Déjudiciarisation, décriminalisation et légalisation de la possession de drogues : exploration des concepts et exemples de leurs applications

Au Québec comme ailleurs, les incitations à reconsidérer le régime d’encadrement des drogues se sont multipliées au cours des dernières années.

Les termes déjudiciarisation, décriminalisation et légalisation, bien que ne signifiant pas la même chose, sont parfois utilisés de manière interchangeable. Cela a pour conséquence de limiter la compréhension de leurs enjeux juridiques respectifs et de leur retombées potentielles pour les personnes utilisatrices de drogues et la population, particulièrement en matière de santé. De plus, les termes n’étant pas toujours maîtrisés – notamment par les acteurs de santé – la concertation entre ces acteurs et leurs partenaires au sujet de leurs forces, limites et enjeux respectifs peut en être restreinte. Le présent document vise à expliciter les principales caractéristiques et les retombées potentielles des différents régimes d’encadrement des drogues (décriminalisation et légalisation), ainsi que des approches de déjudiciarisation et de non-judiciarisation. Il présente, en outre, des éléments permettant de mieux saisir les fondements et les objectifs qui les sous-tendent. Ce rapport porte exclusivement sur l’infraction de possession de drogues (i.e. l’usage à des fins personnelles) et tient compte des lois et cadres juridiques en vigueur au Québec.

Ce rapport met en évidence que les frontières entre ces différents régimes d’encadrement ou approches de déjudiciarisation (et non-judiciarisation) sont parfois floues et ne sont pas mutuellement exclusives. En conséquence, il peut y avoir un certain nombre de points communs entre ceux-ci.

À la suite de la consultation de la littérature et en fonction des lois et cadres juridiques canadiens et québécois, les termes d’intérêts peuvent succinctement être définis comme suit :

La déjudiciarisation est une pratique s’inscrivant dans le contexte du régime actuel de prohibition. Son application ne suppose pas l’absence de contact avec le système de justice, impliquant plutôt un traitement « alternatif » de certaines infractions. Au Canada, la déjudiciarisation réfère en outre à une diversité de mesures, soit :1) les ententes survenues avant le procès; 2) le traitement des dossiers dans la collectivité plutôt qu’à l’intérieur du cadre de la justice pénale; 3) l’allègement des peines, notamment en prévoyant le recours à des mesures autres que l’emprisonnement et 4) le traitement des dossiers réglés par la police, sans contact avec le système judiciaire (connu au Québec sous l’appellation de « non-judiciarisation »).

La décriminalisation de la possession de drogues fait référence à des mesures permettant d’éviter l’application des sanctions criminelles. Ces mesures peuvent impliquer des changements à la loi (décriminalisation de jure) ou se limiter à des modifications dans les pratiques policières ou judiciaires (décriminalisation de facto). Une sanction non criminelle peut s’appliquer, tout comme le recours à d’autres modalités (p. ex. : orientation vers des soins de santé et services sociaux, gradation dans la sévérité des sanctions, etc.).

La légalisation fait référence à la fois la reconnaissance par la loi d’une pratique auparavant non réglementée et à la levée des interdictions qui se rattachent à un comportement auparavant illégal. En ce qui a trait aux substances psychoactives, elle suppose la mise en œuvre d’un cadre légal permettant à l’État d’encadrer la production, la distribution et l’usage des drogues.

Enfin, la littérature consultée révèle que les impacts potentiels de ces régimes d’encadrement ou approches de déjudiciarisation (et non-judiciarisation) sur la santé de la population semblent parfois peu considérés dans la littérature et les prises de position de différents regroupements de personnes utilisatrices de drogues. Par exemple, advenant une potentielle hausse de l’usage de drogues dans la population, peu de données existent en vue d’évaluer les effets possibles sur le système de santé (p. ex. : accroissement possible de l’utilisation des soins et services et impacts sur l’accès et la disponibilité aux ressources). De la même manière, peu de données sur les effets d’une hausse de l’usage (et de l’usage problématique) dans la population ou encore sur la mortalité et la morbidité associées à la consommation de drogues ont été relevées dans la littérature. Dans certains cas, on observe également que ces considérations sont absentes dans les objectifs qui sous-tendent ces régimes d’encadrement ou mesures de déjudiciarisation et non-judiciarisation.

ISBN (électronique)
978-2-550-94535-2
Notice Santécom
Date de publication