Épidémie de VIH chez les consommateurs d'oxymorphone : l'Indiana sous surveillance

Karine Blouin propose un article et un éditorial sur les personnes UDI de l'Indiana faisant usage d'oxymorphone.

Community Outbreak of HIV Infection Linked to Injection Drug Use of Oxymorphone — Indiana, 2015
Caitlin Conrad, Heather M. Bradley, Dita Broz et coll. | Paru en avril 2015 dans MMWR

Le département d’État de santé de l’Indiana a mené une enquête sur une épidémie de VIH qui a débuté le 23 janvier 2015. Cette investigation a été entreprise à la suite de l’observation d’un nombre inhabituel de cas déclarés de VIH dans un comté du sud-est, c’est-à-dire 11 cas comparativement à moins de cinq annuellement.

Principaux résultats

Au 21 avril 2015, 135 personnes avaient reçu un diagnostic de VIH, dont six lors d’un test de détection rapide, restant à confirmer, au sein d’une communauté de 4 200 personnes. L’âge moyen des cas était de 35 ans, 58 % étaient des hommes et 80 % ont rapporté l’usage de drogues par injection (information non disponible dans 17 % des cas). Parmi les 108 personnes ayant rapporté l’usage de drogues par injection, toutes disent avoir consommé, le plus souvent, de l’oxymorphone, un médicament opioïde. Ces personnes ont rapporté s’injecter une dose de quatre à quinze fois par jour, et lors d’un épisode d’injection, avec un ou plusieurs partenaires d’injection (jusqu’à six). Dix femmes ont été identifiées travailleuses du sexe. La co-infection avec l’hépatite C a été observée chez 114 personnes (84,4 %). La recherche des partenaires sexuels, des partenaires d’injection et des autres contacts potentiellement à risque a conduit à l’identification de 373 contacts, dont 247 ont été localisés et 230 testés pour le VIH. Parmi les 230 contacts testés, 109 ont été diagnostiqués avec une infection par le VIH, pour un taux de positivité de 47,4 %.

Discussion

Au sein de cette communauté rurale, historiquement à faible risque de VIH, l’infection s’est transmise rapidement au sein des réseaux de personnes s’injectant des médicaments opioïdes. L’investigation a démontré que l’injection de drogues est une activité qui peut être pratiquée par trois générations au sein d’une même famille et, collectivement, par plusieurs individus de la communauté. Comme plusieurs autres régions rurales des États-Unis, cette communauté présente un taux de chômage élevé et une proportion importante de personnes n’ayant pas terminé l’école secondaire, bref des individus vivant dans la pauvreté et ayant un accès limité aux services de santé.

Un état d’urgence de santé publique a été déclaré le 26 mars 2015. Les moyens mis en œuvre pour tenter de contrôler cette épidémie de VIH, en collaboration avec les Centers for disease control and prevention, sont nombreux : une campagne d’éducation du public, l’établissement de services de proximité, la mise en place d’un programme d’échange de seringues (autorisation toutefois temporaire, renouvelable et à court terme) ainsi que du soutien pour traiter les personnes atteintes par le VIH ou l’hépatite C et aux prises avec une dépendance aux drogues et médicaments. L’identification des personnes ayant été en contact avec des individus infectés par le VIH se poursuit. Cette épidémie rappelle la vulnérabilité des populations rurales à des problématiques telles que le mésusage de drogues et la dépendance.

Commentaire

Dans un récent éditorial publié dans JAMA en lien avec cet article (PMID : 26000661), JD Rich et ses collaborateurs rappellent la guerre idéologique entourant les programmes d’échange de seringues et les données probantes les appuyant. À l’heure actuelle, seulement 16 états américains autorisent les programmes d’échange de seringues. Les lois défavorables, dont l’interdiction de financement fédéral des programmes d’échanges de seringues, expliquent sans doute cette faible couverture nationale.

Bien que le contexte québécois soit très différent du contexte américain, cette épidémie en Indiana est un signal d’alarme rappelant l’importance de maintenir les services en réduction des méfaits sur l’ensemble du territoire. Les compressions budgétaires récentes et la fragilisation des ressources régionales de santé publique au Québec soulèvent des inquiétudes quant aux impacts éventuels sur le maintien et la couverture géographique de ces services, dont les programmes d’échange de seringues.

Résumé de l’article dans PubMed et accès au texte intégral

Consultation tarifée de l’éditorial dans JAMA

Rédigé par
Karine Blouin
Date de publication : 16 juin 2015