créer des biais de sélection et expliquer la faible participation des hommes. Également, comme les participants ont été recrutés dans un lieu public, ils pourraient davantage avoir été exposés à des affiches sur la campagne et avoir une meilleure connaissance de celle-ci.

La violence latérale vécue par les femmes autochtones : une revue systématique de la littérature

Jaber, L., Stirbys, C., Scott, J. et Foong, E. (2023). Indigenous women’s experiences of lateral violence: A systematic literature review. Trauma, Violence, & Abuse, 24(3), 1763–1776.

Contexte

La violence latérale  se définit en tant qu’agression perpétuée au sein même des groupes victimes d'oppression systémique. Elle se traduit par des croyances et valeurs et des gestes déshumanisants. Les comportements les plus courants sont l’intimidation, le commérage, l’humiliation, le harcèlement, les menaces ainsi que les conflits internes. Les sentiments de toxicité vécus au sein des communautés seraient des barrières à la continuité des cultures autochtones en incitant à l’assimilation.

Objectif

Synthétiser les données sur la violence latérale en contexte autochtone, avec une attention particulière aux expériences des femmes, à l’aide des théories de l'intersectionnalité et postcoloniales.

Méthodologie

Cette revue systématique suit le protocole du PRISMA-P. Les études qualitatives et quantitatives révisées par les pairs devaient contenir des données primaires publiées en anglais de 2000 à 2021. Des femmes autochtones devaient être incluses dans les échantillons. La recherche a été effectuée en quatre phases d’interrogation : 1) cinq bases de données académiques, 2) Google scholar, 3) 23 périodiques sur les questions autochtones, 4) méthode boule de neige. Au total, 10 articles majoritairement qualitatifs ont été retenus et analysés avec Nvivo 1.0.

Qu’est-ce qu’on y apprend? 

  • Prévalence, formes et effets de la violence latérale : Selon le corpus, la violence latérale dans les communautés autochtones est répandue, en grande partie camouflée et associée à des expériences dommageables.
  • Sensibilisation et terminologie : L’utilisation du terme « violence latérale » permet d’ouvrir la discussion autour d'expériences difficiles. Savoir qu’il existe un terme, qui se rapporte aux causes structurelles peut apporter du soulagement, une responsabilisation et un espoir de changement social. L'inclusion de termes positifs contrastants, comme « amour latéral » ou « guérison latérale » a été recommandé par les participants.
  • Effet sur le tissu social des communautés : La violence latérale a des effets néfastes sur les liens communautaires. C’est un sujet difficile, controversé et tabou, on peut être à la fois victime et auteur. Comme plusieurs personnes en sont témoins, les incidents peuvent être étouffés, normalisés et remis en question. Les réactions comprennent l'autoprotection et les réflexes de survie comme le retrait, l'évitement, la reformulation cognitive et le déni. Les effets peuvent dissuader des Autochtones de revendiquer leur statut ou de tenter de renouer avec leur culture.
  • Institutions et milieux de travail : La rareté des ressources dédiées aux Autochtones dans les universités par exemple peut induire de la compétition entre groupes et alimenter des conflits. Les politiques contre l’intimidation et le harcèlement peuvent cependant réduire ces effets. En milieu de travail, certaines études pointent vers les bénéficies de formations de sensibilisation et pour accroître les compétences culturelles.
  • La remise en question de l'authenticité de l’identité autochtone : Le racisme intériorisé et des stéréotypes négatifs à l'égard des Autochtones entre eux ressortent des études. Les conflits sont fondés sur la perception d’une autochtonie « authentique » basée sur des classifications coloniales comme l'apparence, la couleur de la peau, le quantum de sang, le lieu de résidence (urbain ou en communauté), le degré d'implication dans les pratiques culturelles ou l’adhésion aux valeurs non autochtones ou blanches. Néanmoins, la force et le sens de l'identité autochtone pouvaient être des facteurs de protection pour certains. L’identité de genre ainsi que la violence perpétrée par les allochtones ont été prises en considération.
  • Résilience, résistance et interventions : Pour réduire la violence latérale, les auteurs recommandent d’accroître la prise de conscience du rôle des pratiques coloniales dans la perpétuation de l'oppression des Autochtones. Le fait de nommer la violence latérale, de sensibiliser et d'éduquer les gens sur les mécanismes sont des étapes importantes dans les processus de guérison et d’appartenance autochtone.

Limites

La petite taille des échantillons peut limiter la généralisation des résultats, ainsi que les biais de sélection et de recrutement potentiels. Les auteurs rappellent cependant que dans les études qualitatives la saturation des résultats prévaut sur la taille de l’échantillon.

Sécurisation culturelle

L’accès aux services de santé des Premières Nations, des Inuit et des Métis vivant dans les zones urbaines au Canada : une revue systématique

Graham, S., Muir, N. M., Formsma, J. W. et Smylie, J. (2023). First Nations, Inuit and Métis peoples living in urban areas of Canada and their access to healthcare: A systematic review. International Journal of Environmental Research and Public Health, 20(11), Article 5956.

Contexte

Selon le recensement canadien de 2016, 52 % des Premières Nations, 56 % des Inuit et 63 % des Métis vivent en milieu urbain. Parmi les raisons incitant à vivre en ville figurent l’accès aux soins de santé, l’éducation, l’emploi et le logement.

Malgré une concentration accrue des services de santé dans les villes canadiennes, les populations autochtones éprouvent des difficultés à accéder à ces services ou choisissent de ne pas les fréquenter ce qui peut inciter à attendre d’être très malade avant de s’y rendre.

Objectif

Pour comprendre ce phénomène social, les quatre auteurs autochtones de cet article souhaitaient mettre en évidence les facteurs favorables ou défavorables à l’accès aux services de santé des populations autochtones vivant en milieu urbain.

Méthodologie

Une revue systématique à partir du modèle Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analysis (PRISMA) a été réalisée. Les bases de données Embase, Medline et Web of Science ont été consultées en vue d’accéder à des données scientifiques publiées du 1er janvier 1981 au 30 avril 2020. Des recherches dans la littérature grise et par boule de neige dans les références des études ont également été effectuées.

Pour être incluses, les publications devaient concerner les Premières Nations, les Inuit ou les Métis vivant en milieux urbains canadiens et fournir des informations sur les éléments favorables ou défavorables à leur accès aux services de santé.

Qu’est-ce qu’on y apprend? 

Au total, 41 études ont été sélectionnées. À l’exception d’une étude décrivant les perspectives des professionnels de la santé allochtones, elles présentent toutes les expériences des populations autochtones en matière d’accès aux soins de santé.

Sept catégories d’obstacles ont été identifiées :

  • Les difficultés de communication avec les professionnels de la santé (exemple : absence d’écoute ou de prise au sérieux du patient);
  • Les problèmes liés à la prescription de médicaments (exemple : refus de fournir des médicaments aux personnes consommant de la drogue);
  • Le renvoi des services de santé par le personnel du service médical;
  • Le temps d’attente (exemple : longue attente pour obtenir un rendez-vous, pour être reçu par le professionnel de santé ou pour recevoir les résultats de tests médicaux);
  • La méfiance et l’évitement des services de santé (exemple : scepticisme envers le traitement donné);
  • La discrimination raciale (exemple : attitude défensive de la part du professionnel de la santé);
  • La pauvreté et les difficultés de transports (exemple : incapacité à payer son titre de transport).

Quatre facteurs favorables ont été identifiés :

  • L’accès à la culture (exemple : participer à des cérémonies, parler une langue autochtone);
  • La guérison traditionnelle (exemple : lien personnel avec les guérisseurs traditionnels);
  • Les services de santé administrés par du personnel autochtone (exemple : présence active du personnel clinique dans la communauté);
  • Le soutien pour combler leurs différents besoins (exemple : l’alimentation et le transport).

Ces facteurs pourraient permettre de réduire les obstacles identifiées. Les auteurs concluent que les populations autochtones urbaines du Canada font face à des obstacles à l’accès aux soins de santé. Les interactions entre les patients autochtones et les professionnels de la santé sont particulièrement teintées de la discrimination existant dans les services de santé. Pour promouvoir les facteurs favorables identifiés, les auteurs estiment nécessaire d’offrir des formations en sécurisation culturelle et l’évaluation de l’offre existante.

Limites

Parmi les 41 études retenues, les treize études quantitatives incluses à cette recherche ne fournissent pas suffisamment de détails sur les facteurs favorables et défavorables à l’accès aux services de santé.


Si vous vivez de la détresse, vous pouvez appeler la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être (1‑855‑242‑3310) ou clavarder en ligne. Ce service est disponible en tout temps pour tous les Autochtones du Canada.

D’autres ressources existent, consulter la liste des centres d’écoute par région.

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en santé des Autochtones.